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PÈLERINAGE - Richard Bois : un autre monde est possible Un chrétien, un musulman et un juif entament une marche de 8000 km pour la paix(PHOTOS)

Au départ, à Jérusalem, ils étaient trois : un chrétien, un musulman et un juif, désireux de faire le pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle, en Espagne, pour montrer qu’au-delà des diverses appartenances, on peut vivre ensemble. Mais à chaque étape, ils deviennent des dizaines, et même plus, tant leur aventure suscite l’enthousiasme des jeunes de la région et leur permet de rêver à un monde meilleur. Richard Bois, qui est à l’origine de l’initiative, ne cache pas son bonheur. Ce qui aurait pu n’être qu’une idée un peu folle est en train de se transformer en un véritable projet, porteur d’un message universel: lorsqu’on veut être ensemble, on le peut. Et ce ne sont pas les trois jeunes Libanais qui pilotent les pèlerins dans leur escale au pays du Cèdre, qui les contrediraient.

À 53 ans, Richard Bois a le visage buriné de l’homme habitué au grand air et un sourire qui s’étend jusqu’aux yeux. En septembre 2000, il avait accompli le pèlerinage de Toulouse à Saint-Jacques de Compostelle (1200 km) et depuis, ses jambes le démangeaient, il avait envie de tenter la grande aventure, un pèlerinage encore plus symbolique, pour transmettre un message plus fort, plus général. Il a maême songé à partir de La Mecque, en passant par Jérusalem, toujours pour arriver à Saint-Jacques. Mais il a finalement renoncé à cette idée, un non-musulman n’ayant pas le droit de se rendre à la ville sainte de l’islam. Mais il n’était pas question de renoncer au projet tout entier. Finalement, il a choisi un itinéraire qui commence à Jérusalem et passe par les territoires palestiniens, la Jordanie, la Syrie, le Liban, la Turquie, la Grèce, l’Italie, la France pour aboutir en Espagne. Il a aussitôt entrepris des contacts avec les ambassades des pays figurant sur l’itinéraire et, partout, il a reçu des encouragements pour mener à bien son projet. Il ne lui restait plus qu’à trouver ses compagnons de voyage, puisqu’il voulait partir avec un musulman et un juif, pour le symbole et le désir de montrer, qu’ensemble, tout est possible.

À la gare de Toulouse,
le destin frappe
En août 2001, alors qu’il attend des amis, à la gare routière de Toulouse, de retour du pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques, il rencontre Mahdi, qui venait lui aussi d’achever le même pèlerinage. Il était près de 4h du matin et les deux hommes n’avaient pas les idées très claires, mais le courant est passé et Richard croit au destin. Mahdi qui vit dans une ville à l’est de la France (Fameck) avait besoin d’un peu de temps pour quitter son boulot, mettre au point ses affaires, avant de partir pour un voyage de deux ans. « J’ai tout donné, dit-il. Je n’ai gardé que ma voiture et quelques instruments, avant de prendre un congé non payé. » Mahdi parle peu et se qualifie de musulman non pratiquant. Il explique toutefois que, pour lui, le pèlerinage de Toulouse à Saint-Jacques de Compostelle répondait à une quête spirituelle. « Finalement, ajoute-t-il, on se pose les mêmes questions dans toutes les religions et l’aventure me tentait, étant curieux de nature. »
Hélas, le juif initialement prévu dans le voyage fait une phlébite. Il fallait en trouver un autre de toute urgence.
Encouragés par les réactions des ambassades et par leur principal sponsor, « The North Face » (une société spécialisée dans la fabrication des équipements de randonnée) et par le Conseil régional de Toulouse, ainsi que l’association « Paix sans frontières », qui ont donné de petites sommes en guise de coopération au projet, Richard et Mahdi décident de partir pour Tel-Aviv et essaient de trouver sur place un troisième compagnon. Ils arrivent donc à Jérusalem le 4 octobre, et ce n’est que trois jours avant leur départ, alors qu’ils avaient presque renoncé à l’idée, qu’ils rencontrent leur troisième compagnon, Johan. Une fois de plus, le destin est intervenu. Mais Johan, ayant besoin d’un peu de temps pour arranger ses affaires, préfère les rejoindre en Turquie. C’est du moins la version donnée par Richard, qui dément en tout cas les rumeurs sur un refus des autorités des pays arabes, libanaises en particulier, de lui accorder un visa.
Richard et Mahdi rencontrent à Jérusalem, à Bethléem, à Jénine, à Naplouse, à Amman, à Damas et dans toutes les villes et villages traversés des écoliers et des universitaires, donnent des conférences et participent à des débats pour échanger des idées avec les jeunes. Partout, ils rencontrent le même enthousiasme, la même curiosité et, partout, les jeunes leur disent qu’ils souhaitent les rejoindre à une de leurs étapes, pour poursuivre le chemin avec eux.
Ainsi, au fil des rencontres, le pèlerinage devient une marche de la paix. Ce qui est loin de déplaire à Richard: « Le projet ne nous appartient plus, dit-il. Il est désormais à tous ceux que nous rencontrons. Chacun y met ce qu’il souhaite, sa propre interprétation. Pour nous, c’est le mot “ ensemble ” qui compte. Notre souhait, c’est de favoriser l’échange. » D’ailleurs, en France, plus de 20 lycées suivent cette marche grâce à un site Internet, et un forum de discussions a été créé pour leur permettre de discuter avec les écoliers des pays traversés.

