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Des centaines de Libanais expriment leur rejet unanime de la violence Sur les lieux du crime, plébiscite des manifestants pour le retrait syrien (Photo)

Ceux qui l’ont assassiné ont sans doute parié sur le silence des Libanais une fois les obsèques terminées. Le sit-in d’hier soir, qui s’est mué en manifestation, près des lieux de l’explosion, devant l’hôtel Phoenicia, leur a montré que ce pari était perdu. La nouvelle « place du martyr Rafic Hariri » a été le théâtre d’un rassemblement qui est sorti, avec fracas, et pour la première fois depuis très longtemps, des carcans et des cloisons de la réalité libanaise. Ce sit-in était hors norme parce qu’il a réuni des gens de tous les horizons sociaux et religieux, qui montraient, d’une seule voix, qu’ils n’accepteront pas que le meurtre de l’ancien Premier ministre reste impuni et que la violence reprenne sa place dans leur vie. Et que, surtout, le retrait syrien est nécessaire pour empêcher qu’un tel enfer ne se reproduise. Mais c’est la nature de la participation populaire qui était la plus ahurissante, puisqu’on pouvait voir en pleine action des personnes qui ne se sont jamais mobilisées dans la rue, mais qui ont tenu à remplir leur devoir civique. « Hariri, Hariri », lançait une foule de plusieurs centaines de personnes, arborant des dizaines de portraits de l’ancien Premier ministre et entonnant l’hymne national libanais. Mais ce n’est qu’après un certain moment d’hésitation et quelques timides slogans antisyriens qu’un énorme « Syria out » a explosé d’un seul coup, dans un violent amalgame de prières, d’hymnes, de slogans, mêlant fureur et tristesse. Des slogans saluant la mémoire du leader défunt, mais dirigés aussi contre la Syrie, pointée du doigt par la foule, avec une conviction limpide et inébranlable, comme l’assassin de Rafic Hariri. « Participez aux veillées funèbres et venez allumer une bougie pour dire non à ce crime. C’est en se mobilisant que les Ukrainiens ont réussi à rejeter la violence. Pourquoi pas nous ? », avait dit auparavant l’appel au sit-in. Tenant des drapeaux libanais, les participants ont posé des bougies et des fleurs devant l’autel à même le sol en souvenir de Rafic Hariri, tout en scandant : « Musulmans et chrétiens, tous ensemble contre la Syrie. Nous voulons indépendance et liberté. » En même temps, les manifestants se dirigeaient solennellement, dans une sorte de procession à la lumière des bougies, pour signer une pétition réclamant l’établissement de la vérité à travers une enquête internationale. « Que justice soit faite », pouvait-on entendre. « Je suis venu ici parce qu’il faut rendre hommage à Hariri. Nous refusons cette mort atroce. Nous sommes ici pour la paix », indique Philippe, alors que Racha s’exclame : « Ils ont tué le symbole, l’espoir. Nous n’oublierons jamais. » Moins pessimiste, une troisième personne murmure dans la foule : « Ils ont voulu tuer notre rêve. Mais ils ne réussiront pas. Nous avons résisté pendant trente ans, ce n’est pas maintenant que nous allons tout laisser tomber. » Le même rythme - infatigable - de slogans pro-Hariri et antisyriens s’est ainsi poursuivi durant deux heures. Enfin, le nombre de participants devenant de plus en plus grand, plusieurs cercles se sont formés dans la foule, adoptant chacun son rythme propre, mais s’unissant quand même à l’occasion de certaines revendications comme « Lahoud down » et « Karamé out ». C’est alors que les jeunes ont pris l’initiative de se diriger vers la place des Martyrs, qui abrite désormais la tombe de l’ancien Premier ministre, en passant par ce centre-ville qui a toujours été lié au nom du grand défunt. Brandissant haut des roses rouges et blanches et des portraits, ils ont quand même tenu à s’arrêter devant un Parlement dont « le rôle est de plus en plus incertain dans un pays qui plonge dans la dictature et dans le sang », selon l’un des participants. Là encore, les manifestants ont réclamé, dans un moment d’une grande symbolique, la démission du gouvernement et le départ des foces syriennes, avant de se diriger lentement et silencieusement – le temps étant à la prière – vers le tombeau devant lequel ils se sont dispersés, se donnant rendez-vous le lendemain à la même heure. Le second pari des assassins devait être également l’essoufflement des mouvements de protestation et de colère. Les Libanais devront le gagner durant les prochains jours. Samer Ghamroun
Ceux qui l’ont assassiné ont sans doute parié sur le silence des Libanais une fois les obsèques terminées. Le sit-in d’hier soir, qui s’est mué en manifestation, près des lieux de l’explosion, devant l’hôtel Phoenicia, leur a montré que ce pari était perdu.
La nouvelle « place du martyr Rafic Hariri » a été le théâtre d’un rassemblement qui est sorti, avec fracas, et...