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Actualités - ANALYSE

perspectives La perception que s’est faite l’opinion publique des démarches de Joumblatt a entraîné une brèche qu’il est urgent de combler L’opposition plurielle appelée plus que jamais à accorder ses violons en vue des législatives

L’opposition plurielle a gagné jusqu’ici deux batailles fondamentales. Mais elle se doit encore de traiter nombre de dossiers cruciaux et d’accorder impérativement ses violons à leur égard, comme l’a souligné hier, fort à propos, Walid Joumblatt lors de sa conférence de presse. Un point de presse qui est venu à point nommé en raison du flottement politique, des remous suscités par les récentes démarches et déclarations du chef du PSP. Avec le retrait total syrien qui devrait s’achever dans les tout prochains jours, le Rassemblement du Bristol a, certes, enregistré un acquis historique, grâce notamment au soulèvement populaire – à l’intifada de l’indépendance – mais aussi grâce à la triple détermination de la France, des États-Unis et du Conseil de sécurité. Et c’est sous l’effet de cette même détermination que l’opposition vient de remporter sa seconde bataille, celle de la formation de la commission d’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri. Mais les dossiers restés en suspens sont loin d’être de moindre importance. Il ne faudrait surtout pas oublier ainsi que l’opposition avait déclaré la guerre, d’entrée de jeu, à ce véritable gouvernement de l’ombre que constitue l’appareil sécuritaire libano-syrien. Ne pas démanteler cette structure sécuritaire à ramifications mafieuses reviendrait à compromettre dangereusement le chemin parcouru ces derniers mois. L’éviction des chefs des services en question représente, à n’en pas douter, un passage obligé, mais elle ne saurait aboutir aux résultats escomptés sans une éradication, en parallèle, des réseaux établis par ce gouvernement de l’ombre au niveau des différents rouages de l’Administration étatique et de la vie politique. Autre défi de taille auquel l’opposition demeure confrontée : le règlement du problème de l’armement du Hezbollah et, surtout, le réexamen en profondeur, loin de tout climat conflictuel, des rapports avec Damas, impliquant, entre autres, l’établissement de relations diplomatiques ainsi qu’une révision des accords bilatéraux conclus à l’ombre de la situation de tutelle. Ces grands dossiers constituent le dénominateur commun qui cimente le Rassemblement du Bristol. Ils devraient représenter la plate-forme permettant aux différentes composantes de l’opposition de présenter lors des prochaines élections législatives des listes unies dans toutes les régions, sous la même bannière, avec les mêmes slogans et le même leitmotiv. Cela suppose que la mobilisation populaire doit être maintenue, entretenue, encadrée. Et c’est précisément au niveau de ce dernier point que toute fausse manœuvre, toute maladresse risque de provoquer une brèche dans laquelle ne manqueront pas de s’engouffrer très rapidement les forces occultes pour déstabiliser l’édifice de l’opposition. Et dénaturer, par le fait même, l’entreprise de redressement et de sauvetage national lancée il y a quelques mois. Il est certes nécessaire dans le contexte présent de chercher à dégager avec le camp loyaliste un compromis acceptable afin d’assurer le déroulement du scrutin dans les délais requis. Les récentes démarches du chef du PSP s’inscrivent dans ce cadre. Lors de la conférence de presse qu’il a tenue hier à Moukhtara, le chef du PSP s’est montré foncièrement agacé – comme à l’accoutumée, d’ailleurs – par les remarques et observations faites ici et là au sujet des contacts qu’il a entrepris avec les milieux loyalistes. Mais ce qui pourrait être reproché à Walid Joumblatt, ce n’est nullement son initiative en vue de la recherche d’une issue au blocage institutionnel actuel, mais plutôt le fait que sa démarche a été « perçue » par l’opinion – à tort ou à raison, mais le résultat est le même – comme une action unilatérale menée sans coordination et concertations préalables avec les autres pôles de l’opposition. Le leader druze a paru un moment jouer le rôle de médiateur indépendant, de simple go-between, entre Aïn el-Tiné et le Bristol. Si cette « perception » de « one man show » est entretenue, elle risque de démobiliser, de démoraliser la base, provoquant un effet dévastateur lors du prochain scrutin. Le chef du PSP s’emploie en outre à apaiser tous azimuts, à juste titre, les appréhensions et les inquiétudes du Hezbollah et de la Syrie. Dans son interview parue samedi dans as-Safir, il expose aussi ses propres inquiétudes. Mais si l’on désire que le postulat de l’unité de l’opposition reste toujours valable, il sera particulièrement maladroit et contre-productif de négliger, parallèlement, les appréhensions – bien réelles, elles aussi – du camp chapeauté par Bkerké. La plaidoirie pour l’abolition du confessionnalisme politique relancée hier par Walid Joumblatt n’est pas pour arranger les choses à cet égard. Pour l’heure, face à la vaste contre-offensive lancée par les forces occultes et les milieux loyalistes, la base populaire est en droit de réclamer des concertations plus poussées, plus systématisées, entre les pôles du Courant du futur, de Kornet Chehwane, du PSP et du Courant patriotique libre. Il serait peut-être adéquat d’évaluer aujourd’hui le travail accompli, de déterminer les objectifs communs qui restent à atteindre, de clarifier, si besoin est, le terrain d’entente, de préciser les points de désaccord qu’il serait utile d’éviter au cours de la prochaine étape. Il y va de la crédibilité de l’opposition plurielle, comme le soulignait le secrétaire général de la Gauche démocratique, Élias Atallah, dans l’interview recueillie par notre collègue Michel Hajji Georgiou et rapportée dans notre édition de samedi. Mais plus que la crédibilité de l’opposition, c’est sans doute le devenir du Liban, la sauvegarde de ses spécificités, la préservation de son pluralisme socio-communautaire qui sont plus que jamais en jeu. Michel TOUMA

L’opposition plurielle a gagné jusqu’ici deux batailles fondamentales. Mais elle se doit encore de traiter nombre de dossiers cruciaux et d’accorder impérativement ses violons à leur égard, comme l’a souligné hier, fort à propos, Walid Joumblatt lors de sa conférence de presse. Un point de presse qui est venu à point nommé en raison du flottement politique, des remous suscités...