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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB … Et de cinq

Coup de théâtre, vraiment ? S’il a effectivement déjoué des pronostics par trop simplistes, s’il a même atterré d’aucuns, le raz-de-marée aouniste observé dimanche dans plus d’une circonscription du Mont-Liban s’inscrit rigoureusement, pourtant, dans l’ordre logique des choses : force est de reconnaître en effet qu’il vient réintroduire avec éclat, sur le terrain, une composante essentielle du tissu national. Injustement occultée tout au long de l’occupation syrienne, celle-ci aura été inexplicablement traitée en parent pauvre, à l’heure de la libération. Énorme faute, énormes effets illustrés par le verdict des urnes, même si Michel Aoun, qui aspire à une stature nationale et non seulement chrétienne, n’a pu s’imposer dans les circonscriptions à population mixte de Baabda-Aley et du Chouf. Que la constante quête d’équilibre entre ses diverses familles spirituelles soit la plaie du Liban, c’est certain. Mais en attendant qu’on ait trouvé mieux, cette règle est aussi la clé de voûte de l’édifice absolument unique qu’est notre pays. L’accord de Taëf a bien imaginé un processus de déconfessionnalisation politique, mais tout le monde sait l’usage discriminatoire qui en a été fait. Comment a-t-on pu brandir le slogan de la déconfessionnalisation quand était décapitée, arbitrairement encadrée, une communauté déterminée alors que toutes les autres étaient en mesure de se doter – pas toujours d’heureuse manière, au demeurant – des chefs de leur choix ? À juste titre, les chrétiens attendaient du Liban nouveau, né lors des grandes retrouvailles qu’a scellées le sang de Rafic Hariri et de ses compagnons, que soit levée l’injustice. Que cesse de jouer en leur exclusive défaveur la clause de l’intégration nationale. Que dans les régions hétérogènes et en l’absence d’une redéfinition des mohafazats pourtant prévue par Taëf, le gros de leurs députés cesse d’être tributaire de l’électorat musulman. À tort ou à raison cette fois, la rue chrétienne, première (et longtemps seule) à lever l’étendard de l’indépendance, a vu dans le maintien en vigueur de la loi électorale tant décriée de l’an 2000 le résultat d’un marché passé entre la paire Hariri-Joumblatt et le tandem Amal-Hezbollah, demeuré résolument fidèle à ses amitiés syriennes. À tort ou à raison de même, elle a acquis la conviction que divers ténors de l’opposition chrétienne avaient discrètement cautionné la transaction, s’assurant ainsi un siège à l’Étoile et se résignant à la toute-puissance du groupe des Quatre. À tort ou à raison enfin, cette même rue a paru s’insurger contre ce qui était à ses yeux une conspiration générale visant à réduire à sa portion congrue, sinon à isoler et exclure, l’homme par qui arrivait le fameux tsunami ; en le sacrant roi du Marounistan, elle offre au contraire au général un substantiel bloc parlementaire, le premier du genre depuis 1972 et aussi le cinquième à s’installer au sein de la future Assemblée. Faut-il s’en effarer ou s’en réjouir, là n’est pas la question dès lors que les électeurs se sont prononcés en nombres inégalés et de la plus explicite des manières. Michel Aoun est certes un de ces personnages qui ne laissent pas indifférent, qui suscitent les passions, pour ou contre. On peut évidemment s’indigner que l’homme de la « guerre de libération » et de la lutte contre la corruption entreprenne de renflouer, comme il l’a fait dimanche, comme il se propose de le faire encore dimanche prochain dans le Nord, des vestiges de l’ère syrienne promis à la disparition politique. On ne peut que s’attrister, de même, entre autres victimes du tsunami, du départ de l’hémicycle d’une icône parlementaire telle que Nassib Lahoud. Et on peut tout aussi bien faire valoir en revanche, comme l’ont précisément fait les électeurs, qu’à peine rentré de son long exil parisien, le général assiégé a été systématiquement acculé à contracter les plus invraisemblables alliances. Que plus d’une vierge effarouchée n’est pas si vierge que cela en réalité, pour avoir longtemps bénéficié des privilèges syriens. On peut, on peut, c’est bien cela finalement la démocratie. Ce qu’on ne peut faire en revanche, ce qui est choquant et inacceptable, c’est d’oublier les principes démocratiques arborés place de la Liberté pour crier à l’avènement de l’extrémisme, pour mettre en garde contre de nouvelles guerres, pour évoquer avec une nostalgie hors de mise la bataille de Souk el-Gharb, comme a paru le faire l’irascible Walid Joumblatt qui vient lui-même d’éliminer de la scène le clan druze des yazbakis. C’est de s’alarmer de l’option « aventuriste » retenue selon lui par les électeurs, comme l’a fait à son tour une figure éminemment respectée du Rassemblement de Kornet Chehwane, le candidat malheureux Farès Souhaid. L’aventure, la vraie, ce serait que le verbe de la confrontation empêche ceux-là mêmes qui ont charge de reconstruire la république de constater des réalités politiques on ne peut plus évidentes. D’en prendre acte avec sérénité, puisque telle est la volonté de l’électeur, et de faire avec, pour le mieux. Entré en mutation vraiment, l’establishment politique libanais que vient bousculer Michel Aoun ? Figé au contraire dans sa désolante médiocrité ? C’est l’avenir proche qui le dira. En attendant, on ferait bien de se souvenir que trop de maisons libanaises sont faites de verre pour que volent de la sorte les moellons.

Coup de théâtre, vraiment ? S’il a effectivement déjoué des pronostics par trop simplistes, s’il a même atterré d’aucuns, le raz-de-marée aouniste observé dimanche dans plus d’une circonscription du Mont-Liban s’inscrit rigoureusement, pourtant, dans l’ordre logique des choses : force est de reconnaître en effet qu’il vient réintroduire avec éclat, sur le terrain, une...