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perspectives Le nouveau processus politique ne saurait être amorcé dans un esprit d’exclusion Joumblatt, les haririens et l’opposition chrétienne face à leurs responsabilités historiques

«La loi (électorale) de l’an 2000 est le second meilleur choix de Nabih Berry, du Hezbollah, de Walid Joumblatt et de la famille Hariri. Cette option est appuyée par ces quatre forces. C’est pour cela qu’elle a été adoptée »... Ces propos ont été tenus le week-end dernier par Nabih Berry. Ils émanent sans doute du plus profond de son inconscient... Car ils signifient sans détour, et de façon on ne peut plus claire, que pour le chef du mouvement Amal, la composante chrétienne du pays n’existe tout simplement pas. Ils signifient explicitement que pour le leader chiite, seul le point de vue de ces quatre forces compte en définitive. Pour lui, les positions de Bkerké, du patriarche et du Conseil supérieur des melkites, de Kornet Chehwane et de la quasi-totalité des pôles chrétiens – tous favorables à l’option du caza – n’ont aucune importance. Pis encore : en refusant de convoquer le Parlement à une séance plénière pour débattre d’un projet de loi électorale qui serait susceptible d’être appuyé par une confortable majorité parlementaire, Nabih Berry se comporte non pas en président de la Chambre, mais en chef du mouvement Amal. Il hypothèque dans la pratique le fonctionnement du Législatif dont il a, en principe, la charge pour donner libre cours à ses calculs politiciens. Dans le même temps, Walid Joumblatt se demandait durant le week-end pourquoi il devrait se défaire de ses « partenaires chrétiens » (entendre les députés membres de son bloc parlementaire) au profit de « nouveaux partenaires ». Une interrogation aussitôt interprétée par certains comme l’expression d’une sérieuse réticence à une alliance électorale avec le courant « aouniste » et les Forces libanaises au Mont-Liban. Ces petites phrases lancées presque de manière concomitante par Nabih Berry et Walid Joumblatt ont été suffisantes pour déclencher en un temps record un vaste mouvement de colère, de fronde, de désarroi et de profonde déception au niveau de la rue chrétienne. Un sentiment de frustration dont le chef d’Amal assume sans conteste une grande part de responsabilité, puisqu’il a paru éliminer de la carte l’une des principales composantes du tissu social libanais. Quant au leader du PSP, il assume lui aussi, mais partiellement, la responsabilité de la réaction chrétienne, ne fut-ce que par maladresse ou par omission. Car quelles que soient ses intentions réelles, c’est la « perception » suscitée par ses propos qui est retenue et qui importe dans l’immédiat. On ne saurait trop tenir rigueur à Nabih Berry de sa position, compte tenu de sa dimension strictement communautaire et de son passé politicien. C’est, par contre, l’attitude du seigneur de Moukhtara qui mérite réflexion. Cette attitude serait totalement légitime si le chef du PSP désirait se positionner « uniquement » en leader incontesté de sa communauté et en parrain d’un bloc parlementaire qu’il souhaiterait élargir autant que faire se peut, comme il devrait le faire dans une conjoncture normale et classique. Mais si, au contraire, Walid Joumblatt se positionne en tant que l’un des principaux piliers de l’opposition plurielle, s’il considère que le rassemblement du Bristol a encore un rôle national à jouer, il ne peut alors négliger les alliés avec lesquels il a mené l’historique combat de ces derniers mois. Au terme de son entretien hier matin avec le patriarche maronite, il a souligné la nécessité de faire des concessions politiques pour « rassurer Amal et le Hezbollah ». Cette approche, louable et nécessaire, ne devrait-elle pas s’appliquer aussi à la rue chrétienne qu’il faudrait également rassurer en évitant d’adopter des attitudes, de lancer des petites phrases, susceptibles d’être perçues (à tort ou à raison, le résultat est le même) comme un lâchage, un coup de Jarnac ? En clair, il y a une différence fondamentale entre deux approches possibles : s’interroger sur l’opportunité de se départir de certains de ses partenaires chrétiens traditionnels ; ou affirmer, plutôt, que des concessions devraient être faites pour permettre une représentation équitable et équilibrée de toutes les fractions du rassemblement du Bristol au sein du futur Parlement. Le premier cas de figure refléterait une volonté de se comporter, consciemment ou inconsciemment, en simple chef d’un bloc parlementaire. Le second cas de figure revient, au contraire, à dire que la fabuleuse expérience de la place de la Liberté devrait être poursuivie et fructifiée. Après tout le chemin parcouru ces dernières semaines, réfléchir à nouveau, dans le contexte de transition actuel, en termes de simple répartition quantitative des sièges parlementaires serait un grand pas en arrière. Ne pas capitaliser sur la dynamique enclenchée par l’intifada de l’indépendance équivaudrait à trahir la confiance des centaines de milliers de jeunes qui sont descendus dans la rue dans un mouvement spontané et continu. Ne pas développer l’amorce de dialogue, d’échanges, de solidarité et, surtout, d’édification de relations de confiance qui ont marqué le sit-in permanent à la place des Martyrs équivaudrait à considérer que l’élan du 14 mars n’était qu’une chimère, un leurre. Pour capitaliser sur cette dynamique, sur cette véritable première dans l’histoire contemporaine du Liban, il faut associer impérativement l’ensemble des fractions de l’opposition plurielle au nouveau processus politique dans lequel s’est engagé le pays. En acceptant de dépasser toutes les considérations politiciennes... Il faudrait dans ce cadre rassurer non seulement Amal et le Hezbollah, mais aussi l’opposition chrétienne. Maintenant que les Syriens sont partis, les Libanais devraient, enfin, pouvoir entamer un dialogue en profondeur afin d’aboutir à un consensus interne sur les grands dossiers en suspens, sur la définition de la nouvelle physionomie du pays. Un tel projet politique (dans le sens noble du terme) ne saurait être amorcé, d’entrée de jeu, dans un esprit d’exclusion visant, à titre d’exemple, le courant aouniste, les Forces libanaises, ou même l’opposition Kataëb, le PNL et le BN. C’est parce que l’enjeu est, précisément, hautement national que les deux principaux blocs parlementaires de l’opposition plurielle – le bloc joumblattiste et le Courant du futur – devraient consentir des sacrifices, faire quelques concessions (comme l’a préconisé Walid Joumblatt au sujet d’Amal et du Hezbollah) pour associer leurs partenaires du rassemblement du Bristol à la désignation des candidats dans toutes les circonscriptions électorales. Surtout si la loi de l’an 2000 reste en vigueur. C’est en présentant des listes communes dans l’ensemble du pays, suivant une approche globale et intégrée, qu’il sera possible d’assurer une juste représentation de toutes les composantes de l’opposition au futur Parlement. Le chef du PSP, le général Michel Aoun, les responsables du Courant du futur, les Forces libanaises ainsi que les ténors de Kornet Chewhane ont une responsabilité historique à assumer à cet égard. À défaut, les Libanais auront raté, une fois de plus, l’occasion inespérée d’édifier, sur des bases rationnelles, une nation digne de ce nom. Michel TOUMA
«La loi (électorale) de l’an 2000 est le second meilleur choix de Nabih Berry, du Hezbollah, de Walid Joumblatt et de la famille Hariri. Cette option est appuyée par ces quatre forces. C’est pour cela qu’elle a été adoptée »... Ces propos ont été tenus le week-end dernier par Nabih Berry. Ils émanent sans doute du plus profond de son inconscient... Car ils signifient sans détour,...