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Actualités - OPINION

Billets doux

D’aucuns regretteront peut-être l’heureux temps où ils pouvaient reprocher aux ambassadeurs occidentaux de trop parler ; et de parler trop librement devant les nuées de journalistes qu’attire chacun de leurs déplacements, se rendant coupables ainsi d’ingérences dans les affaires intérieures d’un pays qui ne tolère d’autres ingérences que les syriennes. Depuis hier, ceux-là devraient s’être rendu compte qu’il y a plus percutant encore, plus solennellement implacable aussi que les propos publics de diplomates harcelés de questions : ce sont les froids communiqués d’ambassade. Ainsi en est-il du bref texte rendant compte de l’entretien d’hier entre l’ambassadeur américain Jeffrey Feltman et le président de la République, et qui survenait au lendemain de la mission effectuée à Damas par deux hauts fonctionnaires du département d’État. En quatorze lignes très exactement, ce communiqué énumère avec plus de netteté que jamais les exigences américaines, telles qu’elles ont été signifiées à Damas et à Beyrouth : application intégrale de la résolution 1559 de l’Onu, retrait pacifique des troupes syriennes – sans surtout oublier les tristement célèbres moukhabarate – et législatives crédibles et libres de toute ingérence étrangère, de toute intimidation, de tout chantage à la violence. Ce que renferme de nouveau ce communiqué par rapport à des positions bien connues, c’est le double souci d’une loi électorale crédible et d’un retrait militaire syrien qui, pour être intégral, devra être opéré dans l’ordre et le calme. Pour le pouvoir local et son tuteur syrien, l’échéance électorale de juin prochain représente un insoluble casse-tête, un dilemme existentiel pourrait-on dire. Car se conformer au cahier des charges US, ce serait s’attirer une mention favorable sans doute, mais risquer de perdre une majorité parlementaire qui a docilement couvert, jusqu’à ce jour, la tutelle de Damas. Et recourir une fois de plus à ces recettes éculées que sont les découpages arbitraires et la fraude aux listes d’électeurs, ce serait charger encore plus un dossier déjà bien accablant comme cela. Face à une opposition qui prend régulièrement du poids et du volume, qui s’enhardit chaque jour un peu plus, on a pu observer ces derniers jours d’intéressants signaux en provenance – directe ou non – de Damas : on fait miroiter une libération de Samir Geagea, on courtise frénétiquement le général exilé Michel Aoun, on promet justice pour tous dans le puéril espoir de disperser les rangs adverses ; après avoir longtemps fait la sourde oreille aux revendications de l’opposition chrétienne puis du leader druze Joumblatt, le président Bachar el-Assad, contre toute attente, réserve bon accueil aux suppliques des présidents Husseini et Hoss demandant rien moins que le retrait des troupes et l’arrêt des ingérences occultes. Qu’il y ait dans tout cela (comme dans l’annonce officieuse de prochains « redéploiements » militaires) une bonne part de manœuvre est probable ; mais il n’en demeure pas moins que la Syrie, pour la première fois, paraît avoir mesuré à sa juste valeur le sérieux, la gravité de cette résolution 1559 hier encore considérée avec dérision, de même que la détermination de ses coauteurs américain et français. Plus cruciale encore que celle du scrutin législatif promet d’être celle de la programmation d’un retrait syrien du Liban. En insistant pour la première fois,comme ils l’ont fait hier, sur la nécessité d’un départ sans secousses ni nuisances, les États-Unis ont entrepris en réalité de désamorcer à l’avance une redoutable bombe à retardement : même s’ils en ont les moyens, les Syriens ne seront pas autorisés à laisser le chaos derrière eux ; et eux partis, les Libanais ne vont pas s’entretuer, contrairement à une tenace propagande. Il était grand temps que quelqu’un – Américain, Bantou ou Martien – se décide enfin à nous le promettre. Issa GORAIEB
D’aucuns regretteront peut-être l’heureux temps où ils pouvaient reprocher aux ambassadeurs occidentaux de trop parler ; et de parler trop librement devant les nuées de journalistes qu’attire chacun de leurs déplacements, se rendant coupables ainsi d’ingérences dans les affaires intérieures d’un pays qui ne tolère d’autres ingérences que les syriennes. Depuis hier, ceux-là...