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FRANCE-LIBAN - Le garde des Sceaux a rencontré Tabbarah et ouvert un dialogue avec les magistrats et les avocats Dominique Perben : La formation des juges et des greffiers indispensable à une justice de qualité(photo)

Beaucoup de contacts, autant de discours, mais aussi du concret et une volonté réelle de coopération dans le domaine judiciaire, tels sont les éléments qui ressortent de la visite de deux jours du garde des Sceaux, M. Dominique Perben, au Liban. Avec beaucoup de tact, car il n’est jamais aisé d’être celui qui donne des conseils surtout aux sourcilleux magistrats libanais, le ministre français de la Justice a exposé sa vision de l’aide que peut apporter la France à l’appareil judiciaire libanais, insistant sur la formation tant initiale que continue des juges, mais aussi des greffiers. Son homologue libanais, M. Bahige Tabbarah, buvait du petit lait, puisque c’est là une de ses priorités, depuis que le portefeuille de la Justice lui a été de nouveau confié.
Les rendez-vous avec le président de la République et le président de la Chambre achevés, M. Dominique Perben est arrivé sous bonne escorte au siège du ministère de la Justice, pour un premier entretien avec M. Bahige Tabbarah. Mais les deux hommes avaient visiblement bien préparé l’ordre du jour de leur réunion et celle-ci n’a pas duré plus de trois quarts d’heure, avant qu’ils s’adressent à la presse, après avoir signé un document confirmant leur volonté de renforcer la coopération « entre les deux départements et les institutions qui y sont rattachées ». Le ministre libanais a visiblement insisté sur une aide technique de la France alors que le garde des Sceaux a expliqué que les soucis actuels de la France se situent au niveau de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme. M. Perben a d’ailleurs précisé que l’évolution des actes criminels exige une coopération entre les justices des pays concernés, pour pouvoir poursuivre un criminel sous tous les cieux et démanteler les réseaux de financement opaque.
En dépit de leurs relations étroites, le Liban et la France n’ont pas signé de convention portant sur ces sujets-là. Mais ils ont des accords de coopération entre les Conseils d’État des deux pays, un jumelage entre les Cours de cassation, une commission commune pour régler les conflits nés des mariages mixtes et un accord de coopération entre l’Institut d’études judiciaires et l’École nationale de la magistrature (France). Les deux ministres ont donc convenu de renforcer ces accords déjà existants, tout en insistant sur la nécessité d’informatiser l’activité judiciaire et de moderniser les greffes des tribunaux, puisque la clé de la célérité et de l’efficacité de la justice est là.
En réponse à une question, M. Perben a déclaré que tous les ministres de la Justice sont confrontés au même problème : « Comment aider à l’établissement de l’État de droit, tout en ayant une justice efficace conduite par le ministre, mais aussi les procureurs et les juges et en assurant l’indépendance des tribunaux et des magistrats. L’équilibre se fait petit à petit. Nous avons évoqué ces problèmes avec le ministre Tabbarah, tout en essayant de voir comment procéder à l’échange de nos expériences respectives. Nous sommes convaincus qu’il ne peut y avoir de justice sans qualité. » M. Perben a évoqué un problème qui intéresse grandement les deux pays et qui n’en finit plus d’être un casse-tête pours leurs justices respectives, celui des mariages mixtes et des conflits sur la garde des enfants qui en sont issus. M. Tabbarah a précisé à ce sujet que la plupart du temps, ces sujets relèvent au Liban de la compétence des tribunaux religieux, la justice civile n’intervenant que lorsqu’il y a délit ou crime, comme l’enlèvement d’un enfant. Toutefois, le problème éclate souvent lorsque chacun des deux conjoints dispose d’un jugement de la justice de son pays en contradiction avec celle du pays de son partenaire. Une commission mixte avait été formée pour tenter de régler les dossiers au cas par cas. Il a été décidé de la relancer en tenant une nouvelle réunion à Paris dans les prochains mois.

Un souhait :
abolir la peine de mort
Au sujet de la trentaine de criminels condamnés à la peine de mort et dont le sort attend une décision définitive, alors que des rumeurs circulent sur la détermination du Liban à recommencer à appliquer la peine capitale, M. Tabbarah a déclaré que ces dossiers sont désormais entre les mains du président de la République qui dispose du droit de grâce. Mais le Liban reste libre de prendre ses décisions, l’abolition de la peine de mort étant un simple souhait émis par l’Union européenne, mais n’étant pas une condition de l’accord de partenariat signé au début de l’année. M. Tabbarah a ajouté qu’au Liban, la peine de mort n’est appliquée que dans le cas des criminels dangereux. M. Perben a rappelé que la France souhaite l’abolition de la peine de mort, mais qu’elle ne peut imposer sa volonté aux pays non membres de l’UE.
M. Perben s’est ensuite rendu au déjeuner donné en son honneur par son homologue libanais, en présence de quelques ministres, dont M. Marwan Hamadé, de l’ancien ministre M. Michel Eddé, et de certains magistrats dont l’ancien président du CSM, M. Philippe Khairallah.
Retour au Palais de justice pour une rencontre, à la demande du ministre français, avec les principaux magistrats du pays et les avocats, notamment les bâtonniers de Beyrouth et du Liban-Nord et ceux qui les ont précédés dans cette fonction. M. Perben souhaitait établir un dialogue avec eux pour entendre de vive voix leurs appréhensions, leurs aspirations et ce qu’ils attendent de la France. Ce que les plus hauts magistrats du pays et les avocats ont dit au garde des Sceaux, les journalistes n’ont pas eu la chance de l’entendre. Ils ont dû se contenter des discours officiels, du bâtonnier, M. Raymond Chedid, qui a mis l’accent sur le rôle du barreau dans la protection de la démocratie et des libertés, du ministre Tabbarah, qui a insisté sur la nécessité d’avoir une justice efficace et crédible pour avoir un « État de droit et un État tout court », et de M. Perben lui-même qui est entré dans les détails de l’évolution actuelle des enjeux de la justice dans le monde, tout en expliquant que la coopération entre les différents États est devenue indispensable. Pour le reste, magistrats et avocats ont préféré, pour changer, s’en tenir au droit de réserve.
S.H.

« Mon cher surveillant »

La visite a beau être officielle, elle peut aussi être ponctuée de moments d’émotion. Invité à la table de l’ancien député Camille Ziadé, jeudi soir, M. Dominique Perben a eu un choc en voyant parmi la cinquantaine de convives le père René Chamussy, nouveau recteur de l’USJ. « Mon cher surveillant », s’est-il écrié avant de lui donner l’accolade, avec beaucoup de chaleur. Lorsqu’il était étudiant à Lyon, M. Perben avait en effet eu pour surveillant le père Chamussy et bien qu’il ne l’ait pas vu depuis des années, il l’a aussitôt reconnu, et tant de souvenirs sont remontés à la surface.
Beaucoup de contacts, autant de discours, mais aussi du concret et une volonté réelle de coopération dans le domaine judiciaire, tels sont les éléments qui ressortent de la visite de deux jours du garde des Sceaux, M. Dominique Perben, au Liban. Avec beaucoup de tact, car il n’est jamais aisé d’être celui qui donne des conseils surtout aux sourcilleux magistrats libanais, le...