Rechercher
Rechercher

Actualités

Le premier ministre fait le dos rond mais s’accroche aux commandes

Une image qui dit tout : « J’éteins le moteur, mais je reste en voiture et n’en sortirai pas. » À ceux qui n’auraient pas compris, Hariri explique qu’il reste – tranquillement – au Sérail et ne compte pas du tout présenter sa démission « comme certains le souhaitent ». Il ajoute, sans doute à l’adresse de ministres déterminés, que « celui qui désire démissionner le fasse donc… » Et on verra bien.

Se présentant en légaliste, le président du Conseil affirme qu’il demeure en poste tant que la Chambre ne lui retire pas sa confiance. Il rappelle que le gouvernement et son chef ne sont comptables de leurs actes que devant le Législatif. Sous-entendu, pas devant le régime.
Hariri reconnaît, devant ses visiteurs, que le statu quo institutionnel est rigide, crispé, improductif. Mais il répète que, pour sa propre part, il n’essaiera pas, pour faire bouger les choses, de provoquer des histoires, des frictions, avec quiconque.
Il précise qu’il tente d’éviter tout conflit avec le chef de l’État « en cette phase régionale critique, soumise à tant de pressions, criblée de défis et qui doit prendre le pas sur tout le reste. D’où la nécessité, dit-il, d’une solidarité, d’une unité des rangs et du verbe sans faille » au niveau de la classe dirigeante locale.
Hariri soutient ensuite qu’il s’est trouvé confronté à l’incompréhension de ses bases populaires. Qui lui ont reproché de ne pas faire suffisamment acte de présence, de ne pas contre-attaquer avec force. Ce qui constituerait, à leurs yeux, un abandon de prérogatives, un affaiblissement de la présidence du Conseil. Ses contempteurs habituels ont d’ailleurs exploité ce thème porteur. D’anciens dirigeants l’accusent de brader en quelque sorte les acquis de la troisième présidence en termes d’influence et d’autorité. À quoi ses fidèles répondent que lors de leur passage au pouvoir, les intéressés avaient eux-mêmes beaucoup dévalué la fonction par leur alignement sur le régime.
À tout cela Hariri ne veut pas s’arrêter. Les campagnes menées contre lui le laissent de marbre, assure-t-il. Il indique que seule son intime conviction dicte ses positions. Il ne détermine donc pas sa politique par des réactions à des situations ou à des propos donnés. Ce qui lui permet de dispenser à autrui la leçon suivante : le pays ne peut supporter davantage de secousses et de crises de pouvoir. Il est facile, ajoute-t-il, de se livrer à des surenchères, de se poser en champion des prérogatives. Mais cela serait desservir gravement le Liban, en attisant les tensions, à l’heure des périls régionaux. L’intérêt national supérieur ainsi que le simple bon sens commandent de travailler dans le calme, en traitant les problèmes avec lucidité comme avec patience, pour que les choses changent positivement.
Mais concrètement, où en est-on ? Quand il évoque ses rapports avec Lahoud, Hariri souligne d’abord qu’ils n’ont aucun caractère particulier. C’est-à-dire que les familles ne se fréquentent pas, ne se rendent pas visite, pour qu’il y ait une quelconque brouille d’ordre personnel, suite à un incident déterminé. Dès lors, les relations ne sont que de nature politique. Le Premier ministre affirme vouloir les préserver dans ce cadre, à l’ombre des préceptes de la Constitution comme des lois ou règlements en vigueur. Aussi tous les sujets doivent-ils être débattus en Conseil des ministres, pour des décisions appropriées. Cela dans un climat de solidarité interne imposé par la situation régionale. Un point extrêmement important aux yeux du président du Conseil, qui se dit prêt à conforter l’unité des rangs même au prix de ses propres acquis politiques. Il craint beaucoup, en effet, les répercussions négatives des conflits au sein du pouvoir sur le pays. Il ajoute que d’ailleurs les péripéties de ces derniers temps prouvent la justesse de ses vues. Il faut que les dirigeants sachent rationaliser leur comportement, conclut-il.
Pour nombre de professionnels, l’attitude d’esquive haririenne, le souci d’éviter tout heurt avec le régime, en limitant les dégâts éventuels dans la limite du possible, va cristalliser une situation d’expectative prolongée sur la scène politique locale. Ce qui équivaut à une paralysie partielle dont le pays économique et social se ressent déjà. Et qui risque de durer jusqu’à ce que la question de la présidentielle soit tranchée, dans un sens ou dans l’autre.
Du côté des lahoudistes, on répète que le chef de l’État veut dynamiser les institutions, en commençant par le Conseil des ministres. Il estime que tous les dossiers devraient y être débattus, chacun donnant librement son avis, avant que la décision ne soit prise. Selon ces loyalistes haut de gamme, il est faux de soutenir que la période présente consiste à laisser passer le temps d’une manière neutre. D’après eux, le président de la République tient absolument à ce que la dernière année de son mandat soit intensivement productive. Ils accusent certaines parties de favoriser le blocage des projets, pour affecter le crédit du régime et influer sur la présidentielle. Les visiteurs de Baabda indiquent dès lors que la paralysie rebute le chef de l’État, qui tente de la briser. En toute transparence. Quant aux rapports avec Koraytem, le régime estime qu’il n’est nul besoin d’intermédiaires conciliateurs, du moment que les deux têtes de l’Exécutif sont d’accord pour recourir à l’arbitrage de la Constitution en cas de litige, notamment sur les prérogatives.
Du reste, des voyageurs retour de Damas révèlent que certains cadres non civils se disent fatigués de jouer les traits d’union et les réconciliateurs entre les dirigeants libanais. Et qu’ils sont lassés de prodiguer des conseils d’harmonie jamais suivis. Cependant, les prescriptions, les recommandations continuent à être délivrées au même rythme. Parce que, selon ces sources, la situation régionale est trop critique pour qu’on laisse la scène libanaise fragile, instable, perméable à des infiltrations ou des flambées, comme cela s’est vu récemment au Sud.
Philippe ABI-AKL
Une image qui dit tout : « J’éteins le moteur, mais je reste en voiture et n’en sortirai pas. » À ceux qui n’auraient pas compris, Hariri explique qu’il reste – tranquillement – au Sérail et ne compte pas du tout présenter sa démission « comme certains le souhaitent ». Il ajoute, sans doute à l’adresse de ministres déterminés, que « celui qui désire...