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13 avril - Des milliers de noctambules et de « coureurs pour l’unité » ont investi les rues du centre-ville Dès samedi soir, Beyrouth a retrouvé son âme (PHOTOS)

Durement frappé par le terrible attentat du 14 février qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le centre-ville, considéré comme la principale réalisation en matière de reconstruction du président assassiné, a de nouveau rendez-vous avec les foules en liesse et la prospérité. Dans le cadre des festivités placées sous le signe de l’unité nationale, à l’occasion du trentième anniversaire du déclenchement de la guerre au Liban (le 13 avril 1975), et organisées grâce aux efforts de la présidente du Festival de Beiteddine, Nora Joumblatt, des dizaines de milliers de Libanais ont répondu à l’appel de la députée Bahia Hariri pour redonner, par leur présence, vie au centre-ville. La députée était elle-même présente samedi soir, déambulant dans les rues attenantes à la place de l’Étoile, visitant, très émue, le café où son frère défunt a effectué une dernière halte avant de prendre le chemin qui l’a mené à la mort. Désormais, son portrait orne la table où il avait pris son dernier rafraîchissement en ce funeste lundi 14 février. Mme Hariri était accueillie par des applaudissements partout où elle passait, et a salué de nombreux compatriotes qui venaient lui témoigner leur solidarité. Adoptant le slogan « Le Liban pour tous, patrie de la vie », le Comité national pour le développement et l’amitié a donc lancé, samedi soir, les activités propres à la trentième commémoration du 13 avril, qui dureront jusqu’à mercredi. Hier soir, un véritable Woodstock s’est tenu place des Martyrs, décorée, pour l’occasion, avec des arcades de ballons rouges, verts et blancs. Des milliers de personnes avaient fait le déplacement pour participer aux activités – beaucoup d’entre elles étaient là depuis le matin pour le marathon –, mais surtout pour se retrouver et respirer cet incomparable air de liberté et de solidarité sociale. Ils venaient des quatre coins du Liban pour montrer qu’aucune barrière ne les sépare plus et prouver qu’ils ne veulent « plus jamais de la guerre ». En début de soirée, un commentateur au micro donnait le ton de l’ambiance générale, festive, certes, mais reflétant également un profond attachement à des slogans politiques devenus familiers depuis les imposantes manifestations populaires, à savoir la liberté, l’unité nationale, l’indépendance. « Oui à un gouvernement qui ne serait pas complexé dès qu’il verrait son peuple se réconcilier (...) Oui à un gouvernement qui ne serait pas hystérique et jaloux de l’unité nationale... » disait-il. Des propos sévères accueillis par des applaudissements à tout rompre. « Plus jamais la guerre » L’unité nationale et la paix civile, qui sont le slogan de cette commémoration du trentième anniversaire du déclenchement de la guerre, ne semblaient pas hier un vain mot ou un slogan creux pour les personnes présentes. Ainsi, deux jeunes venus de Beyrouth réaffirment leur attachement à la paix, « parce que nous ne voulons pas prendre le prochain avion pour émigrer ». Avant de rappeler qu’ils veulent « la vérité sur l’assassinat de Hariri ». Non loin, un autre groupe de jeunes entonne, de manière spontanée, l’hymne national. Un couple qui a fait le déplacement depuis la Békaa dit simplement : « Plus jamais la guerre, espérons-le. » Ils déclarent avoir tenu à participer à ces activités pour aider à relancer la vie économique, notant que « le marathon est une activité civilisée qui aide le tourisme au Liban ». La récente vague d’explosions n’a dissuadé personne de faire partie d’un tel mouvement de masse. Une dame de la banlieue sud de Beyrouth, qui s’est rendue au centre-ville en compagnie de ses enfants et de ses petits-enfants, se déclare « dégoûtée de ces méthodes ». « Mais si nous devions mourir pour nous libérer, nous le ferions, et rien ne nous arrêtera », renchérit sa fille. Interrogée sur la raison de son enthousiasme pour de telles activités, la dame déclare : « Je suis libanaise, et il est de mon droit de participer à toute activité qui implique le bonheur du Liban. Nous sommes fatigués, cela suffit. Si nous ne voulions pas bouger pour nous, il faudrait le faire pour les générations futures. » Dès 19h15, quatre fanfares se sont positionnées dans la place, non loin de l’estrade installée pour le concert. Les quatre fanfares, qui ont joué côte à côte, étaient celles des scouts du Parti socialiste progressiste (PSP), du Parti national libéral (PNL, venant de Kfardébiane), des scouts de Jeïta et des scouts du Mehdi (Hezbollah). Cette dernière fanfare a fait l’objet d’une attention particulière de la part du commentateur et a ouvert le concert par une interprétation de l’hymne national, suivi d’un lâcher de ballons rouges acclamé par le public. Ensuite, les musiciens se sont succédé pour jouer des marches ou des chansons patriotiques, sous le regard attendri de l’audience. Une mère, s’adressant à son