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PRISONNIERS - Du fond de sa prison israélienne, le doyen des résistants tient bon Samir Kantar, « un roc », affirme son frère (photo)

Dans son bureau modeste du secteur de Hamra – où d’habitude il s’investit dans des activités écologiques –, Bassam Kantar se consacre depuis quelques mois au dossier de l’échange des prisonniers. Une affaire qui a culminé avec l’annonce, lundi dernier, de l’exclusion de son frère, Samir Kantar, membre du FLP (Front de libération de la Palestine d’Aboul Abbas), de la liste des détenus que le gouvernement israélien doit libérer. Devant un écran d’ordinateur qui affiche une immense photo d’un frère qu’il n’a jamais connu – il avait seulement un an et demi lorsque ce dernier a été emprisonné –, il raconte le courage et l’endurance d‘une famille tout imprégnée de l’esprit de la résistance.
Fébrilement, Bassam essaye de répondre à toutes les sollicitations de la presse, tout en s’efforçant de mener à bien la campagne de soutien qu’il vient de lancer en faveur de Samir, détenu depuis 24 ans dans les geôles israéliennes. Capturé lors de l’opération de Nahariya en 1979, au cours de laquelle trois Israéliens ont été tués, ce frère est devenu peu à peu un héros, une personnalité avec laquelle le cadet a appris à se familiariser à l’aide des médias, des lettres ou des cassettes sonores. C’est de cette manière que communiquent d’ailleurs depuis de longues années les membres de la famille Kantar – 8 au total, sans compter les petits-enfants – avec leur fils.

Apprentissage
des langues
C’est ainsi qu’ils ont appris par exemple que le « doyen de la résistance » n’a pas perdu son temps en prison. En très peu de temps, il a réussi à transposer « sa lutte » à l’intérieur de son lieu de détention, à la prison de Nafah, où il s’est imposé comme porte-parole des détenus. C’est à partir de sa cellule de prison, qu’il partage avec cinq autres Libanais, que Samir organise une autre forme de résistance, contre « l’arbitraire des administrateurs » de la prison, un combat qu’on avait d’abord cru perdu d’avance. Cependant, et après trois ou quatre grèves de la faim, il a réussi à défendre les revendications des prisonniers.
Il a pu obtenir par exemple, après une dernière grève qui a duré 19 jours, le droit pour l’ensemble des détenus de poursuivre leurs études, notamment universitaires, raconte Bassam. Une victoire qui a permis à Samir Kantar, au bout de quelques années, de décrocher, par correspondance, une licence en sciences humaines et en sociologie. Un diplôme qu’il cherche actuellement à couronner par une maîtrise portant sur un sujet autrement provocateur : « Le paradoxe de la démocratie israélienne et les exigences de sécurité de l’État hébreu. » Un défi que les geôliers n’ont pas tardé à contrer en le privant de toutes les références bibliographiques nécessaires à sa recherche.
Cela n’empêchera pas pour autant cet éternel résistant de poursuivre son apprentissage des langues : « Aujourd’hui, il maîtrise parfaitement l’anglais, l’hébreu et dans une moindre mesure l’espagnol, dernière langue à laquelle il s’est attaqué », indique son jeune frère. C’est précisément « cette force de caractère » que craignent le plus les Israéliens, dit Bassam, ce qui expliquerait « en partie » leur refus de dernière minute de le livrer, alors que toutes les négociations préalables l’avaient inclus dans l’échange.
« C’est un roc », dira Bassam en parlant de la puissance psychologique et morale dont est doté son frère.
Est-ce une raison suffisante pour mettre en danger des négociations aussi cruciales ?
Pour la famille Kantar, l’argument avancé par le gouvernement Sharon – qui s’était opposé à la libération de tout détenu ayant du « sang sur les mains » – « ne tient pas ». Un prétexte qui est d’autant moins convaincant que plusieurs autres prisonniers, dont des Libanais encore détenus ou qui ont déjà été relaxés par Israël, ne sont pas moins impliqués dans des opérations contre des civils israéliens.
Selon Bassam, les tergiversations de l’État hébreu sont de simples « manœuvres » pour tenter de sortir le gouvernement Sharon de l’embarras face à son opinion publique notamment, dans ce qui est apparu, aux yeux de beaucoup d’observateurs, comme une « humiliation ».
C’est à cette même opinion publique ainsi qu’à la société internationale qu’entend s’adresser Bassam Kantar, en organisant une campagne nationale de soutien à son frère qui se poursuivra tout le long de la semaine. Une mobilisation qui ne doit pas être, selon lui, moins importante que celle du peuple israélien qui soutient depuis 15 ans, sans interruption, le navigateur Ron Arad.

