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Au Metn-Nord, un long dimanche de batailles (photo)

Au Metn-Nord, à l’échelle du Mont-Liban tout entier, c’était loin d’être hier un long dimanche de fiançailles. La rupture avait été totalement consommée entre les différents protagonistes et, qui plus est, étalée sur tous les écrans de télévision durant les derniers jours. De tout temps, le Metn-Nord a été l’arène des affrontements politiques les plus terribles. Hier encore, cette région n’a pas échappé à la règle, et c’est ainsi qu’au Metn-Nord s’est déroulé hier ce qu’on pourrait appeler un long dimanche… de batailles. De fait, la bataille du Metn-Nord ne se limitait pas strictement à sa simple sphère électorale, même s’il s’agissait, pour certains courants politiques, de la première consultation électorale régulière depuis 1972 (notamment le PNL) ou depuis… toujours (le CPL et les FL). Elle était même éminemment politique, et opposait d’abord quatre véritables leaders, dont trois présidentiables potentiels, Nassib Lahoud, Amine Gemayel et Michel Aoun, et un zaïm (à l’origine) finissant, mais que les résultats (non officiels) d’hier auront remis sur selle, Michel Murr. Michel Murr ayant été durant de longues années l’éminence grise du mandat Lahoud, on pourra dire, sans complexes, que la bataille du Metn était hier un réseau enchevêtré de règlements de comptes personnels sans pitié tournant, avant tout, autour de la prochaine présidentielle, avec un premier front à l’intérieur même de Baabdate et un deuxième front Baabdate/Bickfaya vs Rabieh. Mais si le Metn a massivement voté orange hier, le plus grand intérêt doit être accordé au climat démocratique exemplaire – et ce alors même que la bataille opposait les alliés d’hier (la liste parrainée par le général Aoun et celle coprésidée par les députés sortants Nassib Lahoud et Pierre Gemayel) – et au taux de participation très élevé qui a prévalu hier dans l’ensemble de la région. La journée électorale n’a pas commencé particulièrement tôt. À 8h du matin, le littoral était encore calme, sans convois de partisans, sans chants patriotiques, sans effusions. Mais il était clair, à travers les portraits de tous les chefs politiques accrochés aux poteaux téléphoniques, que c’est l’ensemble de l’inconscient collectif chrétien qui était impliqué dans la bataille. Il fallait prendre les chemins du Haut-Metn, aussi tôt dans la matinée, pour commencer à sentir les prémices de la fièvre de ce dimanche particulier. De Bickfaya à Baabdate Ainsi, à 8h50, Dik el-Mehdi, l’un des fiefs PSNS du Metn, était déjà mobilisé. Les listes aounistes circulaient déjà aux portes des bureaux de vote avec, pour le quatrième siège maronite laissé vacant par le général, le candidat Ghassan Achkar. Une manière pour les partisans PSNS de compléter la liste Aoun. Si, à 9h, Kornet Chehwane et Beit Chabab affûtaient encore leurs bulletins de vote pour se rendre aux urnes, Bickfaya commençait, pour sa part, à prendre le chemin des bureaux de consultation. Bickfaya, peuplé de drapeaux des FL et du mouvement réformiste Kataëb. Dans le fief gemayéliste, l’orange n’est pas la couleur dominante. Ce sont plutôt les tee-shirts teintés de vert qui prennent le dessus. À son domicile, le président Gemayel ne cache pas son amertume vis-à-vis de « cette bataille stérile », son dégoût du retour, au sein d’alliances contre nature, de symboles qu’il pensait à tout jamais révolus. Il affirme que « le temps n’est pas à des victoires à la Pyrrhus alors que le Liban est encore un homme malade » et « a encore besoin de cohésion pour affronter les échéances qui pointent à l’horizon ». Le président Gemayel déplore « l’affaiblissement » dans les rangs metniotes que la désunion produira. Si le calme prévaut chez les Gemayel le pressentiment, non révélé, qu’une confrontation terrible se prépare est toutefois omniprésente. 10h. À Baabdate, terre des « deux Lahoud », la fièvre commence à monter, lentement mais sûrement. Le président Émile Lahoud, tout en vert (et faiblement applaudi à son arrivée), dépose son bulletin sous les applaudissements, avant de répondre aux questions de la presse. Il tire à boulets rouges sur ceux qui visent à le destituer, martèle qu’il restera à Baabda jusqu’au terme de son mandat et annonce qu’il a voté « contre la corruption et pour le Liban » (voir par ailleurs). Il n’y a pas que les daltoniens qui pensent qu’Émile Lahoud, voisin de son cousin et rival Nassib, a voté orange. Loin du tumulte qui agite déjà les bureaux de vote, Nassib Lahoud reçoit journalistes et colistiers à son domicile, notamment le candidat PNL, Philippe Maalouf. Le chef du RD suit avec grand intérêt les prestations de Michel Aoun et d’Émile Lahoud à la télévision. Il reconnaît, non sans amertume, que