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Baabda-Aley - Une troisième partielle en 36 mois marquée par un maximum de malentendus et de zones d’ombre L’enjeu de la bataille n’est plus le fauteuil de Pierre Hélou

Au Metn, c’était on ne peut plus clair : après quelques petits ratés au démarrage, au sein d’une opposition dont certains pôles ont un peu tardé à comprendre la nécessité d’une bataille – quelque aurait été son résultat – défendue bec et ongles par Nassib Lahoud, le schéma était clair. La shakespearienne bataille (avec les rocambolesques et scandaleux résultats que l’on sait) a eu lieu entre l’âme damnée du pouvoir, Michel Murr, qui a imposé son Iphigénie de fille, et le porte-drapeau choisi par l’opposition chrétienne, soudée autour d’un de ses leaders les plus naturels, en la personne du frère, Gabriel. À Saïda, c’était aussi on ne peut plus clair : Moustapha Saad avait écrasé, du haut de ses deux cent mille voix et plus encore, l’alliance contre nature et le rouleau compresseur du caza, qu’incarnaient sans peur et avec beaucoup de reproches Nabih Berry et Bahiya Hariri. Personne n’a eu la mauvaise idée de se ridiculiser en testant, à la mort du chef de l’Organisation populaire nassérienne, sa popularité face au candidat désigné d’office, son frère Oussama.
Demain, il y aura bataille. Une combat singulier, pour la succession de Pierre Hélou à l’un des cinq sièges maronites de la circonscription de Baabda-Aley. Un duel dont les protagonistes seront le fils de Pierre Hélou, Henri Hélou, ainsi que le candidat désigné par Michel Aoun, Hikmat Dib. Le premier comptera avec l’impressionnant et très hétéroclite soutien du Hezbollah (un peu schizophrène), du PSP (Walid Joumblatt a sérieusement écorné, certes sans préméditation aucune, son crédit de leader national, sans compter qu’il a offert, sans le vouloir, un joli cadeau à Hikmat Dib), d’Amal, de Talal Arslane, du PCL, des Kataëb de Karim Pakradouni (déchaîné), des FL loyalistes de Fouad Malek, du PSNS, et d’un tiers de Kornet Chehwane : Nayla Moawad, Boutros Harb, Amine (qui a beaucoup gesticulé) et Pierre Gemayel. Le second sera appuyé par le CPL et le BCCN, tous deux d’obédiences aouniste, par l’opposition Kataëb emmenée par Élie Karamé, par Nadim Béchir Gemayel (le timing de son baptême du feu n’est pas vraiment judicieux), par des groupuscules de gauche, un cadre FL, Selmane Samaha, Fouad Abou-Nader, et par un second tiers de KC : Farès Souhaid, Mansour el-Bone, Gabriel Murr, Chakib Cortbawi (bon perdant), Farid el-Khazen, ainsi que le FL Jean Aziz. Deux autres candidats viendront tenter leur chance : l’outsider Imad Hajj (12 824 voix reçues en 2000), ainsi que Mounir Bejjani.
Des trois législatives partielles qu’a donc connues le pays en un peu plus d’un an et demi, celle de Baabda-Aley est celle qui a accumulé, en très peu de temps, et rien qu’avec les prises de position des différents alliés, des manques de perspicacité. Des zones d’ombres. Et un maximum de malentendus.
L’objet de la bataille, d’abord. Du strapontin de Pierre Hélou place de l’Étoile (avec, en toile de fond, une éventuelle et fracassante entrée d’un aouniste dans l’hémicycle) – enjeu tout naturel au départ –, cet obscur objet du désir des uns et des autres s’est petit à petit transformé, au gré des interventions et des fantasmes des uns et des autres. Il a muté. Le véritable enjeu est aujourd’hui non pas, seulement, la mobilisation et le civisme des électeurs comme au Metn l’an dernier, mais la participation puis la récupération des chrétiens d’une circonscription ultramétissée, couleur druzo-christiano-chiite, par l’un ou l’autre des deux camps. 33 % des chrétiens inscrits sur les listes électorales ont participé au scrutin de 2000. À combien s’élèvera, demain, ce pourcentage ? Dans quel état se retrouvera l’opposition (chrétienne), à commencer par KC ?
