Rechercher
Rechercher

Actualités

EN DENTS DE SCIE Bulle à bulle

Vingt-quatrième semaine de 2005 (J+124) Hassan Nasrallah et Nabih Berry ont écrasé leurs adversaires, notamment chiites, dans les deux circonscritptions du Liban-Sud et à Baalbeck-Hermel. Walid Joumblatt a éliminé de l’hémicycle, pour la première fois dans l’histoire du pays, un Arslane auquel il réservait depuis plus d’une décennie un siège vide à Aley. Michel Aoun a exclu de la Chambre la quasi-totalité des courants chrétiens du Metn-Nord, du Kesrouan et de Jbeil, parmi lesquels celui qu’il estimait être, à juste raison, son plus dangereux rival pour la présidence de la République. Saad Hariri a raflé la très grosse majorité de Beyrouth – et il reste le Liban-Nord, également à majorité sunnite. Il y a de fortes chances que ces électeurs sunnites réagissent exactement – qu’ils aient été encouragés ou non n’y change rien – comme leurs compatriotes chiites, druzes ou chrétiens l’ont fait. En se souvenant bien évidemment que le duopole chiite n’aurait pas existé s’il n’y avait pas eu, le 5 juin, une liste commune Amal-Hezbollah. Chacun dans sa bulle, donc, son cocon. Blindé le cocon, cimenté, même si la solidité du béton n’est pas exactement identique pour tout le monde. Chaque bloc est fort, en tant que tel, dans sa densité, sa masse, son volume et tous les symboles qui lui collent aux parois. C’est une distribution marxiste-léniniste presque idéale des richesses. C’est le nivellement horizontal. Pratiquement d’égal à égal, ces entités peuvent désormais dialoguer, tisser des alliances ponctuelles ou stratégiques, et, parce que le schéma ne sera jamais triangulaire, parce qu’il ne pourra jamais y avoir la fusion de l’une dans l’autre, chacune de ces entités devrait être à l’abri de toute tentation de « bunkerisation » comme de toute velléité d’exclusion ou de marginalisation de l’une ou l’autre d’entre elles. Mille fois plus qu’un vulgaire et délétère sacre du confessionnalisme, cet état de fait, qu’affineront sans aucun doute les résultats du Nord demain dans la nuit, ressemble plutôt au triomphe du communautarisme. Or, à l’aube du IIIe millénaire, une communauté, toutes les communautés savent qu’autarcie signifie suicide, connaissent l’importance du troc, des liens, de l’oxygène transcommunautaire dans la croissance des chances de survie et de prospérité. Notamment politique. Mais rien n’est acquis. Parce qu’il y a un problème. Et de taille, indépendamment de l’opinion, haute ou basse, que tout un chacun est en droit de se faire des différents chefs. Les résultats des trois premiers volets du scrutin 2005 ont consacré un leader, un et unique, à la tête de chaque communauté. En fait, bien plus que l’apothéose communautariste et bien plus que dans le passé, l’électeur libanais a décidé, cette année, de sacrer l’individu. Investi des pouvoirs démiurges du bulletin de vote, cet électeur a choisi de créer un « lider maxima » de bulle. D’introniser un chef, de le « gigantiser », de plébisciter un homme, un seul, au détriment du reste de ses coreligionnaires. C’est une chose viciée en soi, dangereuse, certes, bien moins saine qu’un binôme ou une troïka intercommunautaire, mais c’est ainsi. Sauf que cela oblige chacun d’entre eux – en attendant un rééquilibrage druze, une séparation naturelle des frères chiites, un réveil des pôles sunnites, un désembastillement de Samir Geagea – à une discipline de fer, à une conscience aiguë de ses responsabilités individuelles et collectives, à un travail quotidien de génie civil, qui consiste en la construction tous azimuts de ponts, d’autoroutes, de réseaux organiques et (infra)structurels entre toutes les bulles. Avec, à terme, l’idyllique, l’encore utopique destruction de ces bulles qui continuent, bon an mal an, de faire la spécificité de ce pays. Et ce ne sont pas les travaux qui manquent. Dette, chômage, corruption, modernisation, enracinement des principes démocratiques et libertaires, qui passeront nécessairement, sur le plan politique, par l’élection d’un nouveau président de la Chambre (reconduire, après 13 ans de bons et loyaux services, Nabih Berry serait une plaisanterie de très mauvais goût ou un aveu désolant de paresse crasse), la formation d’un nouveau gouvernement, et puis l’urgent choix d’un successeur à Émile Lahoud. Le gardien des bulles. Ziyad MAKHOUL
Vingt-quatrième semaine de 2005 (J+124)
Hassan Nasrallah et Nabih Berry ont écrasé leurs adversaires, notamment chiites, dans les deux circonscritptions du Liban-Sud et à Baalbeck-Hermel. Walid Joumblatt a éliminé de l’hémicycle, pour la première fois dans l’histoire du pays, un Arslane auquel il réservait depuis plus d’une décennie un siège vide à Aley. Michel Aoun a exclu de...