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Actualités - CHRONOLOGIE

Festival Al-Bustan- Une production anglaise commissionnée par le comité «Hamlet», ou comment vivre au milieu d’une famille de fous(photos)

Shakespeare adore les fantômes, le sang et les meurtres sur scène. En matière d’assassinat en direct, «Hamlet» est pratiquement imbattable. Polonius le fourbe, qui l’a bien cherché mais qui a eu la mauvaise idée d’être le père de la fleur pure, Ophélie, et de son frère, tout aussi pur, Laerte. Celui-ci mourra aussi de la main du fiancé de sa sœur, tout comme l’oncle parricide, par qui tout a commencé. Et Hamlet, bien sûr. Bref, c’est l’hécatombe. Comme c’est souvent le cas dans les familles en fin de règne et qui s’accrochent aux meubles les plus anciens: les non-dits. Quel plus grand non-dit que la jalousie (l’inceste est aussi très bien classé)? aLe plus difficile, dans les familles préprogrammées aux destins soi-disant glorieux – entendre par là l’accès au pouvoir absolu, la royauté –, c’est d’être le vilain petit canard. Hamlet est dans son environnement comme un cheveu dans la soupe avant d’être le pavé dans la mare. Il est espionné, surveillé, traqué comme une bête qu’il deviendra. Son ironie, omnisciente à force d’être lucide, est terriblement renforcée par une vision – on dirait aujourd’hui par une attaque de panique, un concentré foudroyant de culpabilité –: le fantôme de son père, qui crie vengeance. On la réclamerait à moins. Et voilà un jeune prince, adorant le théâtre comme Shakespeare, accroché par les cheveux à un train fou qui l’entraîne vers la mort. «Être ou ne pas être, c’est là la question». Il sait ce qui l’attend et le public aussi, s’efforçant de rire avec lui de ses attaques mordantes, de ses pied de nez au pouvoir rampant, à l’œil du cyclone qui l’aspire lentement et sûrement. Shakespeare au théâtre, c’est comme Bach sur scène. Quel que soit le génie de l’interprète, il semble que le texte et la partition gagneront toujours. Pourtant, avec cette langue somptueuse et épuisante à force de l’être, la troupe de Dylan Lowthian a fait du bon travail. Sans doute que les coupes dans le texte sont un peu trop hardies, mais le choix du metteur en scène était clair : Hamlet et son étau de mort avant tout autre chose. Adolescent, «collabo» et femme-fleur Et pour camper ce personnage grandiose et minuscule tout à la fois – comme il fait pleurer! –, le comédien James Davis était à l’abri de tout soupçon. Grand adolescent voûté sous le poids de sa crise d’identité, galvanisé par le meurtre de son père commis par sa mère, il traîne ses baskets et son jean difforme au milieu d’une horde de courtisans, petits et grands. John Wordsworth, qui incarne Claudius, roi du Danemark, est parfait dans sa couardise suffisante. Polonius, ici Andrew Keatley, suinte à merveille le «collabo» que doivent endurer Laerte, délicat et fougueux Anthony Eden, et Ophélie, parfaite Sophie Hunter, qui a su donner à cette femme-fleur sa dimension tragique. Quant à Sarah Jane Wolverson, aidée par une voix tantôt grave, tantôt éraillée, elle a fait vivre une Gertrude plus vraie que nature dans sa quête de plaisir et de pouvoir sans fin, qui aurait vraiment aimé recréer une petite famille sans histoire si elle n’avait pas été empoisonnée par la coupe que son mari avait concoctée à l’intention de son neveu. Le fidèle et triste Horatio était le convaincant Alistair Gillyatt; le courtisan, interprété par la protéiforme Vanessa Faye-Stanley ; enfin, Philip Desmeules, au cours des deux heures de représentation s’est chargé avec virtuosité de l’ensemble des rôles secondaires, allant des courtisans à un officier, en passant par un prêtre ou un capitaine. Le décor, spécialement créé pour être transportable, donne encore une fois la preuve que la simplicité des moyens – cadres mobiles, jeux de lumière, valise, masque et beaux costumes sobres et contemporains signés Becs Andrews – ne fait que mettre en valeur le talent des comédiens sur scène et celui, dans les coulisses, de Dylan Lowthian, qui a gagné son pari de faire de Hamlet un personnage devenu fou à force de devoir admettre qu’il vivait au milieu de fous. Sa propre famille. Diala GEMAYEL

Shakespeare adore les fantômes, le sang et les meurtres sur scène. En matière d’assassinat en direct, «Hamlet» est pratiquement imbattable. Polonius le fourbe, qui l’a bien cherché mais qui a eu la mauvaise idée d’être le père de la fleur pure, Ophélie, et de son frère, tout aussi pur, Laerte. Celui-ci mourra aussi de la main du fiancé de sa sœur, tout comme l’oncle...