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SOCIÉTÉ CIVILE - « Mémoire pour l’avenir » a organisé une journée de rencontre à l’Unesco Le balbutiement d’une nouvelle culture démocratique

Que la guerre civile (1975-1990) ne soit pas finie dans les esprits, il n’est pour s’en convaincre que de voir ce qui vient de se passer au cours des élections estudiantines qui viennent de se dérouler sur la plupart des campus. Forces libanaises et Courant patriotique libre face à face, à Jbeil : quatre personnes hospitalisées. L’hymne syrien face à l’hymne libanais à l’AUB. Répression étatique féroce, presque milicienne. Tous les clivages de la guerre sont là, y compris la loi du plus fort, exercée aujourd’hui par un pouvoir qui n’est pas encore celui d’un État démocratique, du moment que ses pratiques ne sont pas encore justiciables et qu’il n’a pas de compte à rendre à la population. D’évidence, la jeune génération n’a pas tiré les leçons de la guerre, puisqu’elle la reproduit, en petit, sur les campus, et la culture démocratique en est encore à balbutier.
Consciente que « le passé envahit toujours le présent » et que « la politique de l’oubli n’a rien donné », l’ONG Mémoire pour l’avenir a organisé, samedi, dans la petite salle de l’Unesco, un face-à-face entre « des témoins de la guerre » et la génération montante, qui n’a connu de la guerre que les abris ou les régions sûres, et qui n’a hérité du Liban qu’un projet de pays.
Présentée par Amal Makarem et Nizar Saghiyé, deux membres fondateurs de l’association Mémoire pour l’avenir, puis par Samir Kassir qui en a esquissé le format et défini les limites, la journée a donné l’occasion à une douzaine d’étudiants de diverses universités (AUB, Alba, USJ, Université libanaise) d’écouter quatre témoignages de la guerre et de poser à leurs auteurs les questions qui les travaillent. Ce faisant, les étudiants choisis se sont également fait l’écho des questions recueillies auprès de leurs condisciples, soit oralement, soit sur l’adresse électronique de l’association.
Il était convenu de se limiter à la période 1975-1990, soit de l’attentat contre l’autobus de Aïn el-Remmaneh à l’accord de Taëf. Mais ni les témoins choisis ni les étudiants n’ont pu s’y tenir. Les causes, notamment historiques, du conflit libanais remontent, à tout le moins, à la débâcle de 1967. Ses conséquences, malgré le silence des canons, qui n’est pas rien, comme l’a rappelé Samir Kassir, continuent à être douloureusement ressenties.
Les témoins choisis étaient successivement Ghazi Aridi, qui était là en sa qualité personnelle et non ministérielle (M. Aridi a longtemps été rédacteur en chef de la Voix de la Montagne, la radio du PSP), Samir Frangié, en sa qualité d’ancien membre maronite du Mouvement national, Talal Salman, rédacteur en chef du quotidien as-Safir et Joseph Aboukhalil, ancien rédacteur en chef du quotidien al-Aamal, appartenant au parti Kataëb. Aucun n’a vraiment porté les armes, mais trois d’entre eux, Aridi, Salman et Aboukhalil, ont usé de l’information comme des armes de mobilisation et parfois de propagande, aussi mortelle que les armes puisqu’elle contribuait à la perpétuation de la guerre dans les esprits et dans les faits.
Face aux questions qui leur ont été posées, devant le tribunal de leur culture et de leur conscience, les témoins de la guerre étaient inégalement contrits. Seul Joseph Aboukhalil, qui a rédigé un ouvrage autocritique sur le rôle joué par son quotidien durant la guerre, a reconnu la pauvreté de la culture politique, en 1975. « Nous ne connaissions pas l’importance de la reconnaissance de l’autre. Une telle reconnaissance n’existait pas dans notre culture politique », a-t-il affirmé tout simplement.
La place manque pour dire toute la richesse de cette journée de rencontres destinée à servir de catharsis à nos mémoires, véritable creuset d’une nouvelle culture politique qui soit aussi une culture tout court. L’une des impressions les plus fortes qu’on en tire, c’est la conscience de la violence inouïe faite au Liban d’autant plus cruelle qu’elle a forcé les Libanais à devenir leurs propres bourreaux, ainsi que l’épouvante secrète qui les a empêchés de se parler. Symptomatique de ce balbutiement de dialogue, les témoins de la guerre ont parlé mais ne se sont pas écoutés.
Fady NOUN
Que la guerre civile (1975-1990) ne soit pas finie dans les esprits, il n’est pour s’en convaincre que de voir ce qui vient de se passer au cours des élections estudiantines qui viennent de se dérouler sur la plupart des campus. Forces libanaises et Courant patriotique libre face à face, à Jbeil : quatre personnes hospitalisées. L’hymne syrien face à l’hymne libanais à...