Rechercher
Rechercher

Actualités - OPINION

Océan de vie

Décembre 1943. Un mois après ce 22 novembre historique, Georges Naccache, en formidable visionnaire, écrivait : « L’histoire des peuples soumis, disait Chamfort, n’est qu’un recueil d’anecdotes. Pour sortir de l’anecdote et entrer dans l’histoire, les Libanais ont accompli en novembre une véritable révolution : l’union islamo-chrétienne (…) a mis fin au tragique paradoxe d’un État qui était refusé depuis 1919 par la moitié de la population. Refusé jusqu’en 1943. Tant que cette réconciliation n’était pas faite, il est juste aussi de la reconnaître ; il n’y avait pas d’indépendance libanaise possible, parce qu’il n’y avait pas – d’abord – de Liban. » Mars 2005. 62 ans après ce mois de novembre, de cette indépendance élitiste, dont il ne restait plus que de la nostalgie dans les yeux de nos pères et un chapitre de quelques pages dans des livres scolaires trop « orthodoxes » pour être sincères, trois générations de Libanais ont refait hier le Liban. Trois générations. Celle de l’avant-guerre, qui a vu le Liban, en proie à la folie furieuse, se déconstruire, se fragmenter progressivement. Celle de la guerre, née dans la tourmente, qui a vu le jour sous les décombres, sous les obus, sous le feu et la cendre. Enfin, celle de l’après-guerre, morte avant que d’être née dans un pays pacifié par la force des chars, muselé, asservi. Hier, place des Martyrs, ces trois générations, quelles que soient leurs appartenances, ont scellé toutes ensemble leur réconciliation nationale, dans un formidable océan humain de vie et de liberté. Ensemble, consciemment ou pas, ces trois générations ont exorcisé les derniers démons de la guerre, ceux que les piliers du régime s’ingénient aujourd’hui à agiter en épouvantail pour tenter d’effrayer un peuple en marche vers l’écriture de son histoire, de sa nouvelle indépendance. Le processus de « syrianisation » s’est établi, en trente ans, sur la décomposition du tissu sociocommunautaire libanais. Hier, le nouveau pacte de convivialité formulé par le peuple libanais dans Beyrouth plusieurs fois meurtrie, mais toujours reconstruite, a définitivement mis fin à l’hégémonie syrienne sur le pays. L’ampleur du phénomène est exceptionnelle, unique. Les Libanais aspirent à la vie et à la liberté. Ils l’ont prouvé hier. Cette indépendance n’est plus le fait de leurs élites : c’est désormais la leur, celle de chaque individu, et aucune force ne peut plus aller contre cette volonté. « Le pacte d’union tiendra : mais il ne tiendra que pour autant que, dans l’égalité absolue de toutes les communautés, tous les citoyens feront preuve du même loyalisme à l’égard du nouvel ordre libanais », ajoutait Georges Naccache en décembre 1943. Sages propos qui restent plus que jamais d’actualité. Le pacte d’union formulé hier place des Martyrs tiendra, n’en déplaise à ceux qui misent sur un phénomène provisoire. Il tiendra aussi longtemps que les citoyens libanais sauront, comme hier, s’unir, égaux, par centaines de milliers, sous les couleurs du drapeau libanais, en une allégeance transcendant toutes les appartenances résiduelles. Michel HAJJI GEORGIOU

Décembre 1943. Un mois après ce 22 novembre historique, Georges Naccache, en formidable visionnaire, écrivait : « L’histoire des peuples soumis, disait Chamfort, n’est qu’un recueil d’anecdotes. Pour sortir de l’anecdote et entrer dans l’histoire, les Libanais ont accompli en novembre une véritable révolution : l’union islamo-chrétienne (…) a mis fin au tragique paradoxe...