La donne de départ ensuite. Les cartes ont été faussées, volontairement ou pas, d’entrée de jeu. Ainsi, l’on a fait en sorte de travestir le deal, dans la tête des électeurs, en un schéma simpliste et réducteur, calqué sur celui du Metn : un candidat du pouvoir vs un candidat de l’opposition. Henri Hélou, s’il a bénéficié de l’appui de la quasi-totalité des proches du pouvoir, est loin d’être l’homme du régime. Quant à Hikmat Dib, même s’il a avec lui des piliers de l’opposition, de nombreux ténors au sein de celle-ci n’ont pas voulu se prononcer et bon nombre d’entre eux ont même décidé d’appuyer le fils de Pierre Hélou. Cette brouille, perverse, des cartes pèsera certainement dimanche, d’un côté comme de l’autre de la balance.
Troisième malentendu : opposer l’héritage politique et la volonté d’en assurer la pérennité (le tout flanqué d’un de ces mots en isme qui n’ont jamais rien voulu dire : féodalisme) au changement. Il est clair que ce n’est pas en se contentant de répéter à longueur de journée que l’on veut faire comme papa que l’on arrivera à convaincre. Même si les critiques assourdissantes de Pierre Hélou contre le pouvoir – ou, plutôt, contre une partie du pouvoir en place : Rafic Hariri – résonnent encore, bienfaisantes, aux oreilles des Libanais. Et avec une loi électorale telle que celle prévalant aujourd’hui, le féodalisme, aussi condamnable soit-il, permet au moins de diminuer le nombre de candidats, insupportables et inutiles pour la plupart d’entre eux, parachutés par Damas.
Quant au changement... quel changement ? Avec Michel Aoun, ce changement ressemblera comme deux gouttes d’eau à un désastreux retour en arrière – les Libanais en général et les chrétiens en particulier s’en souviennent encore. Il est grand temps que le général en exil comprenne qu’il n’a rien d’un Lépine, qu’il n’a rien inventé – à part une ruine chrétienne –, et qu’il n’a aucunement l’apanage du patriotisme, du souverainisme ou de l’indépendance du Liban. Le changement, à l’échelle nationale, ce sont les jeunes cadres du CPL qui pourraient l’apporter, ceux qui ont mouillé leur chemise, ceux que l’on pourrait, à la limite, qualifier de aounistes, mais qui, pour la plupart, sont tout sauf aounistes. Et qui ont tenu à écarter la moindre photo de Michel Aoun de la campagne de Hikmat Dib.
Cela sans compter que Henri Hélou comme Hikmat Dib ont tous deux bâclé, au cours de leurs meetings ou dans leur programme, l’un des principaux soucis des Libanais en général, des électeurs de Baabda-Aley en particulier : les relations libano-syriennes et la cancérigène tutelle de Damas.
Quatre : mettre en parallèle l’éthique et les mains propres dont jouit, incontestablement, Henri Hélou, avec la drague effrénée – mais justifiée et nécessaire –, par Hikmat Dib, des jeunes. Principales victimes, premiers laissés-pour-compte par un État-furoncle, putrescent de corruption, d’indifférence et d’irresponsabilité, bourrés d’illusions par une idole, Michel Aoun.
Pirncipale zone d’ombre : le pouvoir. Qui serait en train, disent certains, de jouer les Machiavel de troisième zone et privilégier Hikmat Dib pensant ainsi écraser Kornet Chehwane. Sachant qu’il faudrait ajouter à cela la volonté du régime de redorer son blason, par le biais du ministre de l’Intérieur, on ne peut plus républicain cette fois, et qui s’emploie à effacer des mémoires sa scandaleuse et inoubliable performance au cours de la partielle du Metn l’an dernier.
Autre manque de perspicacité : décider quand une bataille électorale (l’essence d’une démocratie) est nécessaire ou pas, et adopter une neutralité totale, plus ou moins bienveillante. À l’instar des FL, du PNL, du BN, du Tachnag, du courant du Futur de Rafic Hariri ou du RD de Nassib Lahoud. Qui a raté une jolie et indispensable occasion de se démetnéiser, à près d’un an de la présidentielle.
Les chiffres enfin. Un observateur avisé du terrain à Baabda-Aley estime que si le nombre de voix qui assureront une victoire se situe au-dessous de 20 000, Hikmat Dib sera sûr de l’emporter. Qu’entre 20 et 25 000, ce sera particulièrement serré. Et qu’au-dessus de 25 000, la victoire de Henri Hélou sera écrasante. Sachant que près de 240 000 inscrits sont appelés à participer au scrutin de dimanche.
À dimanche donc.

Ziyad MAKHOUL
Au Metn, c’était on ne peut plus clair : après quelques petits ratés au démarrage, au sein d’une opposition dont certains pôles ont un peu tardé à comprendre la nécessité d’une bataille – quelque aurait été son résultat – défendue bec et ongles par Nassib Lahoud, le schéma était clair. La shakespearienne bataille (avec les rocambolesques et scandaleux...