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Actualités - OPINION

Spot - Un mélange de dureté et de souplesse Damas campe sur des positions qui se veulent subtilement négociatoires

L’effet d’annonce. Cela peut prendre la forme, mon colonel, d’un baroud d’honneur. Il est bon de remettre les choses à leur place. De bien situer le contexte des récentes déclarations d’Assad. Pour relever d’abord qu’elles s’adressaient à une délégation du Parti communiste syrien. Qu’elles étaient donc destinées, avant tout, à la consommation intérieure. Comme le prouve ce serment final : « La Syrie est sûre d’elle, car elle s’appuie sur son peuple. » Pour le peu qu’il en connaît. Mais, à bien y regarder, où est le défi, où est la confrontation ? Dans cette petite phrase : face à des « pressions sans limites », la Syrie « ne fera pas machine arrière. » Le chef de l’État syrien situe cependant cette continuité de ligne dans un cadre régional global. En soulignant que c’est toute la contrée, et non pas son seul pays, qui traverse « une période encore plus dangereuse que celle marquée par l’accord Sykes-Picot ». Il fait donc, clairement, allusion au plan Bush-Powell de remodelage du Moyen-Orient. De fond en comble ? Là aussi, il faut se méfier des exagérations. En effet Washington a toujours précisé qu’il n’est pas question de balayer les régimes en place, mais de les amener à se démocratiser, pour ne pas dire à se civiliser un tantinet. Or sur ce point théorique, comme d’ailleurs sur le terrain, la Syrie ne cesse de répéter qu’elle est pour l’ouverture, le dialogue, tout comme elle est la première à réclamer la reprise des pourparlers avec l’ennemi juré, Israël. Il est certes exact que les élans de réforme de la jeune nouvelle direction syrienne ont été réfrénés, entravés. D’où la prorogation venant contrer le fameux slogan de la libanisation lancé peu auparavant. Mais même la vieille garde butée sur une ligne de dureté (tactique et verbale, on ne le sait que trop) se proclame pacifiste. Pour la bonne raison qu’étant de souche généralement militaire, elle est bien placée pour savoir où en sont les rapports de force sur le terrain. Mais alors, pourquoi se braquer sur la fiction de la protection du flanc pour justifier le rejet d’un retrait total du Liban, au profit d’un repli sur la Békaa ? Parce qu’il est capital, tout comme Anjar est la deuxième vraie capitale de ce pays, de préserver une présence physique, si on ne veut pas tout perdre ici sur le plan politique. Et financier. Le problème, plus d’un l’a noté plus d’une fois, c’est que l’analyse, l’approche syrienne ne collent plus aux réalités ambiantes. Sur le plan extérieur, Damas tarde à comprendre le message-ultimatum que constitue, par elle-même, l’implantation à Beyrouth d’une paire de vecteurs diplomatiques durs, comme Feltman et Émié. Qui rivalisent de coups de semonce et de sévères leçons administrées aux décideurs locaux aussi bien que voisins. Face aux États-Unis et à la France, qui font preuve d’une détermination agressive, Damas louvoie pour gagner du temps. Combat apparemment inégal. Mais qui ne paraît pas tout à fait insensé. Dans la mesure où la Syrie tente de se gagner enfin l’indispensable soutien du vrai Liban. Les signes de l’approche sont évidents : dans une rare démarche, le tuteur de Anjar se déplace à Beyrouth. Pour relancer Hariri, dont Damas s’est toujours ouvertement méfié. Afin, sans doute, d’arranger un peu les choses avec Joumblatt. Que Hariri a vu tout de suite après. Et dont la récupération, même limitée, constituerait un atout de poids pour les prochaines législatives, et le maintien du contrôle de la majorité parlementaire. La Syrie fait encore mieux : elle désigne en Moallem, le civil, le diplomate, un deuxième officier traitant, plus présentable sur un plan officiel juridique aux yeux de la communauté internationale. Dans le même esprit, Damas désavoue presque ostensiblement les tenants ( dont Karamé) du slogan qui veut faire des élections, comme naguère la fausse manif dite du million, un plébiscite contre la 1559. Cette condamnation, rapportée en chœur par les hérauts ordinaires des décideurs, est justifiée, selon ces sources, par la nécessité de ne pas jeter de l’huile sur le feu. D’unir les Libanais plutôt que de les diviser. Un indice de plus de la politique d’aggiornamento cherchant à se gagner l’opinion de ce pays. Il reste que ce n’est ni avec ni contre les Libanais que la Syrie joue cette partie, cruciale pour elle. En se trouvant confrontée à cet étrange dilemme : ou se retirer, pour gagner du temps, en laissant le fax ouvert ; ou rester, pour gagner encore plus de temps en se gagnant derechef le Parlement. Au risque de tout perdre brusquement. Peut-être même brutalement, car l’adversaire, doublé de l’ennemi, est doublement aux portes. Jean ISSA

L’effet d’annonce. Cela peut prendre la forme, mon colonel, d’un baroud d’honneur. Il est bon de remettre les choses à leur place. De bien situer le contexte des récentes déclarations d’Assad. Pour relever d’abord qu’elles s’adressaient à une délégation du Parti communiste syrien. Qu’elles étaient donc destinées, avant tout, à la consommation intérieure. Comme le...