Rechercher
Rechercher

Actualités

ÉCLaIRAGE - Les têtes d’affiche sunnites de plus en plus critiques à l’encontre du cabinet Karamé Au-delà de KC, la solidarité maximale conseillée par Sfeir devrait interpeller l’ensemble de l’opposition

C’est une tache d’huile qui s’étend, une anti-peau de chagrin qui s’élargit ; ce pourrait être l’effet boule de neige. De plus en plus, l’opposition – au sens large et républicain du terme : c’est-à-dire l’opposition à l’Exécutif en place, pas nécessairement couplée à la bataille contre la tutelle syrienne – prend du poids, multiplie les engagements volontaires, élargit l’éventail de ses couleurs, gagne en étoffe, en représentativité, en profondeur. Aujourd’hui, il y a « comme un sentiment de fin de règne » partagé par l’ensemble des Libanais, avait dit Samir Frangié à L’Orient-Le Jour, en singularisant la communauté chiite. Ce constat est prouvé, de jour en jour. Les chrétiens d’abord, qui ont été les premiers à se mettre dans les starting-blocks et à refuser le fait accompli, les diktats de Damas et les gouvernements nés par fax, se sont retrouvés hier à Kornet Chehwane, bien évidemment sans le courant aouniste, qui ne fait pas partie du rassemblement. Les membres de KC – et tous les autres piliers de l’opposition, d’ailleurs – ont pu entendre, en début de réunion, l’essentiel message du patriarche maronite qui leur a demandé, pour les jours, les semaines, les mois et sans doute les années à venir, de faire preuve d’une « solidarité maximale », évidemment souhaitée par la totalité des sympathisants de l’opposition. Puisque le pouvoir n’attend que cela : des failles, des fissures dans la cohésion au sein de l’opposition. Puisque sans cette condition sine qua non, tout avorterait, rien ne pourrait être fait ; pire encore, tous les efforts, toute la sueur dépensée depuis des mois n’auraient servi à strictement rien. Les membres de KC (qui ont décidé d’augmenter le nombre de leurs réunions) se sont ensuite longuement penchés sur le « comment réagir » une fois que sera rendue publique la nouvelle loi électorale, « qui sera certainement taillée sur mesure en faveur des gens du pouvoir », selon Samir Frangié. Il serait d’ailleurs fortement souhaité, et souhaitable, que l’opposition ne soit pas prise de court au moment où Omar Karamé annoncera aux Libanais les contours de la future loi. « Nous devrons mener une vraie bataille, prendre des mesures fortes, aligner les initiatives parlementaires, décupler les actions en direction des ONG, des associations de droits de l’homme, nous devrons médiatiser à outrance », souligne Samir Frangié, interrogé hier par L’Orient-Le Jour. Et une ukrainisation du Liban ? « Je ne suis pas pour la désobéissance civile, elle serait éventuellement l’ultime recours. Mais il va falloir faire bouger les gens, réellement. » Une volonté à laquelle a fait écho le porte-parole de KC, Samir Abdel-Malak, qui a indiqué qu’il faudra appeler l’ensemble des Libanais à participer à la bataille en faveur de la souveraineté. Les druzes ensuite, dont la très grande majorité est joumblattiste, font corps derrière le chef du PSP, qui a été le premier à véritablement déconfessionnaliser et booster l’opposition, et à amplifier les demandes de rééquilibrage des relations libano-syriennes. Aujourd’hui, Walid Joumblatt propose à la Syrie une solution « à mi-chemin entre la 1559 et la débâcle : l’application de Taëf et le démantèlement de Anjar ». Il va même plus loin, en soulignant que le Liban est désormais « le seul État satellite au monde », que « même au sein de l’ex-pacte de Varsovie, il y avait des ambassadeurs ». Puis les sunnites. Désormais libérés psychologiquement par la présence hors du pouvoir de celui qui les en a certes exclus, mais qui a donné à leur communauté un évident panache : Rafic Hariri, sur lequel le pouvoir et son tuteur se sont acharnés au cours des derniers mois. Hier, Tammam Salam a dénoncé le manque de crédibilité du gouvernement Karamé, estimant que seule une loi électorale juste et saine pourrait compenser ce manque. Hier également, l’ancien ministre Négib Mikati, rival de longue date du Premier ministre à Tripoli, a déploré « l’atmosphère politique malsaine dans laquelle baigne le Liban », condamnant « le style de réponse du gouvernement, et notamment de son chef, aux critiques qui lui sont adressées » ; un style qui « contribue au maintien de la tension au lieu d’assurer un apaisement », a estimé celui qui avait été le premier, en juillet 2000, à appeler à un rééquilibrage des relations libano-syriennes. Sans oublier l’essentiel : le 30 décembre dernier, l’ancien n° 3 de l’État, Sélim Hoss, lançait une sorte de bombe nucléaire politique en appelant « au redéploiement des forces syriennes dans la Békaa » et « à l’arrêt des ingérences des SR militaires de Damas dans les affaires libanaises ». Certes, les motivations des uns et des autres de cette communauté sunnite ne peuvent évidemment pas être abstraites du contexte éminemment préélectoral. Sauf qu’en venant joindre leur nom à ceux de Misbah Ahdab et de Assem Salam, entre autres, ces trois figures plus ou moins importantes de la vie politique locale ont toutes quelque chose en commun. Elles ne veulent pas se retrouver complètement débordées, maintenant qu’elles voient et entendent le train en marche, et laisser au toujours imposant Rafic Hariri le champ libre et la récolte des lauriers. Sans oublier le malaise rampant de la communauté sunnite, tant à l’égard de son poids sur l’échiquier politique local qu’en ce qui concerne la gestion syrienne du Liban. Reste enfin la communauté chiite qui, toujours selon Samir Frangié, « voudrait bien, mais ne peut point ». Du moins pas pour l’instant. Même s’il y a un débat interne, même si quelques intellectuels (se) posent des questions, même si le Hezbollah a donné quelques petits signaux lors de la désormais fameuse mascarade du million. Quoi qu’il en soit, il reste une double urgence. Celle de voir, d’ici jusqu’aux jours d’élection, un maximum de bonnes volontés et de bonne foi se retrouver autour du document du Bristol. Pour l’améliorer, le faire se bonifier et le transformer en une base de réflexion destinée à accompagner les temps postélectoraux, en un terreau fertile pour l’éclosion d’un indispensable pouvoir de substitution. Celle de voir, aussi, surtout, le conseil paternel du patriarche Sfeir sacralisé pas seulement par KC, mais par chacune des fractions de cette opposition destinée, si elle sait le faire, à jouer un rôle prépondérant, sans doute historique : la solidarité. Ziyad MAKHOUL
C’est une tache d’huile qui s’étend, une anti-peau de chagrin qui s’élargit ; ce pourrait être l’effet boule de neige. De plus en plus, l’opposition – au sens large et républicain du terme : c’est-à-dire l’opposition à l’Exécutif en place, pas nécessairement couplée à la bataille contre la tutelle syrienne – prend du poids, multiplie les engagements volontaires,...