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FESTIVAL DE RUE DE BEYROUTH - « Hors les murs », de la compagnie suisse Demain on change de nom, à l’Estral Tout le monde fait le spectacle (photos)

Pendant près de deux heures, une soixantaine de personnes a sagement suivi les pérégrinations des quatre compères (deux comédiens, deux danseuses) de la compagnie suisse Demain on change de nom, à travers les dédales d’une galerie marchande de Hamra jusqu’à la salle désaffectée du cinéma Estral.
Hors les murs (ou HLM) a pour thème directeur « L’homme et la ville » et, à partir de ce postulat vaste et mystérieux, les artistes, qu’ils jouent à Genève ou à Beyrouth, s’intègrent dans un espace urbain significatif, comme ici l’Estral, les escaliers sans fin qui y mènent, ponctués de champs libres que Demain on change de nom investit selon son bon plaisir.
Dans un tourbillon de séquences variées, la troupe pose une problématique fondamentale de la performance de rue : comment retenir l’attention d’un spectateur, alors que les contingences citadines (passants, bruits, lumières, véhicules, etc.) sont autant de sujets de distraction, voire de rupture de ce fragile et éphémère contrat passé entre lui et le/les artistes ?
En effet, ni une salle close ni le prix d’un billet n’est là pour les engager l’un auprès de l’autre. C’est alors qu’apparaît la pesante fragilité de leur rapport : une extrême liberté face à un important déploiement de formes et de genres.

Trouble des repères
de théâtre
Grosso modo, la performance prend le risque d’être à la merci d’un spectateur un peu trop bavard ou un peu trop insolent, d’une coupure de courant et, solution finale, la complète indifférence d’un public qui disparaît dans la ville comme il était venu. Or rien de tout cela n’est advenu pendant les 110 minutes que Demain on change de nom a offertes à ses « suiveurs ».
La « sauce » artistique a remarquablement « pris » et les deux parties se sont presque immédiatement adoptées. HLM s’est alors dévoilé comme un moment de trouble des repères théâtraux habituels. Les intervenants au sein du public – proposant leur aide à la traduction en arabe, commentant un épais traité de génétique, se remémorant des souvenirs d’avant-guerre – n’étaient-ils pas de vrais artistes ?
Les artistes eux-mêmes sont arrivés à semer le doute ; en se glissant dans la foule, en balbutiant, en feignant de perdre le fil de leur performance, en créant des intermèdes avec gâteau et boissons fraîches, ils n’ont cessé de brusquement déboîter du chemin sur lequel ils semblaient s’engager, régénérant, selon un rythme connu d’eux seuls, l’attention, toujours fragile, de leurs spectateurs.
HLM, plus que d’autres « interventions » artistiques de rue, offre à celui qui accepte de jouer le jeu une expérience décalée et curieuse : d’une part, un brouillage des repères entre les vrais/faux meneurs et les vrais/faux suiveurs qui parvient, pendant quelques courtes secondes, à donner l’impression que chacun finit par faire partie du spectacle ; d’autre part, un improbable mélange de confiance et de curiosité insatiable quant à l’issue de cette « histoire » urbaine apparemment bien dissolue.
De toute manière chacun, revenu chez soi depuis, peut à loisir redéployer le panorama de ces 110 minutes, en classer les différentes séquences par ordre de préférence, en répertorier les points faibles et les grands moments pour peut-être ne garder que l’impression diffuse d’avoir été, un peu, un artiste sans le savoir. Avec un minimum de moyens, la compagnie Demain on change de nom a donné une enthousiasmante leçon de spectacle.

Diala GEMAYEL
Pendant près de deux heures, une soixantaine de personnes a sagement suivi les pérégrinations des quatre compères (deux comédiens, deux danseuses) de la compagnie suisse Demain on change de nom, à travers les dédales d’une galerie marchande de Hamra jusqu’à la salle désaffectée du cinéma Estral. Hors les murs (ou HLM) a pour thème directeur « L’homme et la ville » et, à...