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Conseil des ministres - L’Inspection centrale va se saisir du dossier de l’office Les besoins de l’EDL en fuel seront assurés

L’Inspection centrale saisie du dossier, le parquet alerté, l’armée chargée de protéger les percepteurs et contrôleurs de l’EDL, le CDR chargé de veiller à l’achèvement du réseau de 220 kilovolts, le Conseil des ministres n’a pas lésiné hier sur le déjà-vu et le déjà-décidé. On peut choisir d’y croire ou rester sceptique. Mais ce que les Libanais voulaient avant tout savoir, hier, c’était si le Liban serait plongé dans le noir, en septembre, à l’épuisement des stocks actuels de fuel.
Un rapport avait en effet révélé, voici quelques jours, que depuis le 1er août, l’EDL ne dispose plus que de 54 jours de réserve en fuel-oil (242 tonnes) et de 53 jours de réserve en diesel (185 tonnes).
Ce suspense de pacotille est, en principe, terminé. Le fuel sera assuré, mais il faudra attendre le Conseil des ministres ordinaire d’aujourd’hui pour savoir par quel moyen : crédits bancaires libanais ou fonds arabes et islamiques.
Voici présenté, en bref, le bilan du Conseil des ministres extraordinaire consacré à la situation de l’EDL qui s’est tenu hier, sous la présidence du chef de l’État, le général Émile Lahoud, et en présence notamment du PDG de l’EDL, Kamal Hayeck.
Nous présentons dans l’ordre les décisions de ce Conseil des ministres telles que communiquées par le ministre de l’Information, Michel Samaha, puis par le ministre de l’Énergie, Ayoub Hmayed.
Pour commencer, a dit M. Samaha, le Conseil des ministres a décidé de déférer le dossier de l’EDL à l’Inspection centrale, afin de s’assurer que sa gestion ne comprend ni faute administrative ni irrégularité financière. Le parquet de la Cour de cassation a été alerté et pourrait avoir à examiner éventuellement certains des aspects du dossier.
En second lieu, a ajouté le ministre de l’Information, le Conseil des ministres a chargé l’armée d’épauler les équipes de percepteurs et de contrôleurs chargés de relever les compteurs ou de dresser des procès-verbaux à l’encontre des auteurs des branchements illicites, ou encore de les éliminer.
M. Samaha a rappelé que toutes les amendes et procès-verbaux antérieurs au 1er janvier 2001 ont été couverts par une loi d’amnistie votée l’an dernier, mais que désormais, la sévérité et la rigueur dans l’application de la loi seront de mise. Un air bien connu.
On rappelle que 25 % de l’énergie électrique produite est volée à travers des branchements illégaux et que 40 % des factures de l’office demeurent impayées.
Troisièmement, le Conseil des ministres a chargé le CDR de programmer, avec l’EDL, l’achèvement de l’installation du réseau de 220 kilovolts chargé de désengorger le transport de l’électricité de haute tension.
Dans un rapport remis au Conseil des ministres, le PDG de l’EDL avait évoqué « l’impossibilité d’achever à ce jour l’installation du réseau de 220 kilovolts, en raison de l’obstructionnisme de certains particuliers et municipalités, en particulier sur la ligne Aramoun-Sofar, et ce en dépit de promulgation des décrets d’expropriation ».
« L’absence du réseau de 220 kilovolts empêche la stabilité de la distribution, en particulier en été et en hiver, et entraîne une augmentation du prix de la production en raison de l’impossibilité de distribuer l’énergie produite par la centrale de Deir Ammar vers le Mont-Liban et le Sud. Elle prive le Liban de la souplesse nécessaire à l’acheminement du courant des États voisins », avait précisé le rapport.
En quatrième lieu, l’EDL a été chargée de compléter et de mettre en état de marche la salle de contrôle électronique (dispatching room, ou encore MCC) supervisant et rationalisant la distribution du courant électrique. Ce contrôle s’opère toujours manuellement, à ce jour.
Réservant le plus important à la fin, M. Samaha a annoncé que la décision d’acheter du fuel pour permettre à l’EDL de continuer à fournir du courant aux Libanais a été prise, mais que la source de financement nécessaire à l’achat du carburant n’a pas été définie encore. Elle le sera, a-t-il précisé, au cours du Conseil des ministres qui se tient aujourd’hui.

Hmayed pragmatique
Prenant le relais de M. Samaha, le ministre de l’Énergie, Ayoub Hmayed, a annoncé pour sa part qu’il a exposé au Conseil des ministres ses vues sur une solution à long terme de la crise à l’EDL et que le gouvernement avait confirmé son refus d’augmenter les frais fixes de la facture d’électricité (l’abonnement au compteur).
Selon M. Hmayed, qui en avait parlé le matin même avec l’ambassadeur d’Italie, la solution consisterait à généraliser l’utilisation du gaz natuel, au lieu du fuel ou du diesel, pour produire du courant.
Une première étape de ce programme à moyen terme, qui s’étalerait sur 2 ans et demi ou trois ans, pourrait entrer en vigueur en juin prochain (2004), avec l’achèvement de la construction d’un gazoduc reliant la Syrie à la centrale de Deir Ammar (Liban-Nord), a dit M. Hmayed. La construction de ce gazoduc est en cours.
À moyen terme, le ministre a parlé de la construction d’un gazoduc de 130 kilomètres reliant Deir Ammar à Jiyeh, en passant par Zouk et Zahrani, et la conversion de ces centrales au gaz. Cette conversion permettra au Liban de réduire de moitié sa facture énergétique annuelle, qui s’élève à 600 millions de dollars.
Dès juin prochain, des économies mensuelles de 10 millions de dollars seront réalisées, a-t-il promis.
M. Hmayed a affirmé ne pas avoir réussi à convaincre le Conseil des ministres d’approuver un plan de financement des besoins du Liban en fuel pour une année entière, pour un montant de 400 milliards de livres.
Le ministre a tenu à souligner que, pour sa part, il n’a pas essayé de regarder en arrière ou de faire des procès d’intention, mais qu’il s’est efforcé d’être pragmatique et de proposer des solutions à partir de la situation actuelle. « Laissons le passé au passé », a-t-il dit.
Sans exclure de futures pannes de courant pour causes techniques, comme celle qui s’est produite voilà quelques jours et dont l’Inspection centrale s’est saisie, M. Hmayed a confirmé que le problème du Liban est financier, non technique.

