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Actualités - interview

Le député de Baabda rejette la proportionnelle et prévoit un sit-in populaire pour hâter le scrutin Salah Honein : Si les élections sont reportées, le sang de Hariri aura été versé pour rien

«Il faut que les députés qui respectent la Constitution se rendent au Parlement et organisent un sit-in ouvert auquel participera la population qui s’est ralliée autour du projet de recouvrement de la démocratie libanaise, jusqu’à ce que le droit soit rétabli et que la Loi fondamentale soit appliquée. » Salah Honein est un jusqu’au-boutiste, un homme indépendant qui croit tellement en la cause qu’il défend aujourd’hui que rien ne semble pouvoir l’empêcher d’aller jusqu’au bout de son militantisme, armé d’une volonté de fer et d’une foi inébranlable dans la possibilité d’établir une véritable démocratie au Liban. Le député de Baabda n’arrive pas à trouver la moindre justification acceptable à la détermination du pouvoir de retirer le projet de loi électorale soumis à la Chambre par le même Omar Karamé qui veut aujourd’hui le remplacer par un autre projet établissant un nouveau mode de scrutin. La seule explication, selon lui, réside dans la volonté du pouvoir non seulement de retarder les élections, mais de faire en sorte qu’il puisse en contrôler les résultats. Une manœuvre qui doit, pour lui, comme pour tous les Libanais aspirant à un rétablissement de la démocratie, être combattue jusqu’au bout, par les seuls moyens démocratiques. La démocratie, un mot qui revient souvent dans l’interview qu’il nous a accordée et autour duquel s’articule toute l’action de l’opposition aujourd’hui. « Au sein de l’opposition plurielle, il y a des personnes dont les avis diffèrent. Le plus important est qu’à chaque fois que nous nous retrouvons en séance plénière, nous nous entendons sur les mêmes points. C’est ce qui importe. Ensemble nous parvenons à nous mettre d’accord sur ce que nous voulons. » En dehors de ces séances, explique-t-il, chaque opposant garde son autonomie, « mais son action reste inscrite dans un cadre qui englobe des idées et des aspirations de l’opposition ». C’est sous cet angle, indique le député de Baabda, qu’il faut voir les récentes visites de M. Walid Joumblatt au chef du Parlement et au Premier ministre désigné. Pour l’opposition, la priorité va aujourd’hui à la tenue des législatives dans les délais consitutionnels, du moment que la majorité des revendications qui constituaient son plan d’action depuis l’assassinat de l’ancien Premier ministre, Rafic Hariri, se sont réalisées. « Ce scrutin est aujourd’hui fondamental pour faire évoluer la population vers une démocratie et pour obtenir un changement du paysage politique », insiste le parlementaire estimant qu’un report ouvrirait la voie à de nombreuses éventualités aussi incertaines les unes que les autres. Pour le Liban, un report correspondra pratiquement à un saut dans l’inconnu et pour l’opposition, ce serait l’anéantissement de tous les efforts jusque-là fournis afin de placer le pays sur la voie du rétablissement de l’indépendance, de la souveraineté, de la liberté, de l’unité authentique et de la démocratie. Si les élections sont reportées, insiste-t-il encore, le sang de Hariri aura été versé pour rien. « Chaque minute qui passe nous rapproche d’une atteinte à la Constitution » Même s’il pense que « chaque minute qui passe nous rapproche davantage d’une atteinte à la Constitution », il estime qu’il n’est pas trop tard pour lancer le processus électoral, pour peu que le pouvoir en ait l’intention. « Quelqu’un qui veut organiser le scrutin doit aujourd’hui suivre les voies rapides et éviter de s’amuser à en creuser d’autres dont l’issue est nébuleuse. Actuellement, nous ne pouvons suivre que deux voies qui se traduisent par le projet de loi électorale soumis récemment à la Chambre et par la loi électorale de 2000, même si celle-ci est une des pires que le Liban ait connues dans la mesure où elle prévoit un découpage fondé en même temps sur le caza, la moyenne et la grande circonscription. Ce texte a cependant l’avantage de n’avoir pas été élaboré, comme les précédents, pour une seule fois et à titre exceptionnel. » Salah Honein ne trouve pas d’inconvénient à une application de l’accord de Taëf, qu’il préconise, à l’instar des autorités. Sauf que lui réclame une application rigoureuse et non pas déformée du document d’entente nationale. Et c’est là toute la différence entre lui et les autorités. « Le pouvoir souhaite imposer la proportionnelle dans le