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Actualités - OPINION

La rage de l’espoir

Emmurés dans leurs maisons, cloîtrés dans leurs palais, prisonniers de leurs allégeances, « ils » n’ont pas réalisé que tout a basculé depuis lundi dernier, que rien ne sera plus comme avant. Ça suffit ! Les mensonges, les insanités, cette indécence dans les propos que même l’odieux assassinat de Rafic Hariri n’a pas réussi à éliminer du vocabulaire de nos « responsables ». « Chirac dirige le combat de l’opposition. » Ferzli dixit. Hier, ce rôle était dévolu au Premier ministre défunt qualifié par Frangié de « tête de la vipère ». Demain ce sera peut-être le tour de Bush. Et c’est à l’avenant. « L’opposition est insignifiante, elle ne mérite même pas qu’on l’honore d’un état d’urgence. Le deuil officiel terminé, l’armée saura quoi faire lundi. » Pour le septième jour du décès de Rafic Hariri, de tels propos, sortant de la bouche du ministre de l’Intérieur, sont plus qu’une insulte à sa mémoire, ils contiennent en eux les germes de la répression à venir. La peur, sournoise, lancinante, tapie dans notre inconscient depuis des décennies vient de resurgir. Non pas la peur pour soi, mais la peur pour un avenir commun hypothéqué par un pouvoir totalement disqualifié. Mais la rage est là, une rage d’espoir qui se manifeste tous les jours au centre-ville : un silence assourdissant autour de la sépulture de Rafic Hariri et une « intifada démocratique et pacifique » qui enfle de jour en jour, place des Martyrs. C’est là dans ce qui a toujours été le cœur battant du pays que se bétonne l’unité nationale retrouvée. Mais le pouvoir est sourd : il n’entend ni le silence des morts du 14 février ni les cris de révolte qui résonnent tous les soirs sur les lieux du multiple crime et autour de la tombe du disparu devenu lieu de pèlerinage pour tous les Libanais, toutes confessions confondues. Le pouls de la nation bat désormais au même rythme et de tous les coins du monde, de l’Europe, de l’Asie, des Amériques, des pays arabes, un courrier impressionnant arrive quotidiennement à L’Orient-Le Jour. S’y expriment non seulement des Libanais mais aussi, très nombreux, des étrangers qui se veulent solidaires du Liban. Dans ces messages un même leitmotiv : « Tenez bon, ne vous laissez pas abattre. » Et une interrogation, éclatante de bon sens : « Qu’attend le gouvernement pour démissionner ? Qu’attend le chef de l’État pour prendre la décision difficile qui évitera au pays l’épreuve de force, le bras de fer aux mille dangers ? » Interrogation évidente mais qui ne prend pas en compte le fait que la décision officielle est confisquée et que c’est à Damas qu’il faut chercher la réponse, comme l’a si bien martelé, hier, Walid Joumblatt. Damas, où est arrivé dimanche soir Amr Moussa, représentant d’une Ligue arabe gagnée par la panique, Damas qui sera sous très étroite observation, ce lundi, lors du sommet Chirac-Bush à Bruxelles. Entre une pression externe de plus en plus forte et une intifada libanaise qu’il ne peut plus ignorer, le régime syrien est maintenant appelé à réexaminer rapidement sa politique, dut-il reconnaître, publiquement que des erreurs ont été commises, que des accords n’ont pas été respectés, que des services parallèles ont dérapé. Le pouvoir syrien sera-t-il à la hauteur de l’événement, facilitant une solution honorable, ou optera-t-il, comme souvent auparavant, pour la chape de plomb ? L’avenir le dira. Mais entre-temps, le cœur du centre-ville continuera de battre au rythme de l’intifada paré des couleurs de l’indépendance : blanc et rouge. L’espoir. Nagib AOUN
Emmurés dans leurs maisons, cloîtrés dans leurs palais, prisonniers de leurs allégeances, « ils » n’ont pas réalisé que tout a basculé depuis lundi dernier, que rien ne sera plus comme avant.
Ça suffit ! Les mensonges, les insanités, cette indécence dans les propos que même l’odieux assassinat de Rafic Hariri n’a pas réussi à éliminer du vocabulaire de nos «...