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Actualités - ANALYSE

Eclairage - Un cabinet réduit et neutre : condition nécessaire mais pas suffisante

«Il faut mettre fin à cette dictature. Nous voulons un gouvernement au-dessus de tout soupçon qui ne soit pas nommé par Rustom Ghazalé ou par Jamil Sayyed ; un gouvernement de transition qui assure la sécurité, mette à la porte les chefs des renseignements libanais, à l’exception du chef de l’armée, et qu’il lève leur emprise sur le pays avant de décider d’une nouvelle loi électorale et de conduire les élections. » Marwan Hamadé, dont on ne saluera jamais assez l’immense courage, a résumé hier, en étant le premier à commenter la disponibilité de Omar Karamé à présenter la démission de son gouvernement, l’infini besoin de la population libanaise d’en finir avec une équipe disqualifiée à tous les niveaux et par toutes les parties locales, régionales et internationales – à l’exception, évidemment, du tuteur syrien. Sauf que Omar Karamé, comme l’ensemble du pouvoir local, n’a absolument aucune liberté de décision politique, et les pressions ont été telles qu’il s’est carrément rétracté quelques heures à peine après la diffusion de son aveu d’échec que l’AFP a recueilli auprès de lui hier matin – sachant qu’il est difficilement envisageable que le n° 3 de l’État ait décidé de son propre chef, sans consultations préalables avec le tuteur syrien, d’annoncer publiquement qu’il est prêt à partir. Depuis plus de dix jours, Omar Karamé affiche une insensée et inadmissible indifférence face à la formidable, à l’historique déferlante d’un peuple désormais quasi-idéal. Depuis des mois, ce même Omar Karamé fait montre (comme tous les autres symboles du régime) d’une ahurissante et absolue immaturité politique concernant ce que Ghassan Salamé a appelé hier l’urgence (et l’intelligence) de juguler, de désamorcer les coups de boutoir internationaux. Et cerise sur le gâteau, hier, cet effendi définitivement pas à la hauteur, et à qui le Sérail ne sied décidément pas du tout, a bien fait comprendre – et à partir de Baabda qui plus est – qu’une motion de censure place de l’Étoile ne lui fait pas peur. C’est logique. La majorité des députés actuels doivent leur strapontin à la Syrie. Et l’expérience des quatre ans écoulés laisse à penser que la quasi-totalité de ces gens-là n’ont aucun scrupule à simplement occulter la volonté transconfessionnelle du peuple libanais – parce que ces députés manquent cruellement de représentativité, parce qu’ils ont été imposés, parce qu’ils n’ont jamais été soumis à une demande de comptes de la part de leurs électeurs... Omar Karamé, ses partenaires et ses tuteurs sont-ils persuadés que ces parlementaires, comme eux, méjugent totalement ce peuple et la possibilité de le voir les sanctionner ? Sont-ils assurés que le Hezbollah, dont l’un des membres a affirmé hier qu’aucune décision à ce sujet n’a encore été prise, votera la confiance en faveur de l’actuel cabinet ? Pensent-ils, à l’instar de Nabih Berry, qu’un vote de confiance dont le résultat leur serait bénéfique boosterait l’équipe Karamé et court-circuiterait ainsi les pressions locales, arabes et occidentales ? Ou bien, à l’inverse, ont-ils prévu (ou aideront-ils...) la chute du gouvernement, lundi place de l’Étoile, pensant ainsi sauvegarder la quintessence du régime libanais inféodé, en sacrifiant une nouvelle fois, treize ans plus tard, Omar Karamé sur ce même autel de la revendication populaire ? Surtout qu’ils peuvent désormais profiter de l’(heureuse) insistance des députés de l’opposition, qui se sont réunis hier dans le très symbolique maquis, pacifique et démocratique, qu’est devenu le palais de Moukhtara pour confirmer qu’ils allaient déposer dans quatre jours cette motion de censure qui ouvre la porte à toutes les éventualités. Et c’est effectivement là que le bât blesse. Si Omar Karamé se fait renvoyer, et à supposer qu’un cabinet ultraréduit, présidé ou pas par Adnane Kassar et exclusivement formé de technocrates à la neutralité reconnue par toutes les parties, voit le jour, qu’est-ce qui garantirait, si les choses restent en l’état, que le système libano-syrien ne pèsera pas de tout son poids pour empêcher le futur mini-cabinet de s’acquitter des trois essentielles tâches qui devraient être les siennes ? À savoir : accompagner l’enquête internationale sur l’assassinat de Rafic Hariri ; négocier l’application immédiate de l’accord de Taëf jusqu’à l’aboutissement de l’ensemble de ses clauses, en convainquant notamment les dirigeants syriens de la nécessité de prendre une décision « courageuse, sage et visionnaire » comme proposé hier par Ghassan Salamé ; préparer une loi électorale basée sur celle de 1960 et organiser un scrutin ultratransparent et d’une probité incontestable, évidemment sous surveillance internationale. Omar Karamé n’a certes rien à faire au Sérail. Tous les autres piliers du régime, politiques fussent-ils, judiciaires ou sécuritaires, non plus : la rencontre de Moukhtara ne s’est pas trompée hier, en appelant au départ de « l’ensemble des symboles du pouvoir ». Ziyad MAKHOUL

«Il faut mettre fin à cette dictature. Nous voulons un gouvernement au-dessus de tout soupçon qui ne soit pas nommé par Rustom Ghazalé ou par Jamil Sayyed ; un gouvernement de transition qui assure la sécurité, mette à la porte les chefs des renseignements libanais, à l’exception du chef de l’armée, et qu’il lève leur emprise sur le pays avant de décider d’une nouvelle loi...