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DÉBAT - Au second jour du congrès de la pensée arabe, une rencontre avec le président du Conseil Hariri : L’argent n’est pas tout, mais c’est l’huile qui fait tourner le moteur

Le premier débat ouvert du congrès de la pensée arabe s’est tenu hier à l’hôtel Phoenicia avec le président du Conseil. En principe, M. Rafic Hariri devait laisser la parole aux jeunes ; mais sur une dizaine de questions, une seule a été posée par une jeune fille, et elle exprimait peut-être le mieux l’impatience des jeunes du monde arabe. « Combien devrons-nous encore attendre pour que les responsables arabes parviennent à gagner la confiance de leurs citoyens ? » a-t-elle demandé, un peu émue, mais la voix forte. Et M. Hariri s’est empressé de répondre qu’il faut cesser d’être pessimiste. « Il n’y a pas de “quick political solution” », a-t-il dit. Et ce n’est pas parce que le changement a été demandé que la décision doit être exécutée. L’essentiel est d’avancer en permanence. »
Parfaitement à l’aise, se déplaçant le micro à la main, tout en répondant aux questions, le président du Conseil semblait inspiré de bonnes intentions, prêt à écouter toutes les questions des personnes qui avaient inscrit leurs noms à l’avance. De plus, lorsque le meneur du débat a demandé à l’assistance de limiter ses questions aux thèmes arabes sans évoquer les problèmes internes, M. Hariri, voyant le mécontentement des personnes présentes, a déclaré : « Posez toutes les questions que vous voulez et je répondrai comme je l’entends. »

Toute la région subit
un assaut sans précédent
Présenté par l’émir Khaled el-Fayçal, fondateur de l’Association de la pensée arabe, le Premier ministre a entamé la rencontre par un discours d’une dizaine de minutes, axé sur l’importance de l’économie, « qui reste la meilleure voie pour le développement ». « Les circonstances sont certes exceptionnelles, il existe une nette tendance à isoler les Arabes et les musulmans, mais, aujourd’hui, nous agissons tous comme une équipe unie. Il n’y a plus de lutte entre opposants et loyalistes, mais entre ceux qui veulent le changement venu de l’extérieur et les autres. »
Le meneur du débat a alors demandé à l’assistance de ne pas applaudir, parce que cela fait cent ans que les Arabes applaudissent, provoquant ainsi les rires de l’émir Khaled, mais la salle n’en a pas tenu compte, redoublant d’applaudissements. Un Jordanien a demandé à M. Hariri où est ce climat ouvert qui permettrait aux Arabes de s’exprimer, « alors que nous subissons un terrible assaut qui vise notre langue, notre identité et notre culture ». Le président du Conseil a reconnu que « notre société est soumise à de fortes pressions, notre religion subit un assaut, mais je tiens à dire que la oumma arabo-musulmane a connu des périodes bien plus graves. Cette vague passera. L’essentiel est de s’accrocher à ses valeurs, à ses principes et à ses croyances. » Il s’est ensuite lancé dans un discours optimiste, tout à fait à contre-courant de ce qui s’est dit pendant les diverses séances du congrès. « Regardez ce que nous avons fait au cours des trente dernières années. Dans tous les pays arabes, la situation s’est améliorée. Je peux donner l’exemple de l’Arabie saoudite, où les signes d’ouverture n’ont pas attendu les pressions américaines. Et c’est vrai pour tous les autres pays. Certains vont peut-être plus vite et c’est ce qui donne l’impression que nous faisons du surplace ou que nous régressons. Mais il est injuste de le prétendre parce que ce n’est pas vrai. Certes, il faut encore progresser, mais nous ne voulons pas de renversement. Le changement est un processus à long terme. Nous devons avoir confiance en Dieu et en nous. »

Ne pas laisser la scène libre aux Israéliens
En réponse à d’autres questions, M. Hariri a suggéré que les milliers de jeunes Arabes qui se trouvent aux États-Unis se transforment en ambassadeurs de la oumma. « Il faut être présents là-bas et ne pas laisser la scène libre aux Israéliens. »
Un Égyptien a alors proposé que les chrétiens de la région, et notamment ceux du Liban, qui ont vécu en sécurité sous le règne musulman, parlent avec les Américains puisqu’ils partagent la même religion et qu’ils peuvent se comprendre afin de défendre les musulmans. M. Hariri a répondu qu’aujourd’hui, même dans les pays qui se basent sur l’islam, c’est le concept de citoyenneté qui prévaut. De même, aux États-Unis, où les sociétés civiles sont très puissantes, les gens ne sont pas classés selon leur religion. « Nous devons aller nous-mêmes vers les Américains et leur expliquer nos valeurs. »
Le Premier ministre a ensuite évoqué l’exemple de l’Europe qui, malgré des guerres destructrices, les différences de religions et de langues, a décidé de s’unifier. « Nous avons encore plus de raisons de le faire nous-mêmes, puisque la grande majorité d’entre nous est musulmane et nous parlons tous la même langue. »
M. Hariri s’est prononcé pour la libre circulation des biens entre tous les pays arabes. En réponse à une question du président de la commission parlementaire des Affaires étrangères, M. Ali el-Khalil, qui a refusé de laisser son tour aux invités arabes, M. Hariri s’est élevé contre le fait que le Liban importe de la viande du Brésil et des fruits du Chili, alors que ces denrées existent en Syrie, au Maroc et au Soudan par exemple. « Nous ne demandons pas de l’aide, mais des filets et des cannes pour pêcher. C’est vrai que l’argent n’est pas tout, mais il est l’huile qui fait tourner le moteur. »
Enfin, M. Hariri s’est prononcé en faveur du renforcement du rôle de la Ligue arabe, précisant que, s’il faut augmenter les contributions financières à cette institution, le Liban sera prêt à le faire, « d’autant, a-t-il ajouté, que la Ligue fonctionne avec un budget dérisoire, 35 millions de dollars ». En réponse à une question, il a déclaré que les erreurs qu’il a commises sont heureusement mineures et que, par conséquent, il ne regrette rien.
La liste des noms est encore longue, mais M. Rafic Hariri est retenu par le dîner qu’il donne en l’honneur du président brésilien. La séance est levée à 20h et l’émir Khaled, qui voulait poser une question, est le premier à s’incliner.

Scarlett HADDAD
Le premier débat ouvert du congrès de la pensée arabe s’est tenu hier à l’hôtel Phoenicia avec le président du Conseil. En principe, M. Rafic Hariri devait laisser la parole aux jeunes ; mais sur une dizaine de questions, une seule a été posée par une jeune fille, et elle exprimait peut-être le mieux l’impatience des jeunes du monde arabe. « Combien devrons-nous encore...