Provoquer un réveil
des jeunes
Depuis le 4 octobre, les deux hommes ont passé deux nuits à la belle étoile et deux autres à l’hôtel. Le reste du temps, ils ont été accueillis par les habitants et c’est ce contact-là, avec les gens, qu’ils trouvent magnifique.
Partout, ils font des rencontres qui leur réchauffent le cœur. Arrivés au Liban le 4 décembre, leur contact prévu à Beyrouth ne répond pas au téléphone. Il pleut et ils avancent péniblement sur la route de Jamhour. C’est alors qu’un jeune homme, Émile Issa, les aperçoit, reconnaissant l’insigne des pèlerins. Intéressé, il veut les approcher, mais les caprices de la circulation les lui font perdre de vue. Il s’engage à contresens, tourne et finalement les retrouve à un détour de la route. Une fois de plus, le destin frappe. Émile, étudiant en droit à l’USJ, les emmène chez sa grand-tante, supérieure du foyer Saint-Vincent-de-Paul, qui leur donne le gîte. Pour le reste, avec ses amis, Julien Cordahi et Marwan Maalouf, il s’en charge : organiser des rencontres avec les jeunes, rencontrer des cheikhs et des prêtres; bref, établir un maximum de contacts pour faire passer le message le mieux possible. Les trois jeunes étudiants et les deux routards deviennent inséparables, et les Libanais planifient déjà de les rejoindre en Italie, selon le calendrier de leurs études. Mieux encore, ils projettent d’organiser leur propre marche et les deux pèlerins ont promis de les rejoindre dans l’une des étapes.
Pour Émile, il s’agit de provoquer un réveil des étudiants, en leur donnant un exemple concret et en les aidant à surmonter le passé, pour se tourner vers des projets d’avenir. Marwan, qui est membre de l’association « Offre-Joie », voit dans cette marche un complément à l’action de son association, qui mise sur l’amour, le pardon, la fraternité. Julien, lui aussi, estime que cette marche véhicule les mêmes idéaux de coexistence et de paix auxquels il aspire. « J’aimerais beaucoup aller avec eux. Cela doit être une expérience fabuleuse, une manière de concrétiser nos rêves et de pousser nos limites le plus loin possible. »
Pour l’instant, les jeunes Libanais doivent se contenter d’écouter, afin de profiter au maximum de la présence des deux pèlerins. Quant à Richard et à Mahdi, ils écoutent aussi, partagent et échangent. Leurs conclusions, ils les réservent à un livre qu’ils écriront à la fin de leur randonnée, et ils affirment que rien ne pourra les faire taire. Mais pour l’instant, la seule impression que Richard accepte de révéler est la suivante : « Il me semble, au fil des pays traversés, que le monde serait bien meilleur sans les politiciens. » Mahdi n’est pas tout à fait d’accord, mais étant le plus jeune, il laisse la parole à son aîné, tout heureux de découvrir, dans ces régions, un islam beaucoup moins strict et contraignant qu’il ne s’y attendait. Et si finalement, c’était l’homme qui façonnait la religion à son image et non le contraire ?

Scarlett HADDAD

L’adresse du site Internet : saintsernin.serve http.com/marche/
Au départ, à Jérusalem, ils étaient trois : un chrétien, un musulman et un juif, désireux de faire le pèlerinage jusqu’à Saint-Jacques de Compostelle, en Espagne, pour montrer qu’au-delà des diverses appartenances, on peut vivre ensemble. Mais à chaque étape, ils deviennent des dizaines, et même plus, tant leur aventure suscite l’enthousiasme des jeunes de la région...