Toujours est-il que Joumblatt, de son côté, ne cesse de répéter qu’il a fortement envie et en vue de retirer ses trois ministres du gouvernement. Qui risquerait alors de chuter. Mais le leader de la montagne indique en même temps qu’une telle décision n’est pas vraiment envisageable pour le moment. Les observateurs s’accordent à interpréter cette précision comme une confirmation de l’interdiction de crise lancée par les décideurs. Cependant, certains analystes estiment que Joumblatt ne souhaite en tout cas pas rompre le fil. Car il se propose, en l’avouant du reste carrément, le ramener à lui. C’est-à-dire obtenir satisfaction au sujet de ses multiples revendications politiques, économiques (les privatisations) ou de trésorerie publique destinée au département des Déplacés. Pour ces professionnels, il est donc assez clair qu’avec ou sans les recommandations des décideurs, la stratégie de Joumblatt n’est pas de faire sauter le gouvernement. Mais de négocier. En position de force. Hariri, dont l’expérience en matière de négociations remonte à bien plus loin que son entrée en politique, comprend fort bien le message joumblattiste. Il fait donc dire, en substance, à ses proches : « Joumblatt a raison sur plusieurs points. À maintes reprises, nous avions tenté d’arranger ces affaires à sa convenance, mais l’on nous avait toujours mis des bâtons dans les roues. Une opposition qui va parfois si loin que, comme le président (Hariri) l’a déclaré à la Chambre, il se trouve souvent dans l’impossibilité de faire appliquer les lois. Nous aurions préféré, bien évidemment, que Joumblatt nous parle avant de se lancer tête en avant. Mais l’initiative de Chéhayeb ne nous a pas totalement pris à l’improviste. C’est bien pourquoi le président (Hariri), saisissant la balle au bond, a prié le speaker de la Chambre de fixer une séance de débat de confiance. Il faut que chacun soit placé devant ses responsabilités : la Chambre d’abord, le bloc Joumblatt ensuite. Nous sommes certains que nous emporterions le vote haut la main. Car nous pensons qu’en définitive, même les joumblattistes auraient été obligés de voter la confiance. Il leur est interdit en effet de faire sauter le cabinet. »
Du côté de Berry, on affirme qu’il n’a jamais voulu prendre en traître les haririens. Et que lui-même a été surpris par l’initiative de Chéhayeb. On avoue ensuite qu’un vote de confiance aurait inquiété le président de la Chambre. Parce que le résultat aurait pu être étriqué, contrairement à ce que croient les haririens. Et le gouvernement aurait perdu sinon la face, du moins des points. Or ce gouvernement, Berry y tient encore plus que Hariri, car il y dispose d’un confortable quota de ministres. Berry, concluent ces sources, n’a pas voulu faire le jeu de l’opposition, qui mise justement sur les divisions au sein du camp dit loyaliste installé aux commandes dans ce pays.
Pour en revenir à Joumblatt, beaucoup pensent que sa position actuelle ne relève pas d’un simple mouvement d’humeur. Lui prêtant une clairvoyance politique certaine, ces professionnels estiment que Joumblatt a sans doute senti souffler les vents d’un certain changement dans les mécanismes du pouvoir. Ce qui l’amène à modifier ses alliances.
Cependant, il convient de souligner, en conclusion, que les ministres Marwan Hamadé et Ghazi Aridi poursuivent leurs tentatives d’apaisement entre Moukhtara et Koraytem. Ce qui permet d’espérer des pourparlers pour bientôt.
Philippe ABI-AKL
Les plus commentés
Crise migratoire : un faux dilemme pour le Liban
Le Liban... nouveau ministre des Affaires étrangères d’Assad ?
Mobilisation propalestinienne à la Sorbonne : des étudiantes racontent à « L’OLJ » leur arrestation