Le Sud
Interrogé, le ministre de l’Information a souligné que la tension libano-israélienne a été brièvement évoquée en Conseil des ministres et que l’attachement du Liban aux résolutions de l’Onu et aux principes définis à la conférence de Madrid avait à peine besoin d’être rappelé.

Les remarques de Lahoud
De son côté, le président Lahoud a communiqué au Conseil des ministres ses observations, après la visite qu’il a effectuée à l’EDL, s’avouant perplexe sur les raisons pour lesquelles, malgré des dépenses de près de 3 milliards de dollars, l’EDL se trouve toujours dans cet état.
Selon des sources ministérielles, c’est le chef de l’État qui a insisté pour que l’Inspection centrale et le parquet s’en mêlent et déterminent des responsabilités éventuelles dans l’état des lieux.
M. Lahoud a également appelé au dépassement de la routine administrative et au respect des horaires de travail, après avoir constaté, lors de sa visite, beaucoup d’absences. Il a insisté sur la nécessité d’accélérer les travaux d’installation de la dispatching room et le contrôle rigoureux par le CDR de la qualité de fuel livré aux centrales.
Le chef de l’État a demandé par ailleurs un plan de construction de barrages de retenue d’eau, en montagne, estimant que leur appoint en électricité serait précieux. Un rapport à ce sujet devrait être prêt pour le Conseil des ministres du 11 septembre. Enfin, M. Lahoud a demandé que les arriérés dus à la Syrie soient réglés au plus tôt, rappelant que sur initiative syrienne, la dette électrique du Liban a été réduite de moitié.

« Nos actions nous suivent »
En cours de journée, les appels s’étaient multipliés en faveur d’une sérieuse enquête pour déterminer les causes de l’état de dégradation où se trouve l’EDL.
Le PSP allait jusqu’à réclamer l’ouverture de tous les dossiers, à dater de la révocation du ministre des Ressources hydro-électriques, Georges Frem, en 1992, qui, selon lui, a marqué « le début du cercle vicieux du gaspillage et de la corruption ».
On apprenait à ce sujet, de source bien informée, que le contrat d’entretien et de réparation de 66 millions de dollars, que M. Frem avait arraché de haute lutte à la société italienne Ansaldo, avait été transformé, au lendemain même de son départ, en un « contrat ouvert » qui, au bout de trois ans, avait atteint 107 millions de dollars.
Nommé ministre des Ressources hydroélectriques en remplacement de M. Frem, M. Élie Hobeika avait accepté de limiter ses prérogatives à la question de l’eau et avait accepté de laisser au Premier ministre, Rafic Hariri, le soin de traiter le dossier de l’électricité, affirment des sources informées.
En fait, ajoutent ces sources, le problème de l’EDL est avant tout de nature administrative. Ainsi, à l’instar de ce qui s’est passé pour le téléphone mobile, le Conseil des ministres a voté en septembre 2002 une loi prévoyant le lancement d’une adjudication internationale pour la gestion de l’EDL par une société privée, les installations demeurant entièrement propriété de l’État libanais ou encore de sociétés mixtes contrôlées par l’État. Toutefois, soulignent encore les sources citées, cette loi n’a encore reçu aucun début d’exécution et pour cause, tout est fait pour empêcher une telle solution d’aboutir et entraîner l’EDL dans un cercle vicieux déficitaire avec, au bout du compte, une privatisation à bon marché.
La seule gestion par les gouvernements successifs de M. Hariri du dossier de l’EDL répond, selon la source citée, d’une augmentation de la dette publique de quelque 10 milliards de dollars, depuis 1992, sous forme d’investissements directs, de déficits annuels cumulés, couverts par des avances du Trésor et de manque à gagner. Et de souligner que l’EDL, en 1989, vendait toujours du courant électrique à la Syrie. « Nos actions nous suivent », ont commenté les sources citées.
Enfin, on met en cause, de même source, la politique de suréquipement dans laquelle s’est engagé M. Hariri, alors qu’il fallait procéder à une gradation proportionnelle à l’augmentation de la demande, tout en entreprenant la maintenance des centrales disponibles aux capacités suffisantes, mais souffrant du manque d’entretien, au sortir de la guerre.
C’est ainsi que, d’un coup, on a doté le Liban de centrales au gaz d’une puissance de 900 mégawatts, alors que le gaz n’était pas encore disponible, et qu’on les a fait fonctionner au fuel, ce qui en a doublé le coût de fonctionnement.
L’Inspection centrale saisie du dossier, le parquet alerté, l’armée chargée de protéger les percepteurs et contrôleurs de l’EDL, le CDR chargé de veiller à l’achèvement du réseau de 220 kilovolts, le Conseil des ministres n’a pas lésiné hier sur le déjà-vu et le déjà-décidé. On peut choisir d’y croire ou rester sceptique. Mais ce que les Libanais voulaient...