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Une première libanaise aujourd’hui, vendredi, et demain Un opéra de Kaija Saariaho sur un livret d’Amin Maalouf: «L’amour de loin» (Photo)

Une première «opératique» libanaise pour une œuvre inspirée des rives du pays du Cèdre à l’époque des croisades dont Amin Maalouf, avant de devenir le brillant romancier qu’on connaît, est un éminent spécialiste. Opéra en cinq actes, L’amour de loin est une œuvre lyrique, commanditée par le Festival de Salzbourg en 2000 et composée par la talentueuse Finlandaise Kaija Saariaho sur un livret d’Amin Maalouf. Présenté seulement à cinq reprises de par le monde, avec une étape d’un succès total à Helsinki en septembre 2004, cet opéra est jugé par le public et la presse internationale comme un événement culturel majeur. Pour donner vie et voix aux sortilèges et maléfices des intermittences du cœur, un nombre impressionnant d’artistes sur scène. Tout d’abord le Young Janacek Orchestra, dirigé par Jan Latham-Koenig, avec un chœur, celui de l’ensemble vocal du Conservatoire de la Région de Strasbourg placé sous la férule de Catherine Bolzinger. Pour les protagonistes, ils sont campés respectivement pour Clémence, la comtesse de Tripoli, par Malin Christensson (soprane), Joffrey Rudel, prince de Blaye, par Jacques Imbrallo (bariton) et le pèlerin par Nicolas Stonehouse (mezzo-soprane). La trame est tout à la fois simple et complexe, comme toutes les histoires d’amour... Important à signaler, l’orchestre sera sur scène et non dans la fosse, et cela pour des raisons de créativité musicale; ainsi les auditeurs pourront apprécier la qualité et l’aspect innovateur de la musique à partir des instruments mis directement sous les feux de la rampe. On doit d’abord planter le décor; celui de la seconde croisade en 1147 où l’amour est encore courtois... Imaginez un peu Renaud et Armide de Cocteau mais aussi ces nobles dames au hennin avec perlettes et voiles guettant, des créneaux des tourelles, la chevauchée de preux chevaliers bardés de la ferraille de leur armure et portant oriflamme battant au vent. Les amants au XIIe siècle... Pour cette histoire de troubadour qui chante la dame de ses pensées, on remonte au trouvère Joffrey Rudel de Blayel (qui vécut au XIIe siècle) et s’éprit, de loin, de la vertueuse et solitaire Clémence, princesse de Tripoli. Kaija Saariaho n’est pas la première à utiliser les éléments de cet amour lointain. La poésie de Robert Browning (1812-1889) atteste de cette préoccupation. Plus proche de nous, en ce sens, est l’œuvre d’Edmond Rostand qui fit triompher à Paris en 1895 Sarah Bernhardt dans La Princesse lointaine. Pour les amateurs de l’art lyrique, voilà une belle occasion de découvrir un texte, une période et surtout une musique aux accents résolument modernes. On doit cette partition à Kaija Saariaho, une des compositrices les plus en vue en Finlande, qui vit et travaille à Paris depuis 1982. Formation à l’Académie Sibélius et ensuite à Fribourg pour parfaire son savoir-faire avec un diplôme en musique «computérisée». Depuis 1986, Saariaho n’a pas arrêté de cueillir lauriers et succès. Prix Italia pour Stilleben, prix Ars Electronica pour Io. Tout en accumulant des œuvres avant-gardistes qui ont toute la considération et tout l’intérêt du monde de la musique. Dans son riche parcours, citons Nymphéa, À la fumée et le ballet Maa ainsi que le concerto pour violon Graal Théâtre dédié à Gidon Kremer qui a donné une magistrale démonstration de son art le 23 février au Bustan même. Last but not least, on évoque aussi le cycle de chant orchestral Château de l’âme donné en première en 1996 au Festival de Salzbourg. L’Oltra mar, pour chœur et orchestre, donné par le Philharmonique de New York et Kurt Masur en novembre 1999, obtint les acclamations des plus réservés des musiciens. Pour conter les amours malheureuses de Joffrey et Clémence, la plume d’Amin Maalouf a mis ses plus beaux atours pour se couler dans le flot d’une partition véhémente et passionnée. Le prince de Blayle est las d’une vie de dissipation et de plaisirs faciles. Il tend vers un amour singulier, absolu, lointain, quitte à ne jamais être consommé. Bien sûr, son entourage se moque de pareilles balivernes mais lui ne cesse de chanter les louanges d’une femme qui, à ses yeux, n’existe pas. Mais un pèlerin de la Terre sainte, fraîchement arrivé de Tripoli, lui souffle que sa dulcinée existe bel et bien... Et commence l’obsession. De l’autre côté de la mer, ce même pèlerin souffle à la comtesse Clémence de Tripoli qu’un trouvère est tombé en amour sous son charme et la chante dans ses poèmes. L’indignation passée, le cœur là aussi s’ouvre à des sentiments bien plus tendres et cléments. De part et d’autre, la révélation de l’amour est un dépassement, mais tout platonique, bien que les flammes soient déjà brûlantes! Mais le démon de la curiosité et de l’assouvissement est toujours le plus fort, et voilà Joffrey, flanqué du pèlerin, en route vers l’Orient. Miné par le désir de rencontrer celle qui domine son cœur et sa vie, tiraillé par les impulsions les plus secrètes, Joffrey en arrive à tomber littéralement malade. Incurable maladie d’amour. Plus le bateau s’approche des rives du port, plus l’amoureux transi est agonisant. En vain, le pèlerin annonce la nouvelle de l’arrivée du prince à Clémence. Fureur et refus de la comtesse qui voulait absolument que cet amour reste lointain, éthéré. Mais devant la mort, elle s’incline et accourt au chevet de son amant jamais touché. Et bien sûr, l’amour a de tels détours, de tels éblouissements! Heureuse folie de se retrouver, de se promettre le bonheur et l’amour à perpétuité. Mais Joffey est déjà mourant. Tragique destin provoqué par Clémence qui ne se pardonnera pas ce malheur. Elle veut prendre le voile et rentrer à jamais dans les ordres. Lorsqu’elle murmure ses dernières prières, on a du mal à comprendre: est-ce à Dieu qu’elle s’adresse ou à cet «amour de loin», vécu avec tant de violence et d’adoration? Mystère du cœur humain! Une œuvre originale et forte, dans le sillage du répertoire des grands drames lyriques, où trois personnages tiennent en haleine l’auditoire par la beauté et la magie de l’amour, des mots et des images sonores. À découvrir. E.D.
Une première «opératique» libanaise pour une œuvre inspirée des rives du pays du Cèdre à l’époque des croisades dont Amin Maalouf, avant de devenir le brillant romancier qu’on connaît, est un éminent spécialiste. Opéra en cinq actes, L’amour de loin est une œuvre lyrique, commanditée par le Festival de Salzbourg en 2000 et composée par la talentueuse Finlandaise Kaija...