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Actualités - ANALYSE

ÉCLAIRAGE Face à la perversion d’une troïka minée, l’ahurissante passivité de l’opposition

C’est un drôle de feuilleton qu’écrivent, que réalisent et que jouent, depuis l’assassinat de Rafic Hariri, les hiérarques fortement secoués d’un pouvoir sous tutelle et fin de race. Ce soap de série Z, les spectateurs en connaissent parfaitement le début – le retrait des troupes militaro-sécuritaires syriennes du Liban –, ils ont une idée très claire du bad end idéalement souhaité par ces dirigeants scénaristes – la prorogation du mandat de la Chambre –, mais ils n’ont absolument aucune idée des péripéties grotesques qui n’en finissent plus de rythmer leur quotidien. Des machinations qui semblent surprendre aussi jusqu’aux auteurs mêmes de ce scénario, ces apprentis-sorciers qui jouent rien moins que leur va-tout politique : la perpétuation de leur poste, la survie de leur pouvoir. Même s’ils savent très bien que ce pouvoir-là devient de plus en plus obsolète au fur et à mesure que grondent, de moins en moins sourds, la détermination populaire et le matraquage de la communauté internationale en faveur d’élections « à la date prévue ». Et pour cela, il faut, aujourd’hui plutôt que demain, un gouvernement. Sauf que le PM désigné depuis des lustres et qui n’en finit plus de tergiverser et de lambiner s’en est allé bouder hier dans un bled du Nord (on a la Sardaigne qu’on peut), Békaa Sefrine. Et aurait décidé de donner 24 heures à ses alliés de Aïn el-Tiné pour qu’ils lui laissent les coudées franches – sinon, il s’excusera. Interrogé par L’Orient-Le Jour, le très go-between Albert Mansour assure que Omar Karamé « n’a aucun problème », tant avec Émile Lahoud qu’avec Nabih Berry. Ce serait donc le reste de la bande prosyrienne qui s’amuserait à multiplier les peaux de banane sous les mocassins du désormais insupportable Effendi. Pourquoi pas... Si l’opposition nationale est archiplurielle – une richesse qui devient vite vulnérabilité, quelles que soient les latitudes, mais ici plus qu’ailleurs –, le camp loyaliste est une véritable tour de Babel, avec deux, et seulement deux, dénominateurs communs : le 9/10e des adhérents est redevable à Damas et sait qu’il a beaucoup plus à perdre qu’à gagner en cas de législatives lesquelles sonneraient très probablement le glas de l’influence tutélaire syrienne au Liban. C’est à ce niveau-là que le feuilleton prend des accents hitchcockiens : est-ce que ce qui se passe depuis le huis clos à trois lundi à Baabda et la cascade de caprices d’une poignée de ministrables sont, comme le soutiennent beaucoup d’opposants, les signes patents d’une ridicule mascarade où chacun des membres de cette troïka perverse à souhait joue un rôle aussi réglé que du papier à musique ? Le mécanisme de dynamitage est tellement bien huilé, ou est-ce que cette troïka se désagrège lentement au fil des intérêts politiques personnels des uns et des autres, sans pouvoir supporter les coups de boutoir d’une communauté internationale déterminée ? Est-ce que, comme le disent les uns, Émile Lahoud fait tout pour sauvegarder son deal avec le patriarche Sfeir et, au-delà, avec sa propre communauté ; tout pour faciliter la tâche à Omar Karamé ; tout pour se désengluer de cette popularité zéro que rosirait un minimum l’option caza ; tout pour sauver son mini-mandat, acquis de la façon la plus cavalière et la plus illégale qui soit ? Ou bien, comme l’assurent d’autres, est-il en train de torpiller férocement le processus politique en jouant à fond la carte du qui perd gagne ? Est-ce que Nabih Berry a tranché en faveur d’une crise de pouvoir tellement énorme, et ce afin de provoquer une présidentielle anticipée sur laquelle il aurait déjà décidé de parier – une rumeur qui bruisse depuis une dizaine de jours et qui ferait le bonheur de Damas ? Ou bien veut-il sincèrement imposer la proportionnelle ? Est-ce que Omar Karamé est véritablement devenu cette arme de destruction massive politique qui paralyse totalement le pays, ou bien tient-il réellement à un cabinet restreint ? Peu importe, en fait. Ce qui frappe, c’est aujourd’hui cette insensée, cette ahurissante passivité de l’opposition plurielle. Politiquement, ce collectif ne fait plus rien ensemble ; ce collectif exposé à tous les mistrals se contente de regarder ce qui se passe, de commenter un peu, certes, mais sans penser une seconde profiter des craquements et des dégénérescences de l’adversaire. Indubitablement sincère quand elle réitère ses refus de « n’importe quelles ingérences » aussi bien que ses appels à des législatives dans les délais constitutionnels, qu’attend-elle, cette opposition sur laquelle tellement d’espoirs commencent à se briser pour agir, prendre l’initiative, préparer le pouvoir de substitution, rassurer une population et l’Onu ? Que ses députés fassent un sit-in illimité place de l’Étoile. Qu’elle recimente son unité à la faveur d’une rue qui a prouvé tous ses talents. Qu’elle fasse. Quel gâchis, sinon, ce serait. Ziyad MAKHOUL

C’est un drôle de feuilleton qu’écrivent, que réalisent et que jouent, depuis l’assassinat de Rafic Hariri, les hiérarques fortement secoués d’un pouvoir sous tutelle et fin de race. Ce soap de série Z, les spectateurs en connaissent parfaitement le début – le retrait des troupes militaro-sécuritaires syriennes du Liban –, ils ont une idée très claire du bad end...