mohafazat, mais Taëf est clair : il stipule que les circonscriptions électorales sont formées des mohafazats issus d’un nouveau découpage administratif qui n’a jamais été réalisé. Taëf précise aussi que ce découpage doit avoir lieu dans le cadre de l’unité du territoire, du peuple et des institutions, mais ce principe n’a pas été pris en compte lorsque le Hermel a été arraché à la Békaa et que le Akkar a été détaché du Liban-Nord, sur base de propositions de lois parlementaires. Taëf stipule aussi la présence de 108 députés et non pas de 128. Qu’on supprime vingt sièges parlementaires. Taëf ne prévoit pas non plus de proportionnelle. » « L’opposition, affirme Honein, n’est pas hostile à ce mode de scrutin qui est excellent en présence de partis représentatifs, puisqu’il permet de dégager de grandes orientations politiques, mais nous nous opposons à l’adoption de ce principe à la dernière minute. Au Liban, la majorité des candidats sont des indépendants et son application est essentiellement destinée à garantir la victoire de perdants. Si la proportionnelle est appliquée, il faudra s’attendre à une énorme confusion au niveau du décompte des voix. Au cas où un candidat protesterait, on lui demandera de saisir le Conseil constitutionnel qui est en définitive un instrument aux mains du pouvoir. » Et d’ajouter : « En appliquant la proportionnelle à un scrutin de listes ouvertes, les données seront faussées et la volonté de l’électeur sera altérée, puisque ce mode de scrutin va permettre de catapulter à la Chambre des gens qui ont eu un nombre minimal de voix. » « Les élections, poursuit-il, c’est une culture. Pour la développer, elle nécessite du temps. Il est certes important de développer les modes de scrutin, mais il faut pour cela prévoir un délai de trois ans, pour que les électeurs, les candidats et même les autorités se familiarisent avec le nouveau système. » Une responsabilité pénale S’il critique violemment le pouvoir à cause de son « revirement de dernière minute en faveur de la proportionnelle », dans laquelle il voit une volonté manifeste de retarder les élections, il estime qu’une telle manœuvre entraîne une responsabilité pénale, conformément à l’article 70 de la Constitution, selon lequel le président du Conseil et les ministres peuvent être mis en accusation pour manquement grave aux devoirs de leur fonction. « N’est-ce pas un manquement grave aux devoirs de la fonction de ne pas appliquer la Constitution et de ne pas organiser les élections à temps ? Est-il possible qu’on ne puisse organiser le scrutin que si ses résultats sont favorables au pouvoir ? Est-ce normal que Wi’am Wahhab se demande comment le gouvernement peut préparer un scrutin qui va être emporté par l’opposition ? C’est l’essence même de la démocratie et le principe même de l’alternance. Il appartient au peuple de choisir ses représentants et ses gouvernants. En tant que ministre, Wi’am Wahhab doit être jugé pour ses propos. Le pouvoir se doit de protéger la volonté du peuple et non pas ses propres membres au détriment d’un chaos dans le pays, au niveau politique, économique et peut-être même de la sécurité », s’indigne-t-il. Et si les autorités insistent pour faire passer la proportionnelle ? Honein n’hésite pas avant de répondre : « Nous demanderons à chaque député qui respecte la Constitution de se rendre au Parlement et d’y tenir un sit-in ouvert. Nous appellerons aussi la population qui souhaite l’application de la loi fondamentale et qui réclame la démocratie, le changement, la liberté d’expression de soutenir ce groupe parlementaire, place de la Liberté, pour exiger à son tour le respect du droit, l’application de la Constitution et la tenue des élections dans les délais. » C’est le message de Salah Honein à l’opposition et au peuple. Il ne nous reste qu’à souhaiter qu’il sera reçu 5/5. Le monde entier a toujours les yeux rivés sur le Liban. « Si les élections libanaises sont ajournées c’est à vous, Libanais, que je vais demander “pourquoi avez-vous arrêté de pousser ?”. Le monde entier s’interrogera sur cette panne libanaise », a déclaré il y a quelques jours à Beyrouth, Véronique de Keyser, députée au Parlement européen. Tilda ABOU RIZK

«Il faut que les députés qui respectent la Constitution se rendent au Parlement et organisent un sit-in ouvert auquel participera la population qui s’est ralliée autour du projet de recouvrement de la démocratie libanaise, jusqu’à ce que le droit soit rétabli et que la Loi fondamentale soit appliquée. » Salah Honein est un jusqu’au-boutiste, un homme indépendant qui croit...