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Actualités - OPINION

Précision suisse

Le ministre de l’Intérieur qui a de qui tenir, qui est originaire de ce légendaire bastion du machisme libanais qu’est la ville de Zghorta, a incontestablement fait montre d’ un certain courage en s’en allant réconforter hier la famille durement éprouvée de Rafic Hariri : laquelle, en effet, avait fait savoir que toute marque de sympathie de la part des dirigeants n’était ni souhaitable ni souhaitée. Agissant dès lors à titre privé, Sleimane Frangié a aussi fait preuve d’un culot certain quand il a clôturé sa civile visite en accusant les contestataires d’exploiter à outrance l’abominable attentat de Aïn-Mreissé, puis quand il a acrobatiquement entrepris de récupérer, pour le compte de l’État, les options du grand disparu : options qui, à l’en croire, étaient en réalité – et dans la plus grande confidence – plus proches de la ligne officielle que des thèses de l’opposition. Rafic Hariri n’est plus parmi nous hélas pour lui opposer un démenti, si tant est que s’imposait vraiment celui-ci. Hariri n’est plus là pour s’étonner que l’étroitesse et la chaleur des relations personnelles candidement invoquées par le ministre aient pu avoir, elles, la chance insigne de survivre au haineux tir de barrage qui le visait ces derniers temps, aux volées de propos injurieux, d’accusations graves, de menaces voilées. « La tête de la vipère c’est lui », s’écriait il n’y a pas longtemps Frangié. « Ils vont voir ce qu’ils vont voir », renchérissait le chef du gouvernement Omar Karamé ; pour le coup, et à défaut d’une démission des plus méritées, c’est des personnages de la trempe d’Omar Karamé que l’ampleur de la colère populaire suscitée par l’hécatombe de lundi a rendus invisibles. C’est un fait que le Premier ministre assassiné ne partageait pas les revendications les plus radicales de l’opposition ; et que, malgré son indiscutable rupture avec le régime libanais, il continuait de voir dans l’accord de Taëf le seul cadre d’une redéfinition des rapports – invariablement privilégiés – avec la Syrie, et cela dans l’intérêt bien compris des deux parties. Mais c’est un fait aussi que par leurs erreurs monumentales, leur mépris des règles, leur penchant viscéral pour l’intimidation et la persécution, le pouvoir et ses tuteurs syriens ont poussé à bout les volontés les meilleures. Ils ont perdu en Hariri un Hariri vivant, un précieux modérateur : un pont entre Libanais, comme entre ceux-ci et la Syrie ; et voilà qu’ils se retrouvent avec un martyr qu’a plébiscité une nation choquée, atterrée mais galvanisée aussi par l’odieux massacre. Si énorme est l’événement qu’il a libéré toutes les frustrations rentrées, qu’il a levé tous les tabous. « La Syrie dehors ! » : orpheline de son chef, la rue sunnite, à son tour, sera allée considérablement plus loin que ne l’aurait jamais vraisemblablement fait le grand disparu. Cimentée dans la douleur autour d’un cercueil, l’unité nationale est irrésistiblement en marche. Elle est en train de se faire sans – et même contre – les instances censées précisément en être le promoteur et le garant, et à leur tête le président Émile Lahoud : cela à un moment où la Syrie est chaque jour plus menacée d’isolement international, même si, dans des affaires aussi graves que l’assassinat d’un Hariri, les puissances, unanimes à exiger que la lumière soit faite, se gardent naturellement de tout jugement hâtif. À défaut d’une enquête internationale qui heurte un ego étatique pourtant bien malmené, le Liban a bravement consenti à requérir l’assistance d’experts helvétiques. Du moins l’annonce en a-t-elle été copieusement faite à Beyrouth, et cela au plus haut niveau, les autorités de Berne n’ayant pas encore reçu à ce jour, quant à elles, la moindre demande formelle. Quatre jours après le crime, voilà qui nous porte à signaler à l’attention de ces dirigeants trop enclins à prendre leur temps que la Suisse produit aussi d’excellentes, de superbes montres de précision. Issa GORAIEB
Le ministre de l’Intérieur qui a de qui tenir, qui est originaire de ce légendaire bastion du machisme libanais qu’est la ville de Zghorta, a incontestablement fait montre d’ un certain courage en s’en allant réconforter hier la famille durement éprouvée de Rafic Hariri : laquelle, en effet, avait fait savoir que toute marque de sympathie de la part des dirigeants n’était ni...