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Actualités - ANALYSE

perspectives - La concertation préalable et le consensus dans l’esprit du 14 mars, un impératif pour la phase postsyrienne Le nouveau Parlement, une assemblée constituante en vue d’un rééquilibrage interne

«Res, non verba » (« des réalités, non des mots »). Cette expression latine devrait être inscrite en grand au-dessus du perchoir, place de l’Étoile. Il serait même utile qu’elle soit adoptée comme devise du nouveau Parlement, non pas tant pour son action au plan législatif, mais plutôt pour ses responsabilités au niveau de la réconciliation et de l’entente nationales. Car cette nouvelle Chambre, élue au lendemain de la fin de la tutelle syrienne, constitue en quelque sorte une véritable assemblée constituante dont l’une des missions principales devrait être de redéfinir les rapports et les équilibres internes entre les principales composantes communautaires du pays. Grâce à un jeu d’alliances qui a compensé les effets dévastateurs d’une loi électorale inique, l’hémicycle regroupe cette fois-ci, malgré tout, et pour la première fois depuis Taëf, des blocs réellement représentatifs de tout l’éventail des réalités sociopolitiques libanaises. Certaines absences sont, certes, à déplorer : les grandes familles sunnites traditionnelles (notamment les Salam et les Karamé) ; l’émir Talal Arslane, pour compléter le paysage druze ; et, surtout, le Parti national libéral et le Bloc national. Quant au parti Kataëb, comble de la déchéance, il n’a pas été en mesure, non pas de faire élire un député (hormis Nader Succar désigné par les voix du Hezbollah !), mais de présenter, au moins, ne fût-ce qu’un seul candidat dans une quelconque circonscription. Et il aura fallu le mouvement réformiste Kataëb du président Amine Gemayel pour éviter l’annihilation parlementaire totale du parti en cette phase décisive de l’histoire du Liban. À ces quelques absences près, le tableau est donc quasiment complet place de l’Étoile du fait que – signe des temps – la marginalisation des Kataëb, du PNL et du BN a été compensée par le retour en force sur l’échiquier politique de deux grandes formations qui sont d’une certaine manière le fruit de la guerre : les Forces libanaises, et le Courant patriotique libre du général Michel Aoun. Tous les acteurs sont ainsi en place pour donner le coup d’envoi de ce qui pourrait être, ou de ce qui devrait être, l’une des parties les plus cruciales pour le devenir du pays : l’amorce d’un dialogue en profondeur, avec les institutions constitutionnelles comme catalyseur, en vue de repenser, loin de toute interférence étrangère, le contrat social entre Libanais. Et à cet égard, les grands blocs désormais présents au Parlement – plus précisément les blocs Hariri, Joumblatt, Amal, Hezbollah, FL, Courant patriotique libre – ont une responsabilité historique à assumer. Pour la première fois depuis le début de la guerre, les Libanais sont en effet, enfin, entre eux (du moins dans une large mesure) pour discuter de leurs problèmes, sans contrainte extérieure. Si les grands blocs qui se partagent aujourd’hui l’arène parlementaire parviennent à relever ce défi, la nouvelle phase fondatrice enclenchée par le retrait syrien pourrait alors constituer la cinquième tentative sérieuse de règlement de la crise libanaise. Force est de relever qu’au cours des trente dernières années, les précédentes tentatives avaient été, soit systématiquement torpillées par Damas (notamment sous les mandats Frangié et Gemayel), soit entièrement phagocytées et déviées de leur trajectoire par le régime syrien. Ce fut le cas au début de la guerre, en 1976, lors de l’initiative arabe de paix progressivement récupérée et vidée de son contenu par la Syrie dans le but évident de perpétuer la déstabilisation du pays. Idem pour les conférences de Genève et de Lausanne organisées par le président Gemayel au début des années 80. L’accord tripartite, conclu en décembre 1985 par les Forces libanaises – sous l’égide d’Élie Hobeika –, le PSP et Amal, avait fait, par ailleurs, chou blanc pour deux raisons essentielles : il plaçait le Liban sous tutelle syrienne alors que les régions Est bénéficiaient encore d’une autonomie politique et militaire bien établie ; il prévoyait, en outre, un projet de règlement (principalement un mécanisme très précis pour l’abolition du confessionnalisme politique) en total déphasage avec les réalités historiques locales (en l’occurrence le caractère pluraliste et les fondements communautaires de la société libanaise). Quant au processus de Taëf – la tentative de solution la plus solide –, il a été foncièrement dénaturé par Damas et ne pouvait, par conséquent, que déboucher sur une impasse, suivant le principe de l’arroseur arrosé. Avec la fin de l’ère syrienne, et maintenant qu’un trait a été tiré sur trente ans d’interférences, d’ingérences outrancières et de tutelle, les Libanais ont donc, aujourd’hui, l’opportunité historique, tant attendue, de plancher, seuls, sur les dossiers litigieux encore en suspens. Dans ses multiples déclarations, Saad Hariri ne cesse d’affirmer qu’il désire préserver l’esprit du 14 mars. C’est précisément cet esprit-là qui devrait sous-tendre, dans la réalité et non pas uniquement en paroles, l’étape dans laquelle vient de s’engager le Liban. Une étape qui ne saurait être conditionnée par les calculs politiciens et les querelles byzantines. Lorsqu’il s’agit de redéfinir les équilibres internes, de consolider le contrat social et de rectifier le tir au niveau du jeu politique local pour réparer les égarements de ces dernières années, la seule voie possible est le consensus, l’acceptation de l’autre, la reconnaissance du droit à la différence. Cela implique, à l’évidence, l’adoption du principe de la concertation préalable, loin de tout suivisme ou de toute logique hégémonique. Et surtout loin de toute considération arithmétique fondée sur la répartition respective des sièges parlementaires, en tout cas tronquée à la base par une loi électorale dont les méfaits ne sont plus à démontrer. Michel TOUMA

«Res, non verba » (« des réalités, non des mots »). Cette expression latine devrait être inscrite en grand au-dessus du perchoir, place de l’Étoile. Il serait même utile qu’elle soit adoptée comme devise du nouveau Parlement, non pas tant pour son action au plan législatif, mais plutôt pour ses responsabilités au niveau de la réconciliation et de l’entente nationales. Car...