Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Après la secousse de l’épicentre, le séisme pourrait propager ses ondes au Nord

Chaque tour de scrutin influe, d’une manière ou d’une autre, sur le suivant. Le raz-de-marée de Beyrouth a ainsi facilité la réplique du Sud. Qui, par contre, tout en se reproduisant à Baalbeck-Hermel comme dans la Békaa-Ouest, a certainement défavorisé le vieux système, affublé en « new deal », dans le cœur politique (et national) du pays, le Mont-Liban. Plus précisément, les zones majoritairement chrétiennes du Metn-Nord et du Kesrouan-Jbeil. Joumblatt lui-même en a eu des sueurs froides, dimanche. Et il s’est précipité chez les leaderships chiites. Pour les presser de faire voter en masse, au besoin par une sorte de fatwa, en faveur de ses poulains à Baabda-Aley. Dans le camp chrétien, qu’est-il arrivé ? La totalité des huit sièges décrochés sans coup férir par Aoun au Kesrouan-Jbeil où il se présentait en personne. Des figures aussi connues, aussi appréciées que le Amid du Bloc national, Carlos Eddé, Mansour Ghanem el-Bone ou Farès Souhaid, piliers de la Rencontre de Kornet Chehwane, évincées. Au Metn, le pacte inimaginable conclu avec le tandem indissoluble Murr-Tachnag rafle sept strapontins sur huit. Et Pierre Amine Gemayel n’en réchappe que parce que Aoun, magnanime, avait laissé une place vacante sur sa liste. Certains laissant entendre, de plus, que le camp de ce candidat avait su, en toute dernière minute, et avec des arguments très convaincants, se gagner les faveurs du Tachnag. Laissant sur le carreau d’autres éminences de la Rencontre de Kornet Chehwane comme Nassib Lahoud ou Gabriel Murr. Qui ont cédé la place à de quasi-inconnus qui ont eu la chance d’être sélectionnés par Aoun. L’omniprésent Aoun, qui a pu même faire élire l’un des siens dans la lointaine Zahlé. Où il a eu le flair de s’allier avec le leader traditionnel Élie Skaff, pourtant réticent au départ sur l’intrusion d’un Courant classé comme maronite sur son territoire, sa chasse gardée, de grec-catholique. C’est d’ailleurs cette vieille histoire de territoire communautaire qui explique qu’à Baabda-Aley l’ancien général n’a pas pu rafler la mise. Cette région est en effet mixte, d’où nécessairement un fort taux de panachage. Situation où l’unité des rangs dits opposants a donc pu se montrer plus efficace qu’ailleurs. Le principal est à venir. En effet, peu d’observateurs doutent que le séisme du Metn et du Kesrouan n’ait des répercussions au Nord. Sleimane Frangié, allié de Aoun, s’en trouve en tout cas revigoré.Tandis que dans les rangs opposants, on se met maintenant à craindre que des figures incontournables comme Boutros Harb ou Nayla Moawad ne fassent les frais, à leur tour, de la désaffection de l’électorat chrétien à l’encontre des piliers de Kornet Chehwane. Accusés de s’être jetés dans le giron d’un double leadership mahométan joumblatto-haririen. Tendance d’autant plus redoutable que les aounistes peuvent maintenant avancer l’argument qu’avec eux le camp chrétien dispose désormais, pour la première fois depuis Taëf, d’un bloc parlementaire bien à lui. Mais le Nord n’est pas, comme on dit, pays chrétien. Et ses représentants chrétiens peuvent, sans doute, compter sur la force, décisive, de leurs alliés mahométans, les haririens en tête. Il reste que la bataille, considérée encore inégale en faveur de l’opposition samedi dernier, se présente dorénavant sous un jour plus serré. Sleimane Frangié avait du reste parfaitement compris l’importance de l’enjeu : dimanche, il a appelé Aoun, pour suivre le cours des choses. Et il s’est déclaré ensuite tout à fait satisfait des résultats obtenus par son allié, dont la percée suscite les critiques acerbes de Joumblatt qui soutient que le tsunami, comme il l’appelle, est inquiétant. Parce qu’à son avis, il signifie un recul des forces du modérantisme dans le camp chrétien. Et risque de provoquer de nouvelles guerres sur la scène locale. Dans sa façon, toute singulière de lire l’histoire, Joumblatt estime en effet que l’effet boule-de-neige du Helf tripartite aux élections de 1968 aurait mené aux événements de 1975. Ce à quoi les aounistes répondent qu’en développant un tel point de vue, Joumblatt laisse entendre, tout comme le fait parallèlement Lahoud, que c’est l’éviction du deuxième bureau qui a conduit à la guerre. Un raisonnement étrange, ajoutent-ils, venant de la part d’un leader qui prétend lutter contre le pouvoir des services. Ils rappellent ensuite le facteur palestinien, auquel Joumblatt était si fortement attaché, à la suite de son regretté père. Ils rappellent aussi la guerre qu’il a livrée en 87, à travers des combats contre Amal, au drapeau national. Ces mêmes cadres s’étonnent que l’on puisse accuser leur chef de radicalisme confessionnel, alors qu’il se bat pour la cause civique, l’allégeance à la patrie comme à l’État avant l’allégeance à la communauté. Puis les aounistes ricanent au sujet des boutades joumblattistes sur le bulldozer du général. En soulignant, comme le dit l’adage local, que si l’on a une maison en verre, on ne lance pas de pierres sur la maison du voisin. Ils s’étonnent ensuite, et enfin, que l’on refuse aux chrétiens d’avoir un leadership bien à eux. Et regrettent que ce même refus soit défendu par tant de pôles chrétiens. Philippe ABI-AKL
Chaque tour de scrutin influe, d’une manière ou d’une autre, sur le suivant. Le raz-de-marée de Beyrouth a ainsi facilité la réplique du Sud. Qui, par contre, tout en se reproduisant à Baalbeck-Hermel comme dans la Békaa-Ouest, a certainement défavorisé le vieux système, affublé en « new deal », dans le cœur politique (et national) du pays, le Mont-Liban. Plus précisément, les...