enfant de trois ou quatre ans qui lui posait question sur question, a cru bon lui expliquer que « ces scouts viennent de régions différentes, mais ils jouent tous pour le Liban ». Un concert « Koullouna lil watan » Vers 21h, une vingtaine de musiciens libanais connus ont enflammé les foules avec des chants patriotiques. Parmi eux, le légendaire Wadih es-Safi, lors d’un concert baptisé, de manière très significative, « Koullouna lil watan » (« Tous pour la patrie », paroles de l’hymne national libanais). Comme toute occasion de ce type semble rouvrir la plaie de la disparition violente de Rafic Hariri et de ses compagnons, les visiteurs de sa sépulture, sur l’esplanade de la mosquée Mohammed el-Amine, étaient très nombreux hier. Non loin a été installée une exposition de photos retraçant tous les événements depuis le 14 février, des derniers clichés de l’ancien Premier ministre quelques minutes avant son assassinat, jusqu’aux manifestations monstres de la place des Martyrs. Le matin, hier, des dizaines de milliers de Libanais, beaucoup plus que les organisateurs ne l’avaient prévu, avaient participé à l’événement mis en place par Beyrouth Marathon. Une fois de plus, le centre-ville s’est retrouvé bondé, et de très nombreuses personnes ont flâné dans les rues ou se sont attablées aux nombreux cafés et restaurants de Beyrouth. Parallèlement au marathon, des troupes folkloriques ont donné des représentations, des chanteurs ont entonné des hymnes patriotiques dans une atmosphère festive, des fanfares ont joué des airs connus. À la fin du marathon, un olivier, symbole de la paix, a été planté près de la sépulture de ce dernier. Dans un geste lourd de symbole, l’arbre a été recouvert de terre apportée de diverses régions libanaises. Dans les rues du centre-ville, de nombreuses expositions artisanales ou artistiques accueillent les visiteurs : peintures, photographies, objets traditionnels, nappes brodées, bijoux... Les activités prévues dans le cadre de ces journées de la paix et de l’unité nationale incluent de nombreuses compétitions sportives, des jeux, des spectacles pour enfants, etc., non seulement au centre-ville mais aussi en plusieurs autres endroits de Beyrouth et des environs, ainsi que dans des régions plus éloignées comme Jezzine, Tripoli (où une manifestation sous-marine avec drapeaux libanais a eu lieu), Marjeyoun... Un grand rassemblement s’est déroulé hier à Bourj Hammoud. Dans un communiqué, le parti Tachnag a appelé tous les fils de la communauté arménienne « à faire preuve du plus haut degré d’éveil et à être les représentants réels de la modération, de la sagesse, de la coexistence pacifique, de la rencontre, de la solidarité, de l’accord ». Un centre-ville bondé, samedi Les festivités avaient été lancées officiellement samedi soir par un grand dîner dans les restaurants du centre-ville à l’initiative de la municipalité de Beyrouth, qui a offert des roses rouges à tous les noctambules. Des chocolats enrobés de papier à l’effigie du drapeau libanais ont également été distribués. Les Libanais qui ont fait le déplacement n’étaient pas là pour passer uniquement du bon temps, mais avaient conscience de participer, par leur geste, à redonner vie à leur ville. L’objectif national de cette initiative ne pouvait passer inaperçu, surtout que tous les restaurants avaient offert, en même temps que des menus spéciaux, des sous-plats en papier arborant le slogan des festivités ainsi que les couleurs du drapeau libanais. Des groupes de personnes, au passage de la députée Bahia Hariri, criaient « Abou Bahaa », l’un des surnoms de l’ancien Premier ministre assassiné. D’autres entonnaient, spontanément, l’hymne national. Malgré toutes les péripéties qu’a traversées le pays depuis deux mois, la bonne humeur et une ambiance bon enfant étaient au rendez-vous. Duo Zad Moultaka-Fadia el-Hage à l’église évangélique Les voûtes de l’église évangélique ont résonné des chants à caractère religieux et empreints d’amour de Fadia el-Hage, accompagnée de la chorale N-D de Loueizé sous la direction du père Khalil Rahmé. Un programme de près d’une heure divisé en deux parties où, pour le second volet, Zad Moultaka, brillant virtuose du clavier, a interprété des œuvres du répertoire classique (Hayden, Bach et Greig). À cela s’est ajouté son talent de compositeur avec la prestation des mouwachahate, œuvre de son cru revisitant le patrimoine musical arabe. Et où Fadia el-Hage a déployé toute l’amplitude de sa voix. Applaudissements enthousiastes d’un public heureux de retrouver un mélange de culture où la rigueur de la musique classique s’est mêlée aux cantiques puisés aux sources orientales. Suzanne BAAKLINI
Durement frappé par le terrible attentat du 14 février qui a coûté la vie à l’ancien Premier ministre Rafic Hariri, le centre-ville, considéré comme la principale réalisation en matière de reconstruction du président assassiné, a de nouveau rendez-vous avec les foules en liesse et la prospérité. Dans le cadre des festivités placées sous le signe de l’unité nationale, à...