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Baabda-Aley - Climat quasi milicien à Choueifate et à Ghobeiri Accueil triomphal pour Hikmat Dib dans les villages chrétiens (photos)

La partielle de Baabda-Aley a-t-elle réellement pris une tournure confessionnelle, comme le prédisaient certaines figures politiques des semaines avant le scrutin ? S’il faut se fier aux provocations – voire aux agressions – qui se sont produites hier dans les régions druzes et chiites de la part de certains membres du Parti socialiste progressiste (PSP), du Parti syrien national social (PSNS), du Parti démocratique de l’émir Talal Arslane et du mouvement Amal à l’encontre des scrutateurs du candidat aouniste, Hikmat Dib, il faudrait répondre par l’affirmative. Dans les régions de Choueifate du jurd de Aley et certaines zones de la banlieue sud de Beyrouth, à l’instar de Ghobeiri, la tension a atteint son paroxysme, si bien que des incidents plus ou moins graves ont été signalés. Un climat qui tranche avec l’atmosphère de liesse générale qui a prévalu dans le « fief aouniste » (les régions de Wadi Chahrour, Bsous, Bdedoun, Houmel...) tout au long de la tournée de M. Dib.
Pour Hikmat Dib, la journée commence à Hadeth, sa région natale. Dès les premiers kilomètres, dans une modeste voiture louée, au côté d’autres cadres du courant aouniste, Georges Haddad et Patrick Khoury, Dib s’arrête à plusieurs reprises, descend de sa voiture, serre les mains des citoyens, sourire aux lèvres. Une habitude dont il ne se départira à aucun moment durant tout son parcours, de Baabda à Haret Hreik. Le candidat cherche à cultiver son image de militant proche des soucis populaires, dans le style propre au courant aouniste, ce qu’il réussit plutôt bien.
Ses premières visites, Dib les réserve aux bureaux électoraux de Hadeth, déserts à cette heure. Même la mobilisation des aounistes, vêtus de tee-shirt et de casquette couleur orange – et qui sont d’ordinaires si dynamiques –, est plutôt timide. Le candidat aouniste vient à peine d’entamer sa tournée que déjà, on lui signale certaines irrégularités. À Mreijé, apprend-il, seul le scrutateur aouniste s’est présenté devant le bureau de vote, qui n’a toujours pas ouvert pour cette raison. Les listes d’électeurs délivrées par le ministère de l’Intérieur au courant aouniste ne sont pas mises à jour: plusieurs noms sont par conséquent occultés. Ce qui fait dire à M. Haddad, directeur de l’information au CPL, excédé : « S’ils trichent, ils peuvent facilement l’emporter. »
À 8h, de passage à Baabda, Hikmat Dib rencontre son rival Henri Hélou. Les deux hommes échangent une poignée de main et posent longuement pour les photographes, pendant que Dib martèle : « Ce qui nous importe, c’est la démocratie, d’abord, partout, pour tous. » Un échange verbal au vitriol l’oppose, l’espace d’un instant, à un membre de la machine électorale de Henri Hélou, mais le climat reste très détendu, sportif, entre les deux hommes. Les scrutateurs de Imad Hajj se comptent sur le doigts de la main. Quant à Mounir Bejjani, sa présence est tout à fait marginale. Dans une déclaration aux médias, Dib dénonce l’intrusion des municipalités dans le processus électoral, une plainte qui sera maintes fois réitérée un peu partout par le courant. Certains cadres aounistes, soutient-il, ont été menacés – par téléphone –, dans les dernières 24h, par des fonctionnaires de municipalité. Un vieil homme, qui se déplace difficilement sur des béquilles, s’approche de lui, l’embrasse et lui dit : « Je viens voter pour vous, quitte à devenir hémiplégique. »
À Furn el-Chebback, Dib assiste à la mise en branle de la machine aouniste, qui l’acclame, brandissant des drapeaux libanais et des photos du général Aoun en civil : « Nous affirmons haut et fort que nous sommes avec Hikmat Dib. » Puis, à la grande stupéfaction des FSI, les aounistes sortent les gros slogans : « Nous ne voulons que l’armée libanaise au Liban », ou « Nous ne voulons pas d’un Parlement défenseur de la Syrie. » Le taux de participation est très faible, par opposition à l’excitation qui monte dans les rangs des partisans du général Aoun. Ils forment un convoi important, qui, usant du « klaxon du général » à gogo et brandissant des photos de Aoun (en civil), de Samir Geagea et de Béchir Gemayel, va accompagner Dib tout au long de sa tournée en « pays chrétien ».
