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Actualités - OPINION

On embarque !

D’Égypte où il se trouvait pour la première fois depuis le retrait de ses troupes du Liban, le président syrien Bachar el-Assad mettait généreusement en garde, hier, contre les tentatives d’attiser les divisions sectaires dans notre pays. Savoureuse sollicitude quand on se souvient que lesdites tentatives n’ont pour autre toile de fond qu’un découpage électoral d’inspiration clairement syrienne, bricolé tous les quatre ans depuis 1992 mais demeuré rigoureusement fidèle à son objectif premier : une tutelle dans la tutelle, imposée sur la représentation parlementaire de ces insupportables chrétiens qui s’obstinaient à méconnaître en effet les immenses bienfaits de l’occupation. D’où la nécessité de laisser d’autres choisir, pour eux, leurs représentants au Parlement. Les Syriens sont partis, le procédé demeure. Il pénalise lourdement les chrétiens, sans épargner cependant des forces mahométanes réelles, tout à fait représentatives à l’échelle de la petite circonscription mais condamnées à être laminées qui par le tandem chiite Amal-Hezbollah, et qui par le courant Hariri. Et c’est bien ce qui empoisonne en ce moment le climat politique général, mais aussi, mais surtout, les rapports entre les diverses composantes de l’opposition : parfaitement unie hier contre la mainmise étrangère et le règne criminel des services secrets, celle-ci n’a jamais autant mérité d’être qualifiée – tristement, cette fois – de plurielle. Qu’il se soit trouvé des membres chrétiens de l’opposition, et non des moindres, pour se rallier plus ou moins confidentiellement au maintien de la loi de l’an 2000 ne suffit guère, en tout cas, à déconfessionnaliser le débat. C’est même le contraire qui arrive, en réalité : pour certains de ceux-là, il ne s’agissait sans doute que d’échapper à tous les tsunamis (Aoun, Geagea) appelés à déferler sur les petites circonscriptions, si venait à être retenue l’option du caza ; mais qu’ils aient ou non à redouter ces raz-de-marée, nombre de ces derniers sont tenus de passer sous les fourches caudines des mégalistes pour avoir quelque chance d’accéder à l’Assemblée. De jouer des coudes pour prendre en marche le train. D’en être réduits – même pour les irréductibles du caza, même pour les courants à la popularité pourtant incontestable – à donner de la voix, à parler de mobilisation, voire de boycottage, à seule fin d’obtenir que quelques-uns de leurs candidats soient admis dans ces clubs électoraux. Et c’est là que réside le cœur du problème. Pour dénoncer ce déséquilibre que plus rien ne saurait encore expliquer (et certes pas justifier), le patriarche Sfeir et les prélats maronites ont tonné, ces derniers jours, avec une vigueur particulière. Et ils ont produit des chiffres qui laissent pantois : sur les 64 députés réservés aux chrétiens par l’accord de Taëf, 15 seulement sont élus par leurs coreligionnaires. Dans une république idéale ce serait parfait, si la réciproque s’appliquait : si avant d’invoquer, au nom de Taëf, la règle des mohafazats, on se souciait au préalable de délimiter ces provinces sur des bases rationnelles tenant compte des particularités démographiques, comme le commande d’ailleurs le même Taëf. Perpétuer cette aberration – persister à le faire dans le même temps que l’on parle de bâtir un Liban nouveau –, c’est violer le premier commandement de la coexistence et de la convivialité. C’est brandir outrageusement, parfois sans avoir l’air d’y toucher, la loi de la majorité numérique, laquelle est l’antithèse même du Liban. C’est poser imprudemment la question des minorités dans un pays de minorités dont nulle ne peut prétendre à la suprématie, dans un Proche-Orient miné par les rivalités sectaires. C’est inviter les extrémismes à dominer les communautés, ce qui ne peut qu’appeler d’autres extrémismes. Le miracle de la libération en commande d’autres. En attendant, force est de constater que ces urnes, qui devaient être celles de l’espoir, sont piégées. Issa GORAIEB
D’Égypte où il se trouvait pour la première fois depuis le retrait de ses troupes du Liban, le président syrien Bachar el-Assad mettait généreusement en garde, hier, contre les tentatives d’attiser les divisions sectaires dans notre pays.
Savoureuse sollicitude quand on se souvient que lesdites tentatives n’ont pour autre toile de fond qu’un découpage électoral d’inspiration...