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Actualités - CHRONOLOGIE

Conférence au « Phoenicia » pour aider les Libanais à surmonter la guerre Entreprendre un travail de mémoire pour mieux oublier(photo)

Face à la réconciliation qui continue à se mettre en place depuis les obsèques de Rafic Hariri, une question est aujourd’hui d’actualité, notamment à l’occasion de la commémoration du 30e anniversaire du début de la guerre : la question de la mémoire de cette guerre. C’est donc dans le cadre des activités de la semaine du 13 avril qu’une conférence a été organisée, hier, par le comité « Mémoire pour l’avenir », sur le thème « Face à la réconciliation, quelle mémoire ? ». Une conférence qui a eu lieu à l’hôtel « Phoenicia », en présence de membres de la société civile et de la députée Bahia Hariri qui a fait une courte apparition très remarquée. «Avons-nous besoin d’un crime, en temps de paix, pour nous rappeler tous les crimes de la guerre ? Avons-nous besoin d’une période d’oubli pour nous souvenir ? » Les questions se bousculent concernant la nécessité ou non d’entreprendre le travail de mémoire qui pourrait aider les Libanais à surmonter la guerre, de se souvenir de cette période noire de l’histoire du Liban, pour mieux aller de l’avant et surtout pour mieux oublier. Des questions posées par le modérateur de la conférence, notre confrère Samir Kassir, qui lance ainsi le débat. « Trente ans après le début de la guerre et quinze ans après la fin de la guerre, les Libanais ont aujourd’hui réalisé que quelque chose est en train de se passer », indique-t-il, évoquant notamment le refus de la guerre, le travail de réflexion qui se met en place et la volonté de prendre conscience des erreurs commises durant la guerre, pour mieux oublier. Dans ce cadre, est-il donc nécessaire de se souvenir ? « Certes, affirme-t-il, car le travail de souvenir est la condition de la réconciliation nationale. » Une réconciliation qu’il est important de réaliser et de renforcer, de même qu’il est important que les festivités relatives à la commémoration du 13 avril soient empreintes de réflexion concernant la mémoire de la guerre. C’est un cheikh de la communauté chiite, sayyed Hani Fahs, qui, faisant ses adieux au 13 avril, a évoqué la guerre, mais aussi l’attentat contre l’ancien Premier ministre Rafic Hariri. « Un attentat qui, dit-il, s’est transformé en amertume nationale, pour une seule fois, car le miracle Rafic Hariri, champion de l’éducation et de la reconstruction, ne se renouvellera pas. » Sayyed Hani Fahs a aussi parlé de la quête de la vérité de tout le peuple libanais, qui n’en finit pas de se poser des questions, et de critiquer la guerre, mais qui a été lui-même acteur de la guerre. « Qui a rendu orphelins les enfants du Liban ? Qui a rendu le Liban orphelin ? Qui a fait des veuves ? Qui a détruit Beyrouth ? Qui a tué l’homme qui a pris à sa charge des milliers d’orphelins et de veuves de la guerre ? » « Sans questionnement, sans vérité et sans cause, la guerre demeure enfouie dans notre mémoire », indique l’uléma, poursuivant que c’est en recherchant la vérité, à travers l’ensemble des réalités libanaises durant la guerre, que l’on libère la mémoire. « Une réconciliation, certes, mais une réconciliation basée sur la franchise, sur la vérité », insiste-t-il. Pour bâtir la mémoire du peuple, par la liberté et non pas par la guerre. La psychanalyse Comment dépasser le traumatisme de la guerre ? comment se souvenir, mais aussi oublier ? C’est au terme d’un parallèle entre mémoire et oubli que le psychanalyste Chawki Azouri a expliqué la valeur de la mémoire, mais aussi celle de l’oubli, dans la guerre du Liban. « Être, ce n’est rien d’autre qu’oublier », dit-il, reprenant une citation du célèbre psychanalyste français Jacques Lacan, insistant sur l’importance de l’oubli, pour pouvoir exister. Et pourtant, on ne peut tourner la page d’une guerre si on ne lit pas cette page, surtout si celle-ci est entachée de sang, de souffrances. « Mais, se demande Chawki Azouri, si la génération de la guerre a le devoir de lire cette page, pour faire un réel travail de mémoire et aussi de deuil, la nouvelle génération, qui n’a pas vécu la guerre, a-t-elle ce devoir ? » Aujourd’hui, estime le psychanalyste, alors que la génération de la guerre n’a pas encore fait son deuil, alors que les Libanais aspirent à la vérité, c’est la nouvelle génération qui joue le rôle de thérapeute. Et d’insister sur l’importance du rôle de la nouvelle génération, qui doit non seulement aider la génération de la guerre à effectuer un travail de mémoire, mais aussi à oublier, afin de savoir désormais aller de l’avant. À son tour, l’avocat Ziad Baroud a abordé les années de guerre sous leur aspect juridique, « mais aussi les années d’après-guerre qui ne portent aucune appellation, mais qui ont été marquées par la loi d’un État qui se voulait un État de droit, et surtout par la discrimination entre les Libanais ». Et d’évoquer les cas de discrimination, notamment dans la loi amnistiant les crimes de guerre commis avant 1991, dans les tentatives de dissolution des milices ou de finaliser le retour des déplacés de la guerre. Quant au dossier des disparus de la guerre ou des personnes enlevées, ou même des prisonniers dans les geôles syriennes, dit-il, sans les nommer, il est resté clos, durant ces nombreuses années, malgré les souffrances des familles des victimes et bien que ce phénomène ait touché toutes les tranches de la société libanaise. Et d’énumérer les différentes commissions mises en place par l’État sans résultat, mais aussi sans conviction, alors que les familles des disparus refusent toujours de faire leur deuil. « Les Libanais demandent aujourd’hui justice et vérité, pour l’avenir, même si c’est une justice sans sanction », conclut-il. Hier, alors que Bahia Hariri saluait les efforts du comité « Mémoire pour l’avenir » mis en place depuis l’an 2000, la conférence sur la mémoire face à la réconciliation pouvait ne paraître qu’une simple ébauche, faite de multiples questions sur la nécessité de recherche de la mémoire de la guerre. Mais cette ébauche semble être le point de départ d’une prise de conscience plus généralisée, au niveau de toute la génération de la guerre. Anne-Marie EL-HAGE

Face à la réconciliation qui continue à se mettre en place depuis les obsèques de Rafic Hariri, une question est aujourd’hui d’actualité, notamment à l’occasion de la commémoration du 30e anniversaire du début de la guerre : la question de la mémoire de cette guerre. C’est donc dans le cadre des activités de la semaine du 13 avril qu’une conférence a été organisée, hier,...