À Hadeth, Dib, qu’une foule de militants acclame haut et fort, dépose son bulletin dans l’urne à 10h30, avant de faire une tournée épique dans le fief chrétien. De Wadi Chahrour à Kahalé, en passant par Houmel, Bleibel, Bdedoun et Bsous, l’immense convoi d’une vingtaine de voitures conduites par des militants gonflés à bloc suit les moindres faits et gestes du candidat aouniste, qui reçoit un accueil triomphal de la population. Hikmat Dib ne se fait pas d’illusions: il sait que le gros de sa base est dans cette région, ce qui le conduit à aller systématiquement à la rencontre des citoyens. L’essentiel étant d’inciter les électeurs à aller voter pour « la démocratie, le changement et la libre décision ». À Kahalé, où les scrutateurs de Mounir Bejjani ovationnent – pour de vrai – Hikmat Dib, Haddad donne ses consignes au courant : le candidat aouniste fera tout seul sa tournée dans la banlieue sud, sobrement. Le temps n’est pas aux provocations, d’autant plus que, dans la région druze, par exemple, les aounistes ont du mal à faire face au climat milicien imposé par certains partisans de Walid Joumblatt.
À Haret Hreik, patelin du général Aoun, Dib apprend qu’il bénéficie de la quasi-totalité des voix chrétiennes de la zone. Il apprend aussi que le taux de participation chiite est relativement faible et pas nécessairement en sa défaveur. Pourtant, dans les bureaux de vote, il reçoit un accueil plutôt froid, qui contraste fortement, il est vrai, avec les ovations de Wadi Chahrour. Une dame portant le voile affirme sans ambages à L’Orient-Le Jour qu’elle est venue voter pour « le vrai candidat du changement et de la libre décision, Hikmat Dib ». Une scène qui se répète plusieurs fois, signe que le Hezbollah n’a pas vraiment mis tout son poids dans la bataille et que la zone chiite a, contre toute attente, une certaine marge de liberté par rapport aux principales formations présentes dans la région.

Terreur à Choueifate
et à Ghobeiri
Tandis que le calme prévaut dans la région chrétienne et dans les zones chiites de Baabda-Aley, des heurts sont signalés un peu partout dans le jurd de Aley et, surtout, à Choueifate. Choueifate, où, selon des sources aounistes, un scrutateur de Hikmat Dib a été agressé et menacé par des individus armés de couteaux. Sur place, la tension est immédiatement perceptible et un climat milicien règne dans la région. Dans les bureaux de vote de Amara et de Amroussiyé, il ne reste plus aucun scrutateur aouniste. Interrogés par L’Orient-Le Jour sur cette absence, les responsables des bureaux de vote affirment : « Ils ne se sont jamais présentés », ou bien « Ils ont été voter à Hadeth. » En réalité, les derniers aounistes sur place, silencieux, se trouvent à l’extérieur du bureau de vote et craignent de s’exprimer en public. Ils sont terrorisés. Autour d’eux, il y a des dizaines de partisans de Talal Arslane, de Walid Joumblatt et du PSNS, drapés aux couleurs de leurs partis. Les portraits des deux leaders druzes sont accrochés partout. L’un des aounistes, baissant la voix, murmure : « Nous avons été molestés, ce matin, par les gens du PSP, du PSNS et d’Arslane. L’atmosphère est très tendue ici. » Mais à peine a-t-il ouvert la bouche qu’un partisan du PSP intervient pour l’interrompre. Un silence lourd de sens plane dans la localité à majorité druze. Les aounistes sont effrayés par la dureté qu’ils rencontrent dans la région, un climat auquel ils n’étaient pas préparés, et qui est sans doute le résultat de la diatribe anti-Aoun tenue par Walid Joumblatt quelques jours auparavant. Pourtant, le taux de participation druze n’est pas particulièrement élevé. Les propos du seigneur de Moukhtara n’ont pas eu l’effet escompté de ce côté-là. Par contre, ils ont très certainement empoisonné le climat de la bataille.
Scénario similaire à Ghobeiri et à Mreijé, dans la banlieue sud, où plusieurs personnes se font arracher de leurs mains des bulletins pro-Hikmat Dib. Toujours à Mreijé, deux femmes voilées, scrutateurs pour Hikmat Dib, se font interpeller par les services de renseignements, selon leurs témoignages. « Vous êtes des chrétiennes déguisées en musulmanes », leur auraient dit les deux hommes en civil, avant de les embarquer puis de les relaxer... sans leur permis de scrutateur. Une information que les deux agents, en déclinant leur identité, prendront soin de venir démentir eux-mêmes à L’Orient-Le Jour, après avoir bien vérifié l’identité du journaliste.
Enfin, à Ghobeiri, contrairement à Bourj-Brajneh où l’atmosphère est plutôt bon enfant – 6 % de participation sunnite seulement –, le mouvement Amal terrorise à souhait devant les bureaux électoraux. Là aussi, les scrutateurs aounistes sont évincés. Les partisans d’Amal provoquent même les FSI : « Nous formons la Résistance, nous avons le droit de faire ce que nous voulons. » Des incidents rapidement circonscrits par les forces de l’ordre. Ici, le courant de Michel Aoun, qui compte un certain nombre de partisans chiites locaux, est obligé de faire profil bas, pour éviter les querelles. Les affinités restent secrètes.