c’est en grande partie des calculs préprésidentiels qui se jouent à travers le scrutin du Metn. A-t-il à l’esprit qu’il pourrait être une victime sacrificielle de ce combat des chefs ? Quoi qu’il en soit, Nassib Lahoud ne se départit jamais de sa sportivité. Il suit calmement les développements, et songe déjà à l’avenir, à la nécessité de tourner immédiatement la page après le scrutin, pour former la plus large des coalitions nationales et faire face aux prochaines échéances. La guerre des « deux Murr » 11h. Beit-Méry vit au rythme de Ghassan Moukheiber, et des chansons aounistes. L’orange est à la mode dans le village de feu Albert Moukheiber. Ghassan Moukheiber est confiant, mais reste prudent. Il songe à ses projets d’avenir, notamment à sa rencontre, aujourd’hui lundi, avec le ministre de la Justice, pour créer une commission chargée de faire la lumière sur le sort des détenus libanais en Syrie et faciliter la réinsertion sociale des ex-détenus. Le député sortant commente la candidature indépendante, encouragée selon lui par MM. Lahoud et Gabriel Murr pour le défavoriser, de son cousin Élias Moukheiber. Il en profite aussi pour répondre à Nassib Lahoud, qui indiquait vendredi avoir réclamé, depuis 1996, le retrait syrien, et rappelle que le célèbre conflit entre Albert Moukheiber et M. Lahoud résidait justement dans « la volonté de ce dernier de ne pas évoquer le retrait syrien ». Et de rappeler qu’en 2000, le défunt avait été le seul politique à baser son programme électoral sur le rétablissement de la souveraineté, qu’il devait plus tard réclamer à la Chambre. 12h. Retour à Bickfaya. Le taux de participation a déjà atteint les 30 %. Gabriel Murr, qui fait le tour des bureaux de vote, espère « recueillir le vote des partisans orange». La guerre des « deux Murr », qui date de la partielle de 2002, se poursuit en marge de la bataille électorale. Et Gabriel souhaite réellement que les aounistes se souviennent des combats menés avec lui, au détriment de son frère Michel. Gabriel Murr et Nadim Gemayel échangent une poignée de main à l’extérieur d’un bureau de vote. L’ancien PDG de la MTV doit encore aller voter dans son village natal de Bteghrine. 12h30. Michel Murr devra attendre un peu avant de déposer son bulletin de vote. Devant l’école secondaire de Bteghrine où il vote sous les applaudissements, avant d’être hissé sur les épaules de ses partisans, Michel Murr fait son traditionnel bain de foule de zaïm. Tout est bien réglé, à l’applaudimètre. L’ancien ministre de l’Intérieur répond aux questions des journalistes, entouré du général aouniste Edgar Maalouf et du candidat Sélim Salhab. Les partisans de Murr scandent le nom du général Aoun. Pour la première fois depuis le début des années 90, Bteghrine est d’ailleurs tapissée de portraits de Michel Aoun, et les hymnes aounistes résonnent dans le village. Certains aides de Michel Murr n’hésitent d’ailleurs pas à parler de « Tayyar watané Murr », plutôt que de « Tayyar watané horr » (CPL en arabe). Edgar Maalouf coupe court au panachage que subit Michel Murr de la part de la base aouniste. Et réciproquement, puisque des rumeurs indiquent que Murr réserve le même sort aux candidats aounistes Sélim Salhab et Ibrahim Kanaan. Le candidat Salhab, lui, relève le caractère ultradémocratique des élections. Il a bien raison. À Bteghrine, c’est bien une première. L’ascension de Baskinta, via Khonchara, est lente. Les bureaux de vote sont vides. Tout le monde a été déjeuner. Il reste le littoral. Entre 15h et 17h, le taux de participation atteint un pic de 50 % à Dbayeh, Jal el-Dib, Antélias, Zalka, Jdeideh-Sid el- Bauchrieh, Dékouaneh, Sin el-Fil. Le courant aouniste est réputé très fort sur le littoral, Michel Murr aussi. Les délégués orange sont partout, en musique. Mais, à Dbayeh, un règlement de comptes datant des municipales 2004 oppose le chef de la municipalité PSNS, Kabalan Kabalan, à Michel Murr. M. Kabalan reproche à M. Murr d’avoir fait une alliance de bas de table avec Pierre Gemayel l’an dernier, au détriment du PSNS. Et il semble déterminé à lui rendre la pareille, en panachant allègrement. Ghassan Achkar est présent en tant que quatrième candidat maronite sur les listes distribuées par le PSNS. Mais l’élément déterminant, pour les listes aounistes, sera sans doute les bureaux de vote Tachnag, à Bourj Hammoud, complètement acquis à l’alliance Aoun-Murr. Michel HAJJI GEORGIOU
Au Metn-Nord, à l’échelle du Mont-Liban tout entier, c’était loin d’être hier un long dimanche de fiançailles. La rupture avait été totalement consommée entre les différents protagonistes et, qui plus est, étalée sur tous les écrans de télévision durant les derniers jours.
De tout temps, le Metn-Nord a été l’arène des affrontements politiques les plus terribles. Hier...