Pacte moral
Aussi bien chez le Hezbollah qu’au sein des familles des détenus, le mot d’ordre est en tous les cas clair : l’échange se fera avec Samir Kantar ou ne se fera pas.
Cette unanimité sur la question est d’ailleurs partagée par toutes les familles des détenus qui, raconte Bassam, avaient conclu une sorte de « pacte moral » avec le secrétaire général du Hezbollah, Hassan Nasrallah, lorsque ce dernier les avaient réunies au début de l’année 2001, s’engageant à négocier « pour tous et au nom de tous ». Rassurées par la capture des trois soldats israéliens par le Hezbollah, les familles ont promis de leur côté de s’armer de patience.
« Après avoir épuisé tous les moyens diplomatiques, nous avons compris que la prise d’otages d’Israéliens était désormais la seule chance qui nous permettait de négocier le retour des nôtres », affirme Bassam Kantar, qui se dit absolument confiant que le parti intégriste n’abandonnera jamais son frère. Prié de commenter le communiqué paru hier dans le quotidien an-Nahar sur « les raisons de l’insistance du Hezbollah à libérer un détenu (Samir Kantar) qui a épousé une Israélienne », Bassam répond que « l’information est sans fondement et très douteuse par ailleurs ».
« Je n’irai pas jusqu’à conclure tout de suite à la théorie du complot israélien, comme le feraient certains de nos hommes politiques», a-t-il indiqué.
«Nous allons enquêter pour déterminer exactement l’origine de ce texte » qui, dans la presse, portait la signature du Comité des familles des détenus et des personnes libérées. « Nous allons porter plainte auprès du parquet dès que nous aurons une réponse », indique le militant écologiste.
La famille Kantar se dit d’ailleurs absolument confiante dans la capacité de négociation du parti intégriste – « passé maître en la matière » – et certainement rassurée quant à ses intentions : « Nous savons pertinemment que le parti est intraitable sur les principes et ne confondra jamais des questions d’ordre humanitaire, social et national avec des calculs stratégiques quelconques », affirme le frère du détenu.
« Pourquoi sinon aurait-il accepté d’échanger quatre communistes et seulement deux membres du Hezbollah contre d’autres prisonniers en échange de détenus israéliens, s’il ne traitait pas l’ensemble des prisonniers sur un pied d’égalité ? » s’interroge Bassam.
D’ailleurs, dit-il, Samir reste lui-même confiant, sachant que « les négociations vont dans le bon sens et que le subterfuge israélien fera long feu ». « S’il attend depuis 25 ans ce moment crucial, ce n’est pas aujourd’hui qu’il va renoncer à ses principes », affirme Bassam, qui avoue que son frère a certes mûri et évolué, mais qu’il reste engagé corps et âme pour la cause palestinienne. Vingt-cinq ans plus tard, il continue d’être tiraillé entre deux sentiments contradictoires, à savoir «la fierté qu’il tire de son acte et la tristesse d’avoir été séparé de sa famille à un si jeune âge », affirme Bassam en réponse à la question de savoir si son frère a un jour regretté ce qu’il avait fait à l’âge de 17 ans.
Et d’ajouter fièrement : « Il a été sollicité à plusieurs reprises par Yossi Beilin (l’ancien ministre israélien de la Justice) pour présenter publiquement, sur les chaînes de télévision, ses excuses au peuple israélien, chose qu’il a évidemment refusé de faire. »

Jeanine JALKH
Dans son bureau modeste du secteur de Hamra – où d’habitude il s’investit dans des activités écologiques –, Bassam Kantar se consacre depuis quelques mois au dossier de l’échange des prisonniers. Une affaire qui a culminé avec l’annonce, lundi dernier, de l’exclusion de son frère, Samir Kantar, membre du FLP (Front de libération de la Palestine d’Aboul Abbas), de...