Dans la banlieue sud comme à Choueifate, le grand pari du PSP, d’Arslane, d’Amal et du Hezbollah était de mobiliser des électeurs désintéressés face à la machine aouniste. Le résultat n’a pas été à la hauteur des aspirations: 18 % seulement de participation, selon les premières estimations, côté chiite, et approximativement le même taux côté druze. Des statistiques qui constituent, a contrario et dans tous les cas de figure, une victoire pour Michel Aoun devant la coalition des bulldozers de la circonscription.
Sfeir : Nous restons loin de la démocratie
Le patriarche maronite Nasrallah Sfeir a affirmé hier qu’à « chaque échéance électorale, preuve est faite que nous sommes encore loin du système démocratique ». Dans son homélie dominicale prononcée à Dimane, il a ajouté: « Dans les pays civilisés, les électeurs vont voter puis vaquent à leurs occupations, sans altercation, sans provocation d’aucune sorte. » Notons par ailleurs que le cardinal Sfeir a regagné Bkerké vers 14h, après avoir passé tout l’été à Dimane. Il était accompagné à son retour de l’évêque Chucrallah Harb et des pères Michel Awit, Boutros Alam et Youssef Tok. La veille, samedi, Mgr Sfeir avait reçu Mme Sethrida Samir Geagea, qui a voulu remercier le patriarche d’avoir parrainé la messe du 7 septembre en mémoire des martyrs des Forces libanaises.
Le CPL fait part de toute une série
d’incidents et d’illégalités
Le Courant patriotique libre, dont le candidat, Hikmat Dib, se présentait hier à la succession au siège de Pierre Hélou dans la circonscription de Baabda-Aley, a publié hier un communiqué dénonçant une série d’incidents dont ses scrutateurs ont été la victime, ainsi que bon nombre d’actes illégaux. À 5 heures du matin, dit le communiqué, 35 scrutateurs aounistes ont été menacés, directement ou par téléphone, si jamais ils rejoignanient les bureaux de votes auxquels ils ont été affectés. À Khreibé, « des membres des renseignements syriens ont tabassé un militant, Georges Abboud, ainsi que d’autres, sans aucune justification ». À Choueifate, « des partisans du ministre Talal Arslane ont tabassé et humilié le militant Alexis Berbéri et l’ont menacé d’un couteau, l’obligeant à quitter » les lieux où il se trouvait. « Ils ont également vandalisé la voiture d’un électeur, Riad Abdallah. » Le communiqué du CPL fait également état de violations de la loi dans trois villages de la circonscription, « où des électeurs, hommes et femmes, ont pu voter avec leur extrait d’état civil ou leur carte d’identité ». Dans d’autres villages, « certains présidents de municipalité ou moukthars ont fait pression sur les électeurs en faveur de Henri Hélou », ajoute le communiqué, qui souligne que les ministres Karim Pakradouni et Abdallah Farhat, accusés d’« abus de pouvoir », ont mis leurs voitures de fonction « au service des électeurs » de Henri Hélou. Enfin, le communiqué met en garde contre l’interdiction faite à plusieurs de ses scrutateurs d’entrer dans les bureaux de vote, « toutes les tricheries sont ainsi possibles », et déplore, « avec colère et tristesse, la partialité des médias audiovisuels, tout entiers consacrés à la promotion d’un seul candidat », Henri Hélou.
Lteif: « On a ravivé les tensions
confessionnelles »
Commentant la partielle, le représentant du CPL, le général Nadim Lteif, a indiqué que de manière générale, la bataille électorale s’est bien déroulée « jusqu’à ces quelques derniers jours lorsque des questions d’ordre confessionnel ont été soulevées et qu’on a ravivé des souvenirs de guerre auxquels aucun Libanais ne voudrait revenir à mon avis », a-t-il déclaré, en allusion aux déclarations du chef du PSP, Walid Joumblatt.
« Depuis quatre ou cinq jours donc, la situation a complètement changé. Il y a eu une sorte de tentative de raviver les tensions confessionnelles qui s’est traduite aujourd’hui, notamment à partir de 11h, par les incidents qu’on a constatés », à Kfarmatta, a-t-il déclaré.
Michel HAJJI GEORGIOU
La partielle de Baabda-Aley a-t-elle réellement pris une tournure confessionnelle, comme le prédisaient certaines figures politiques des semaines avant le scrutin ? S’il faut se fier aux provocations – voire aux agressions – qui se sont produites hier dans les régions druzes et chiites de la part de certains membres du Parti socialiste progressiste (PSP), du Parti syrien...