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Actualités - OPINION

Bravo Siniora ?

Qu’il ait agi seul ou en accord avec son groupe politique, le ministre Fouad Siniora a volontairement jeté un pavé dans la mare politicienne à travers la présentation de son projet de budget pour 2005. En s’attaquant à des chasses gardées, aux principales sources du clientélisme organisé sur le dos des contribuables, c’est le cœur du système économique de l’après-guerre qui est visé. Ce faisant, le ministre des Finances se présente comme le parangon de la réforme, celui qui ose enfin s’attaquer à des tabous. Fouad Siniora est-il ce héros révolutionnaire que le Liban attend dont le courage sera encore plus applaudi si le projet est enterré à cause de la persistance probable des « dissensions politiques » ? De toute évidence, les caisses de l’État sont vides. En bon comptable des deniers publics, Fouad Siniora a dit qu’il était vital de colmater les brèches, de mettre un terme aux fuites qui ont épuisé le Trésor. Deux milliards de dollars dépensés en dix ans par la Caisse du Sud et par la Caisse des déplacés, des salaires et des traitements notoirement injustes dont bénéficient des privilégiés, le gouffre de l’Électricité du Liban, etc. Tout le monde est d’accord (à part les gens concernés probablement) pour que cesse la gabegie. Bravo. Mais pourquoi combattre certaines positions de rente et pas d’autres ? Pourquoi, en particulier, considérer toujours que la priorité reste d’assurer le service de la dette, ce qui revient à demander des sacrifices à une seule catégorie de gens et pas à d’autres ? Pourquoi supprimer certaines subventions et continuer d’ignorer les subventions déguisées dont bénéficient des pans entiers de l’économie, non fiscalisés ou défiscalisés? Le ministre des Finances a osé lancer à travers le projet de budget pour 2005 des chantiers qui portent sur la révision du champ d’action de l’État et le renforcement de son efficience. Cela passe par des mesures nécessaires, même si elles heurtent des intérêts particuliers, comme l’allongement des horaires de travail dans la fonction publique, la corporatisation de certaines entreprises publiques, etc. D’autres propositions, comme la suppression du cadre de la fonction publique – appelé à être remplacé par des relations contractuelles, sont plus discutables : pourquoi jeter le bébé avec l’eau du bain ? La « révolution » ne consisterait-elle pas à remettre l’Administration sur les rails, à s’attaquer enfin à la construction d’un État de droit ? Le ministre des Finances a-t-il simplement envisagé cette possibilité ? Ou bien a-t-il renoncé à l’avance, prenant acte de l’absence de consensus politique ? Tout le problème est justement là. Et Fouad Siniora, pas davantage que quelque responsable politique que ce soit, ne s’est attaqué à la vraie réforme économique et financière dont a besoin le pays, celle qui le sortira du problème de l’endettement et le remettra sur le chemin de la croissance. Car s’il est vrai que le « gaspillage institutionnalisé des deniers publics » représente des sommes colossales, elles ne sont rien à côté du service de la dette. Or la logique préconisée par le ministre des Finances reste celle de la « gestion » de la dette qui doit, certes, être améliorée selon lui. La gravité de la situation exige davantage d’ambition. La Banque mondiale (à travers son dernier rapport notamment) a averti plusieurs fois la classe politique libanaise : la dette est devenue insoutenable ; la solution existe, mais elle a un coût ; la répartition de ce coût nécessite un consensus national. Malheureusement le consensus consiste aujourd’hui à ne pas bouger. La définition d’un plan global pour le pays reste à faire. Sibylle RIZK
Qu’il ait agi seul ou en accord avec son groupe politique, le ministre Fouad Siniora a volontairement jeté un pavé dans la mare politicienne à travers la présentation de son projet de budget pour 2005. En s’attaquant à des chasses gardées, aux principales sources du clientélisme organisé sur le dos des contribuables, c’est le cœur du système économique de l’après-guerre qui...