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Actualités - OPINION

Les opposants, minés de l’intérieur, tombent dans une embuscade de prétoire La bataille du caza perdue à cause d’un manque de préparation tactique

Force est de le constater : l’opposition, minée sur ce plan par les tiédeurs joumblattistes ou autres, a perdu hier la bataille du caza. Et cela à cause d’une impréparation tactique. En effet, ses députés ont été efficacement contrés hier en commissions par les habiles manœuvres dilatoires des loyalistes, mobilisés à fond et visiblement déterminés à attiser la tension, à aller éventuellement jusqu’à l’esclandre pour faire achopper le projet de loi transmis à la Chambre par l’ancien ministre de l’Intérieur, Sleimane Frangié. Finalement, les députés opposants, interrompus et pris à partie à chacune de leurs interventions, ont préféré se retirer de la séance. Battre en retraite, en somme. Comble de l’ironie, le vice-président de la Chambre, Michel Murr, qui dirigeait les débats, a aussitôt accusé les partants d’avoir fait sauter le quorum. Et d’être ainsi la cause du non-vote du projet en question ! Plus exactement, d’avoir empêché la réalisation d’un consensus. Ce qui fait, selon lui, que faute de pouvoir saisir l’Assemblée d’un nouveau texte adopté au niveau des commissions, c’est la loi toujours en vigueur, dite de l’an 2000, qui sera appliquée pour les prochaines législatives. Une loi hybride, pour ne pas dire bâtarde, inégale, qui se fonde sur le mohafazat ici, sur le double mohafazat là ou sur d’étranges découpages sans nom, ailleurs. Une loi faite, on ne le sait que trop, pour permettre les parachutages, les bulldozers, les bus, en assurant la majorité aux loyalistes amis des ex-tuteurs. Dont l’influence perdure, à travers les contournements, les neutralisations politiques de la montée du libanais, illustrés par la séance d’hier. Cependant, en principe, la Chambre étant souveraine, il est toujours possible que mercredi prochain, lors du débat qu’elle doit consacrer à la loi électorale, elle rattrape le faux pas des commissions. Possible, mais très douteux en pratique. Vu que sur le papier, les loyalistes détiennent toujours la majorité. Et que leur offre de base se résume de la sorte : ou la loi 2000, ou le mohafazat-proportionnelle. Ils misent aussi, il faut le répéter, sur les réticences de nombre de pôles opposants concernant le caza. Auquel Joumblatt, par exemple, avoue ne se rallier qu’uniquement pour ne pas aller contre l’avis de la majorité de l’opposition afin d’en préserver l’unité. D’ailleurs Murr a tout de suite exploité, devant les médias, le manque de cohésion véritable de l’opposition face à la loi électorale. En affirmant que les opposants se sont retirés parce qu’ils n’étaient disposés à approuver aucune formule. Car les différentes composantes de leur front sont loin de s’entendre à ce sujet. Tandis qu’au contraire, l’on a vu affluer en masse les députés du Hezbollah, d’Amal, du PSNS et les indépendants favorables au mohafazat. Avec une claire répartition des rôles pour faire sortir les opposants de leurs gonds. Ce qui s’est effectivement produit. Les intéressés ont beau soutenir maintenant que c’est le camp loyaliste qui a tout court-circuité par ses surenchères, il n’en reste pas moins que ce sont eux qui ont claqué la porte. Désunion larvée Ils sont donc littéralement tombés dans l’embuscade tendue avec l’aide diligente de Murr qui a laissé le climat s’empoisonner sans proposer le projet du caza au vote. Alors qu’antérieurement, les commissions en avaient approuvé la plupart des articles, Murr a au contraire demandé que l’on reprenne l’examen du texte à zéro. Une façon de le torpiller. C’est le couronnement en fait d’un plan d’atermoiements long de trois bons mois. Bien évidemment, Nabih Berry, partisan du mohafazat-proportionnelle, a, selon les opposants, mis largement la main à la pâte pour bloquer le caza. En profitant, assez paradoxalement ou assez ironiquement, du fait que les Syriens, évidemment relancés par certains de leurs fidèles, ont fait savoir qu’ils ne se mêleraient pas de la question. Alors qu’auparavant, la tendance qu’ils recommandaient était de donner satisfaction à Bkerké. Ce dont témoigne d’ailleurs le projet mis au point par leur allié Frangié. Cette orientation avait une explication simple : en 2000, Damas avait favorisé les bus et les bulldozers. Il en était sorti trois grands blocs parlementaires (sans compter celui du Hezbollah), dont deux s’étaient à des degrés divers libérés du « remote control ». Les Syriens, avant de se retirer et de jouer la non-immixtion, préféraient donc la petite circonscription, donnant une Chambre plus éclatée. Où une majorité se dégagerait par rapport à l’alliance avec les décideurs plutôt que par rapport à des têtes de listes locales. Mais, selon d’autres sources, les Syriens, pour indifférents qu’ils s’affirment actuellement, ne seraient pas mécontents qu’en définitive on se batte sur le mohafazat. Car après tout les parties que cela avantage déclarent toutes qu’elles veulent avoir les meilleures relations avec eux. Même si elles s’en sont éloignées un certain temps. De plus, toujours selon les sources, le caza favorise trop une opposition ultra qui ne plaît toujours pas à Damas. En tout cas, les jeux paraissent faits. Ce qui entraîne du reste un certain nombre de questions. Comme de savoir si le régime, dont le pacte-caza avec Bkerké se trouve dénoncé, ne risque pas d’en faire politiquement, ou électoralement, les frais. Pour le moment, le perdant, c’est l’opposition. Ses députés, indiquent des opposants, n’ont pas pu se présenter en masse à la séance. D’une part parce qu’un certain nombre d’entre eux s’occupait au même moment de l’affaire, rendue compliquée par l’attitude de la famille Karamé, de l’amnistie et de la libération de Geagea. D’autre part, et plus sûrement sans doute, parce qu’il y aurait eu un accord tacite du Courant du futur comme des joumblattistes, qui avaient tous été gagnants lors de la précédente édition, pour se rallier à la formule 2000. Un compromis conclu avec Amal et le Hezbollah. Aux dépens de la belle unité de l’opposition. D’autant plus facilement qu’on donne à Bkerké un aménagement spécial concernant Bécharré et Jezzine, qui ne dépendraient plus de districts mahométans. Philippe ABI-AKL
Force est de le constater : l’opposition, minée sur ce plan par les tiédeurs joumblattistes ou autres, a perdu hier la bataille du caza. Et cela à cause d’une impréparation tactique. En effet, ses députés ont été efficacement contrés hier en commissions par les habiles manœuvres dilatoires des loyalistes, mobilisés à fond et visiblement déterminés à attiser la tension, à aller...