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Actualités - OPINION

Institutions Deux conceptions différentes de l’État

Il est normal qu’entre l’état des institutions en Syrie et leur état au Liban, il y ait une différence due aux évolutions historiques récentes des deux pays, au cours des dernières décennies. Et en particulier au fait que, depuis 1975, on a tout fait pour démanteler les institutions d’abord et, à partir de 1990, date à laquelle le pays a, nominalement, été unifié, lotir les administrations et instrumentaliser l’État au service d’un projet qui se présentait comme étant dans l’intérêt du Liban, mais dont les conséquences économiques et démographiques furent telles que le pays se vidait à mesure qu’une main-d’œuvre étrangère le repeuplait et que des capitaux complices, locaux et étrangers en pompaient les ressources. On aurait aimé voir l’état des institutions en Syrie, si ce pays avait été soumis aux mêmes pressions. Et comme l’a si bien souligné Walid Joumblatt, qui a eu sa part du gâteau, tout comme Rafic Hariri son indéfectible allié, la Syrie s’est joyeusement prêtée à ce dépeçage dont on s’étonne qu’il n’ait pas fait plus de ravages. Oui, mais le problème n’est pas là. Le problème, c’est qu’aussi fiers que les Syriens soient de leurs institutions, il y a, entre l’État libanais, aussi faible soit-il, et l’État syrien, aussi structuré et fort qu’il soit, une différence de nature. Quel que soit l’état de décrépitude de nos institutions et le tribalisme qui les mine, elles restent d’une toute autre nature que les institutions syriennes et ressortent de deux philosophies, de deux visions de l’homme et de l’histoire bien distinctes. En Syrie, l’État a été bâti sur le modèle totalitaire des démocraties populaires de l’ex-URSS, qui étaient des régimes à parti unique, tentant d’élever le niveau de la population à force de dirigisme économique et idéologique. Le mot totalitaire est utilisé ici dans son sens technique. « On peut appeler totalitaire toute conception dans laquelle la communauté politique – soit l’État, au sens strict du mot, soit la collectivité organisée, – revendique pour elle l’homme tout entier, ou bien pour le former, ou bien pour être la fin de toutes ses activités, ou bien pour constituer l’essence de sa personnalité et de sa dignité », explique Jacques Maritain dans Humanisme intégral. Ces thèmes devraient être familiers à bon nombre de formations politiques au Liban directement ou indirectement formées sur le modèle totalitaire. C’est dire, entre parenthèses, combien sont obsolètes certains des partis toujours agissants, et que l’on continue de présenter comme étant l’avenir du Liban. Le régime politique libanais est d’une toute autre essence. Il s’inspire du modèle des démocraties politiques occidentales, basées sur le pluralisme politique, la stricte séparation des pouvoirs, l’indépendance de la justice, la liberté d’expression et de réunion, la presse libre, le respect des droits de l’homme, la dynamique de la société civile, etc. Ce sont là des constantes de toute démocratie. Ce sont nos constantes, celles que nous avons choisies, celles que nous défendons et défendrons, quelles que soient les dérives. Voilà, très brièvement exposées, les différences entre les deux États libanais et syrien. Aussi faibles que soient nos institutions, nous ne rêverons jamais d’un État sur le modèle actuellement en vigueur en Syrie. Les dirigeants syriens en ont pris conscience, voici quelques années, en effectuant quelques gestes d’ouverture en direction du Liban. Mais le printemps de Damas ne vécut pas longtemps. Redisons-le donc. Walid Moallem peut multiplier les visites au Liban, dans les gestes d’ouverture de la Syrie, ce ne sont pas les gestes qui comptent, mais l’ouverture. En d’autres termes, ce ne sont pas les apparences qui comptent, mais la réelle volonté de changement. C’est la seule façon pour la Syrie d’obtenir du Liban ces relations privilégiées auxquelles elle tient tant. Des relations de respect privilégiées, des relations privilégiées de dignité et d’estime réciproque. Ce qu’elle n’obtiendra jamais ni par la coercition ni par la ruse, la Syrie l’obtiendra alors par la paix. Fady NOUN
Il est normal qu’entre l’état des institutions en Syrie et leur état au Liban, il y ait une différence due aux évolutions historiques récentes des deux pays, au cours des dernières décennies. Et en particulier au fait que, depuis 1975, on a tout fait pour démanteler les institutions d’abord et, à partir de 1990, date à laquelle le pays a, nominalement, été unifié,...