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Actualités - OPINION

Le point Double langage

C’est le genre de question à laquelle il n’est pas aisé de trouver une réponse bien qu’elle s’inscrive au cœur du problème. Que nul ne s’attende à nous voir quitter sous la menace des attaques, vient d’affirmer avec force le vice-ministre de la Défense de l’État hébreu, Zeev Boïm. Fort bien, mais comment envisager l’arrêt des attentats alors que les colons continuent d’être présents dans l’enclave, véritable défi lancé au million de Palestiniens qui y vivent ? La brutale flambée de mercredi et une série de raids aériens, les premiers en près de quatre mois, surviennent à point nommé pour rappeler aux uns et aux autres combien explosive demeure une situation aggravée par l’érosion de la confiance entre les deux parties et la grogne grandissante des adversaires du retrait. Depuis l’annonce de la trêve, conclue le 8 février dernier, six Israéliens et 20 Palestiniens ont été tués. En quatre ans, il est tombé en moyenne respectivement 20 et 60 victimes tous les mois. C’est précisément pour mettre un terme à cette hécatombe – mais aussi, il convient de le reconnaître, sous la pression conjuguée des Européens et des Américains – qu’Ariel Sharon avait annoncé son plan de rapatriement, d’ici à la fin de l’été, de quelque 8 500 de ses concitoyens présents depuis des années dans une vingtaine de points de peuplement concentrés dans la bande de Gaza, véritable poudrière d’où menace à tout moment de naître l’étincelle capable de remettre à feu et à sang l’ensemble du Proche-Orient. Entamés le mois dernier, les pourparlers avec les délégués des kibboutzim portent sur la création de nouveaux groupes de logement à Nitzanim, une zone de dunes située au nord de la ville d’Ashkelon. Selon le ministre de la Justice Tzipi Livni, 400 familles ont déjà accepté l’offre et pourraient être imitées bientôt par d’autres groupes. Mais ceux-ci ont aussitôt fait monter les enchères : plutôt que les dollars promis à chacun par l’État – il s’agit très précisément de la coquette somme de 370 000 dollars par famille –, ils réclament désormais l’équivalent de ce qu’ils s’apprêtent à quitter, soit une maison avec un jardinet et un emploi, encouragés en cela par les derniers sondages qui donnent une majorité de 56 pour cent seulement d’Israéliens favorables au désengagement contre 62 pour cent en février. En début de semaine, 4 000 policiers ont dû être déployés pour rouvrir 39 routes principales fermées à la circulation à l’aide de pneus enflammés. La flambée de ces dernières heures ne pouvait survenir à un plus mauvais moment. Pour la seule nuit de mercredi à jeudi, le Hamas a tiré 38 obus de mortier et trois roquettes Qassam, ce qui a eu pour effet de hâter la tenue, entre Saëb Erakat, principal négociateur palestinien, et Dov Weisglass, conseiller de Sharon, d’une rencontre destinée à rétablir la confiance et à assurer le respect des décisions prises il y a deux mois et demi à Charm el-Cheikh. Il était temps : après le transfert, en mars dernier, à l’Autorité présidée par Mahmoud Abbas des villes de Jéricho et de Tulkarem, la situation est allée en se détériorant. Ce genre d’opération a été suspendu, tout comme l’a été la libération, en début de mois, d’un deuxième groupe de 900 détenus, après celle de 500 prisonniers, quelques semaines auparavant. Aujourd’hui, on en est au point où chacun peut mettre en garde contre « une provocation qui déboucherait sur un embrasement inévitable ». Il est clair que Tel-Aviv et Washington préfèrent poursuivre le dialogue avec le successeur de Yasser Arafat plutôt qu’avec ce Hamas tant honni mais qui vient de remporter les élections municipales dans des douzaines de localités de Gaza et de Cisjordanie. Comment en effet plaider d’un côté pour l’instauration de la démocratie dans la région et de l’autre refuser de tendre la main à une organisation hier encore qualifiée de «hors-la-loi » mais dont les représentants sont devenus des maires ou des membres de conseils locaux lors de consultations dont le monde entier s’est plu à reconnaître l’honnêteté ? La nécessité impose de faire montre de réalisme. Shlomo Dror, porte-parole de l’administration civile qui contrôle Gaza et la Cisjordanie : « Nous avons des contacts discrets avec les terroristes sur des questions comme la construction par exemple d’une mosquée. » Ahmed el-Kurd, maire de Deir el-Balah élu grâce au Hamas : « Nous sommes prêts à recevoir toute aide, d’où qu’elle vienne, même s’il s’agit de l’État hébreu. » Ce qui n’empêche pas Sylvana Foa, de l’agence USAid, de décréter, péremptoire : « Il ne peut être question pour l’Amérique de traiter avec ces gens-là. » Toujours le double langage... Celui-là même qui prévaut en ce moment entre les colons et le Likoud, entre ce dernier et l’Autorité palestinienne, entre Arabes et Israéliens. Christian MERVILLE
C’est le genre de question à laquelle il n’est pas aisé de trouver une réponse bien qu’elle s’inscrive au cœur du problème. Que nul ne s’attende à nous voir quitter sous la menace des attaques, vient d’affirmer avec force le vice-ministre de la Défense de l’État hébreu, Zeev Boïm. Fort bien, mais comment envisager l’arrêt des attentats alors que les colons continuent...