Rechercher
Rechercher

Actualités

Mère… et filles

Coups de Jarnac, coups fourrés, coups bas, coups de poignard dans le dos allègrement échangés entre alliés naturels, entre compagnons de route, entre colistiers de longue date, tout cela sans parler des sournoises consignes de panachage susceptibles de transformer en gruyère les coalitions qu’on croyait les mieux bétonnées : les traditions locales en matière d’élections n’ont jamais fait dans le chevaleresque. C’était vrai déjà, dès le lendemain de l’indépendance ; c’était tout aussi vrai lors des consultations de l’ère syrienne qui, pourtant, laissaient peu de place aux surprises ; et il faut croire qu’à l’aube de la deuxième indépendance, on ne fait que passer à la vitesse supérieure. Le plus désolant, le plus grave cependant dans ce folklore électoral, c’est la venimeuse polémique surgie, au grand jour cette fois, au sein même de ce qu’il était convenu d’appeler le camp souverainiste : débat passionné, débat acrimonieux qui étendra son ombre sur le troisième round électoral de demain, et plus particulièrement au Mont-Liban. Car ce grand schisme ne fait pas que compartimenter, fragmenter une victoire de l’opposition que l’on souhaitait évidemment totale, entière, cohérente et homogène. Il a d’ores et déjà altéré en effet, en la relativisant – et là est le plus préoccupant –, la notion même d’opposition qui avait mobilisé les foules sur la place de la Liberté. Parle-t-on toujours d’une opposition à la tutelle syrienne et au règne de ces services de l’ombre que l’on est loin d’avoir enfin neutralisés ? Oui, le contraire serait vraiment un comble, mais en s’accusant mutuellement de faire (et pas toujours inconsciemment) le jeu du tuteur vilipendé. Le général Michel Aoun, comme on sait, se trouve accusé d’avoir pactisé avec le diable afin de satisfaire une ambition dévorante. On en veut pour preuve les accords électoraux qu’il a passés avec plus d’un sulfureux personnage incarnant la collaboration tous azimuts avec l’occupation et dont la dynamique de l’intifada de l’indépendance commandait, en toute logique, en toute justice, l’élimination de la scène. À son tour, Aoun accuse le tandem Hariri-Joumblatt, mais aussi d’autres ténors de l’opposition, de lui avoir systématiquement barré tout accès à la grande coalition, par seule crainte du programme « réformiste » dont il est porteur. Et il ne manque pas de reprocher durement à certains d’entre eux leurs anciennes allégeances syriennes, tout comme la fructueuse protection qu’ils ont longtemps trouvée auprès des services de renseignements de Damas : rappel qu’a repris à son compte, hier, un président Lahoud bien tardivement outré par tous les abus qu’a connus cette période de triste mémoire, et dont il n’est certes pas innocent. Après le fait accompli du Chouf qui, tout en refermant le tragique dossier de la guerre de la Montagne, fait cavalièrement l’impasse sur les véritables forces politiques chrétiennes de la région ; après le choc frontal attendu à Baabda-Aley ; après la foire d’empoigne de Kesrouan-Jbeil ; et après les extravagantes cabrioles du Metn, on peut parier que la « mère de toutes les batailles » ne manquera pas, hélas, de faire des petits, de laisser une empreinte durable sur la suite des événements. Où va camper exactement tout un chacun, dès lors qu’il va s’agir pour le futur Parlement de s’attaquer à des questions aussi brûlantes que le sort du mandat, la présidence de l’Assemblée, la réorganisation des services de sécurité, l’élaboration d’une nouvelle loi électorale, le désarmement du Hezbollah, et on en passe ? Et enfin de quel poids peut encore peser, sur le trop vulnérable Liban de l’ère postsyrienne, la Syrie de l’après-Liban qui vient d’éloigner de la direction baassiste quelques représentants de la vieille garde ? La persistance des menées terroristes, illustrée par le lâche assassinat de notre confrère Samir Kassir ; le crédit accordé par les États-Unis et l’Onu à l’existence d’une liste noire visant diverses personnalités libanaises ; les avertissements lancés en rafales hier à la Syrie pour qu’elle rappelle l’intégralité de ses Moukhabarate et mette fin à ses manœuvres d’intimidation : tout cela laisse croire que la bataille pour l’indépendance vient seulement peut-être de commencer. Issa GORAIEB
Coups de Jarnac, coups fourrés, coups bas, coups de poignard dans le dos allègrement échangés entre alliés naturels, entre compagnons de route, entre colistiers de longue date, tout cela sans parler des sournoises consignes de panachage susceptibles de transformer en gruyère les coalitions qu’on croyait les mieux bétonnées : les traditions locales en matière d’élections n’ont...