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Actualités - OPINION

Le diplomate qui venait du froid

Brûlante, dévorante passion pour les dossiers sensibles du Proche-Orient, que celle qui s’empara un beau jour de cet austère intellectuel norvégien, professeur de sociologie et de philo, l’amenant d’ailleurs à laisser plus d’une fois son empreinte sur la tumultueuse chronique de cette région. Fondateur et directeur d’un institut de sciences sociales appliquées, Terjé Roed-Larsen entreprend, dans les années 80, un projet de recherches sur les conditions de vie des Palestiniens dans les territoires occupés. Il ne tarde pas à nouer de solides contacts avec les deux bords ; et grâce à sa parfaite connaissance du problème, sa patience, son flegme et son opiniâtreté, il devient le principal architecte des négociations secrètes israélo-palestiniennes qui déboucheront en 1993 sur l’accord d’Oslo. Comblé d’honneurs par son gouvernement, Roed-Larsen estime qu’il a mieux à faire à l’Onu. Collectionnant les casquettes (coordinateur spécial, adjoint du secrétaire général, émissaire personnel de Kofi Anan), il s’installe un temps à Gaza, puis au Liban où il doit s’assurer de l’intégralité du retrait unilatéral des troupes israéliennes survenu en 2000. Le voilà enfin chargé, tâche délicate entre toutes, de veiller à l’application de la résolution 1559 ordonnant le départ des troupes syriennes de notre pays et l’arrêt des ingérences de Damas dans les affaires libanaises. Terjé Roed-Larsen n’est pas trop aimé des gouvernements de la région, mais qu’importe, il a l’habitude. Il était devenu quasiment indésirable à Gaza pour avoir déploré la paralysie d’une Autorité autonome livrée à l’anarchie. Il a indisposé Israël en dénonçant comme « une horreur qui dépasse l’entendement » l’attaque barbare contre le camp de réfugiés de Jénine, il s’est attiré les foudres de l’État libanais refusant d’inclure les fameuses fermes de Chebaa dans le tracé de la ligne bleue délimitant la frontière internationale. Tout cela pour dire qu’il en fallait davantage qu’une rebuffade essuyée à Damas – un rendez-vous raté avec le président Bachar al-Assad initialement prévu pour lundi, mais qui n’a eu lieu que jeudi – pour entamer l’ardeur à l’ouvrage du diplomate scandinave. Et surtout le surprenant, le troublant optimisme qu’il a affiché au terme des entretiens qu’il a eus avec des dirigeants syriens et libanais notoirement hostiles pourtant à la 1559. La brèche dans ce mur d’hostilité que s’est employé à creuser Roed-Larsen, c’est la thèse, publiquement défendue, que la résolution onusienne n’est guère en contradiction avec l’accord de Taëf et le traité syro-libanais auxquels s’accrochent Damas et Beyrouth. Aux deux partenaires sans cesse harcelés par les injonctions de Washington et Paris, la démarche vient offrir une issue honorable : cela dans une région de la planète où il importe plus que tout à certains types de régime de sauver la face. Il y a là davantage cependant que l’astuce psychologique, que le bonbon onusien censé faire passer l’amère potion : autant en effet les Libanais aspirent à recouvrer leur indépendance et souveraineté à l’ombre d’un État démocratique, autant il y a lieu d’appréhender les secousses que risquerait de provoquer un retrait en catastrophe, non négocié, non consenti, qui viendrait libérer en même temps que le territoire de formidables capacités de nuisance... Ce que fait Roed-Larsen dès lors, c’est de prendre au mot ceux qui ne jurent que par Taëf. Car c’est bien cet accord, perverti par Damas et ses satellites, qui prévoit le plus clairement du monde un processus de désengagement syrien voué à s’éterniser s’il n’y avait précisément eu la résolution 1559. Il en va de même d’ailleurs pour ces relations bilatérales, régies par un véritable contrat léonin et dont les plus éclairés des officiels s’aperçoivent aujourd’hui seulement qu’elles ont effectivement besoin d’être assainies. Taëf par la voie de la résolution de l’Onu, et pourquoi pas ? Mais de grâce, que cela ne prenne pas quinze ans, une fois de plus : il ne faut pas laisser noyer la 1559 dans dans les eaux profondes de « leur » Taëf. Issa GORAIEB
Brûlante, dévorante passion pour les dossiers sensibles du Proche-Orient, que celle qui s’empara un beau jour de cet austère intellectuel norvégien, professeur de sociologie et de philo, l’amenant d’ailleurs à laisser plus d’une fois son empreinte sur la tumultueuse chronique de cette région.
Fondateur et directeur d’un institut de sciences sociales appliquées, Terjé...