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RECONSTRUCTION - L’édifice, joyau du Beyrouth des années 30 et 40, va renaître de ses cendres Le Grand Théâtre, comme au bon vieux temps... (PHOTOS)

La restauration des façades du Grand Théâtre est en cours. La consolidation de ses structures aussi. La bâche qui recouvre le bâtiment ne voile plus les outrages subis du fait de la guerre mais bel et bien une opération lifting conduite par la société Solidere. L’édifice datant de 1927, et dont toute une génération passée parle avec fascination et nostalgie, a été la pierre angulaire du Beyrouth culturel dans les années 1930 et 1940. Considéré comme une des salles les plus prestigieuses de la ville, le Grand Théâtre a accueilli sur ses planches acteurs et chanteurs venus d’horizons divers : Marie Bell, Charles Boyer, Serge Lifar et sa compagnie, la troupe parisienne du Mogador mais aussi Béchara Wakim, Youssef Wehbi et Mohammed Abdel Wahab, pour n’en citer que quelques-uns.
Bien plus tard, quand le monde du spectacle s’est déplacé vers Aïn el- Mreisseh et Hamra, le Grand Théâtre a connu le déclin et la décrépitude, pour n’être plus qu’un dépôt pour films de série Z. En 1975, le début de la guerre apportera aussi sa moisson de dégâts. Mais pour les Libanais, ce lieu de mémoire, baigné dans une une atmosphère onirique, reste le témoin architectural de toute une époque.
Situé au bout de la rue Maarad, l’édifice est né, dit-on, des plans de Youssef Aftimos, ingénieur diplômé de l’Union College de New York, qui avait également dessiné les plans de l’hôtel de ville (municipalité) puis l’immeuble Barakat de Sodeco, toujours en ruines. La bâtisse construite en pierre de taille présente plus ou moins la même facture que la municipalité et est de style « art déco orientalisant », selon l’expression de l’architecte Georges Arbid, qui prépare une étude sur le Grand Théâtre.
L’immeuble, qui se dresse sur trois niveaux, offre une superficie de 2 000 m2 et un plan «en fer à cheval» inspiré de l’ancien théâtre Garnier (Charles Garnier). Il comprend un hall central surmonté d’une coupole de verre coloré donnant accès à la salle. Aérée par un dôme mobile s’ouvrant et se refermant mécaniquement, celle-ci est dotée tout naturellement d’une scène et de coulisses, mais également d’un balcon, de loges et de corbeilles, à l’instar des théâtres classiques européens.
Au rez-de-chaussée et comme en un fin clin d’œil à la rue Maarad, une galerie d’arcades longe les deux façades de part et d’autre d’un immense portail à double hauteur, en pierre ouvragée. Mais le fer, le feu et les pillages ont fait de gros ravages, et les éléments architecturaux qui ponctuent ces façades (cadres-fenêtres, corniches, reliefs et chapiteaux offrant une débauche à motifs de feuille de vigne, d’épis de blé ou de fruits) ont été fracassés, brisés ou brûlés. Leur restauration a été « une opération très longue et très coûteuse », disent John Neemeh et Tamara Napper, architectes chargés par Solidere du ravalement de la façade et de la consolidation de la structure. Les cahiers de charge étant très rigoureux, la réfection de la pierre et son installation ont été entreprises selon des techniques très sophistiquées. Grâce aux descriptions détaillées d’anciennes photos, de documents et de références de spécialistes, « l’élément manquant a été refabriqué intégralement et les façades reconstituées à l’identique, exactement telles qu’elles étaient auparavant », soulignent les deux architectes.

Pour un concept
économiquement viable
L’apparence extérieure du Grand Théâtre retrouvera bientôt son lustre d’antan. Mais qu’en est-il de ses espaces intérieurs et de leur fonction ? Il faut tout d’abord dire que des « négociations sérieuses » sont en cours entre la société Solidere et les locataires potentiels : John Chédid et Youmna Achkar. En écho, les deux parties souhaitent « recréer l’espace intérieur tel qu’il était », tout en introduisant les composantes nécessaires pour sa modernisation. On croit comprendre également que l’aménagement des lieux sera confié à l’Américain Tony Chi et ses associés qui, rappelons-le, ont signé la décoration du restaurant Eau de Vie de l’hôtel Phoenicia. Sophie et Yasmina Skaff (Table Rase) s’occuperont de la programmation des évènements artistiques. Mais comme la culture ne nourrit pas son homme, John Chédid veut développer un concept qui sera économiquement viable, qui joindra la culture à la gastronomie et peut-être... à l’hôtellerie. Mais sur ce sujet, Chédid et Achkar restent discrets.
Plus explicites, les responsables de Solidere parlent d’un projet d’une autre ampleur. Il s’agira de créer un complexe culturo-touristique, en reliant le Grand Théâtre à la bâtisse adjacente datant du début des années 1940. Celle-ci sera reconvertie en hôtel de 75 clés et dotée d’une annexe qui sera construite sur le terrain vague situé au coin du bâtiment. L’ensemble, qui comprendra théâtre, restaurants, boutiques et hôtel, devrait totaliser quelque 11 000 m2 de construction et 5 600 m2 de sous-sol exploitables.
Rien n’a, pour l’instant, été décidé. L’affaire reste à suivre.

May MAKAREM
La restauration des façades du Grand Théâtre est en cours. La consolidation de ses structures aussi. La bâche qui recouvre le bâtiment ne voile plus les outrages subis du fait de la guerre mais bel et bien une opération lifting conduite par la société Solidere. L’édifice datant de 1927, et dont toute une génération passée parle avec fascination et nostalgie, a été la...