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Actualités - OPINION

TRIBUNE La crise du textile libanais

Par Fouad KHOURY-HÉLOU L’industrie textile libanaise a fait récemment la une de l’actualité. Elle a perdu plus de la moitié de ses effectifs depuis 1999 et est âprement concurrencée sur son marché local par les importations. On avance généralement deux raisons essentielles à cette crise : le coût élevé de fabrication (main-d’œuvre, électricité, taux d’intérêt, impôts, etc.) et l’absence de soutien de l’État (droits de douane inadaptés). Ces deux raisons sont insuffisantes. C’est avant tout le mode d’organisation propre au secteur privé qui détermine le succès ou l’échec. Prenons pour exemple trois pays relativement proches de nous : l’Italie, pays où le coût de production est élevé, détient une part considérable des exportations mondiales de textile (autour de 8-9%), et cette part est stable depuis 1990 malgré l’irruption de l’Asie. Ce succès est dû à la créativité ainsi qu’à la rapidité, la réactivité et la complémentarité entre les milliers d’entreprises familiales italiennes qui coordonnent entre elles et couvrent toute la chaîne de fabrication. L’Italie offre la mode et la qualité avant les autres. L’Espagne a augmenté sa part de marché mondiale grâce au succès des grandes chaînes (Zara, Mango), qui intègrent tout depuis la fabrication (concentrée souvent en Espagne même) jusqu’au réseau de ventes, ce qui leur permet une réactivité forte ainsi qu’une réduction des coûts. Enfin, la Tunisie s’est spécialisée dans la sous-traitance à l’exportation vers l’Europe. Les acheteurs font généralement face à un interlocuteur tunisien de taille importante et crédible : soit une grande usine, soit un conglomérat avec une centrale d’achat reliée à son réseau de sous-traitants. On a donc un effet de taille et d’efficacité dans l’organisation, et les faibles coûts de production en Tunisie ne sont qu’un élément de plus. Il y a donc des « recettes » expliquant le succès de ces pays. Pourtant, le Liban n’en applique aucune : faible taille des entreprises, peu de capital, faible place à la créativité et peu de synergies, puisque ces entreprises ne s’échangent rien entre elles, elles importent la plupart de leurs matières. Aucun avantage comparatif, ni en coût, ni en rapidité d’exécution, ni en qualité, ni en créativité-mode. Historiquement, notre industrie textile n’est pas orientée vers les exportations, c’est une industrie de substitution aux importations, modèle qui a échoué dans beaucoup de pays en développement. Au lieu de s’orienter vers les marchés riches, elle vend aujourd’hui surtout au Liban et sur certains marchés arabes, souvent de petite taille et laminés par les importations. Il faut réorienter notre industrie textile à l’exportation vers les pays développés, sinon elle va péricliter. L’État peut notamment libérer les importations de matières premières textiles de toute taxe et TVA et donner des avantages fiscaux, favoriser le crédit au textile, faciliter les formalités d’exportation et promouvoir celles-ci dans des pays cibles, en profitant des accords d’échange et d’association. Mais l’action de l’État ne suffira pas. La solution est entre les mains du privé. Il doit réagir et réinvestir, et imiter un des modèles qui connaissent le succès à l’étranger. Les recettes sont connues, il faut les appliquer. C’est un choix de mentalité: les Libanais veulent-ils réellement une industrie ?
Par Fouad KHOURY-HÉLOU

L’industrie textile libanaise a fait récemment la une de l’actualité. Elle a perdu plus de la moitié de ses effectifs depuis 1999 et est âprement concurrencée sur son marché local par les importations. On avance généralement deux raisons essentielles à cette crise : le coût élevé de fabrication (main-d’œuvre, électricité, taux d’intérêt,...