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Actualités - OPINION

L’ÉDITORIAL de Issa GORAIEB Beyrouth, pas Anjar

Les Syriens s’essaieraient-ils à une manière nouvelle de faire avec les Libanais ou, pour le moins, de parler avec eux ? C’est ce que porte à espérer la visite impromptue effectuée lundi à Beyrouth par M. Walid al-Moallem, et qui devrait être suivie de beaucoup d’autres. Auteur d’ouvrages politiques et d’histoire, diplomate chevronné, M. Moallem passe pour être un des hauts fonctionnaires syriens les plus estimés à l’étranger. Ambassadeur à Londres puis à Washington, il a pris part aux négociations de paix syro-israéliennes parrainées par les États-Unis ; rappelé à Damas après l’échec du sommet syro-américain de Genève, il vient d’être tiré d’une obscure occupation administrative (il était l’un des adjoints du ministre Farouk el-Chareh) pour se voir confier une mission précise au Liban : fraîchement nanti, pour l’occasion, du titre de vice-ministre. Officiellement, la tâche d’al-Moallem va consister à assurer une parfaite coordination diplomatique entre les deux pays, face notamment à cette résolution 1559 de l’Onu que dénoncent régulièrement, à l’unisson, les présidents syrien et libanais. M. Moallem ne risque certes pas le surmenage : depuis longtemps en effet, l’alignement total de Beyrouth sur les positions syriennes va de soi, et on ne voit pas trop bien comment pourrait être améliorée la performance. Voilà pourquoi il n’est pas impossible que l’ambassadeur emploie utilement son temps en s’attaquant à d’autres questions d’intérêt commun : la plus pressante de celles-ci étant, comme on sait, une redéfinition des rapports libano-syriens sur des bases enfin dignes et saines. Tout au long des dernières décennies, la gestion au quotidien des affaires libanaises a été le lot de divers officiers traitants syriens, civils ou militaires. Parmi les premiers, s’illustra le vice-président Abdel-Halim Khaddam, dont nul n’est près d’oublier certaines rudesses verbales qui ne contribuèrent guère d’ailleurs à la popularité de la pax syriana. Plus silencieux mais non moins agissants, ce sont paradoxalement des généraux qui ont pris le relais, une fois finie la guerre. Là où il y a des troupes, il y a naturellement des généraux ; et notamment des officiers des renseignements, veillant à dépister puis à neutraliser toute menace potentielle contre ces troupes. Lesquelles troupes, à leur tour, sont théoriquement là pour court-circuiter tout mouvement enveloppant de l’armée israélienne qui, parti du Liban-Sud et passant par la plaine de la Békaa, viserait Damas : cela alors que la capitale syrienne demeure invariablement à un jet de pierre du front remarquablement froid du Golan… Mais laissons pour le moment ce genre de considérations aux stratèges professionnels. Ce qui reste totalement incompréhensible, et là réside actuellement le problème, c’est l’insistance du pouvoir syrien à faire de ces militaires très spécialisés le vecteur notoire, déclaré, public, officiel de ses desseins, alors qu’étaient disponibles une multitude d’autres canaux (dont le Conseil supérieur libano-syrien) ménageant davantage les susceptibilités nationales. C’est son obstination à se flanquer ostensiblement de gouverneurs militaires, comme cela ne se pratique qu’en territoire conquis : à privilégier, en un mot, les proconsuls sur les diplomates. L’entrée en scène de l’affable al-Moallem ne sonne évidemment pas l’heure de la retraite pour les galonnés installés à Anjar : la veille même, d’ailleurs, le général Rustom Ghazalé rencontrait l’ancien Premier ministre Hariri pour la première fois depuis la reconduction controversée du mandat Lahoud. Mais peut-être s’est-on rendu compte enfin, à Damas, de la nécessité d’une approche nouvelle, plus souple, plus respectueuse des formes, de la question libanaise. Voilà pourquoi il faut souhaiter que l’ambassadeur al-Moallem revienne très souvent, qu’il y rencontre beaucoup de monde, qu’il le fasse au grand jour à l’instar des ambassadeurs en poste à Beyrouth, qu’il écoute attentivement, qu’il transmette fidèlement. Puisse-t-il se plaire dans notre capitale, y élire résidence et même un jour – et pourquoi pas – chancellerie. C’est ce que veut la logique des nations, c’est ce que commande l’air du temps. Sans parler des économies d’essence que l’on ferait faire à tous les fervents, les frémissants pèlerins d’Anjar.

Les Syriens s’essaieraient-ils à une manière nouvelle de faire avec les Libanais ou, pour le moins, de parler avec eux ? C’est ce que porte à espérer la visite impromptue effectuée lundi à Beyrouth par M. Walid al-Moallem, et qui devrait être suivie de beaucoup d’autres.
Auteur d’ouvrages politiques et d’histoire, diplomate chevronné, M. Moallem passe pour être un des hauts...