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Entretien - La leader nordiste annonce une position commune du FNS sur, entre autres, les relations libano-syriennes Nayla Moawad : Le pouvoir agit comme s’il voulait privilégier Hikmat Dib pour écraser Kornet Chehwane (photo)

Elle n’était, hier, que la femme de..., puis la veuve d’un bien éphémère président de la République, sauvagement et lâchement assassiné. Simple députée de Zghorta ensuite, cantonnée, presque, aux commissions de la Femme et de l’Enfant, parfaite bonne conscience d’une Chambre bourrée de 124 ou 125 machistadors qui la regardaient et l’écoutaient d’une petite et condescendante oreille, tenter d’asseoir son avenir professionnel sur l’héritage politique de son mari. Et puis elle a appris. À se faire un prénom. À trier le bon grain de l’ivraie. À foncer. Comme un taureau qui n’a peur de rien. Elle a acquis un à un les galons de véritable « zaïmé » au Liban-Nord, damant le pion à un Frangié superman, permettant à certains de ses collègues musulmans de garantir leur strapontin place de l’Étoile grâce aux voix de ses électeurs chrétiens qui ne jurent désormais que par elle. Elle a réussi à détourner l’attention des Libanais de ses changements de coiffure, de ses petits éclats de rire ou de son accent arabe façon lady d’Arbanville, devenant ainsi un incontournable leader politique au plein sens du terme.
Nayla Moawad s’est fait un prénom. Aujourd’hui pilier incontournable de l’opposition à l’ensemble des pôles du pouvoir, qu’elle soit, cette opposition, de l’Est politique – Kornet Chehwane – ou franchement nationale – le Front national pour le salut (FNS), avec, entre autres, Hussein Husseini, Omar Karamé ou Sélim Hoss –, elle défend bec et ongles ses credos : la souveraineté et l’indépendance du Liban, la guerre contre la corruption, la gestion malade du pays, la crise économique, la situation des jeunes, etc. Des chevaux de bataille qu’elle n’a pas manqué de développer, sans fausse pudeur ni langue de bois, au cours d’une discussion à bâtons rompus avec L’Orient-Le Jour, à travers l’actualité, chaude, que connaît le pays : l’élection partielle à Baabda-Aley, les réformes et les campagnes de dénigrement qui vont avec, le devenir de KC et la naissance du FNS, les échéances électorales dans quelques mois, etc. Des prises de position surprenantes de lucidité.

« Henri Hélou devrait... »
Dès qu’il s’agit de l’élection partielle à la succession de Pierre Hélou dans la circonscription de Baabda-Aley, il est difficile pour Nayla Moawad de faire abstraction des affinités électives, politiques comme amicales, qui lient sa famille à celle du défunt. Et pourtant...
Henri Hélou en candidat du pouvoir ? « Sûrement pas. Et les gens qui s’élèvent contre le fait qu’il soit le fils de son père et qu’il se présente en tant que tel se souviennent des déclarations et des critiques tonitruantes que Pierre Hélou multipliait à l’encontre du pouvoir. Et puis les mains propres et l’éthique irréprochable de Henri Hélou parlent pour lui. »
Sa volonté de succéder à son père a été un bon choix ? « Oui. Il a bien fait. Mais il ne suffit pas de répéter tous les jours “je ne suis pas le candidat du pouvoir”. Ni d’être le fils de son père. Il faut que Henri Hélou tire bénéfice du crédit laissé par Pierre Hélou. Pour convaincre le maximum de personnes, Henri Hélou devrait profiter des quelques jours qui lui restent pour être plus agressif dans sa communication avec ses concitoyens. Plus précis sur les sujets qui touchent ses électeurs : la situation et l’avenir des jeunes, la souveraineté et l’indépendance nationales, la lutte contre la corruption, le redressement économique et, surtout, la responsabilité à tous les niveaux des pôles du pouvoir en place dans la crise actuelle. » C’est dit.

Aoun « n’a pas le monopole du patriotisme »
Qu’un aouniste soit le candidat de l’opposition en lieu et place d’un membre de Kornet Chehwane ne vous désole pas ? « Cela fait dix ans que je me bats pour convaincre les Libanais comme les pôles de l’opposition de ne boycotter aucune échéance électorale. Surtout qu’en face, nous n’avions que des participations de complaisance à l’égard du pouvoir. Quant à la responsabilité de l’électeur dans la participation au changement, elle a été confirmée lors de la partielle du Metn, malgré l’utilisation par le pouvoir du Conseil constitutionnel afin de falsifier le choix de l’opinion publique. Je ne peux donc que me féliciter (et KC également) de la mobilisation des jeunes, comme de la participation d’un aouniste. Non seulement parce que c’est un signe patent de bonne santé démocratique, et parce que le Liban se meurt des désignations d’office, notamment au sein des institutions administratives ou du Conseil constitutionnel, mais parce que Michel Aoun a finalement reconnu ce qu’il a combattu pendant des années. À savoir les institutions, le Parlement, Taëf... ».
Et les critiques, nombreuses, de l’ancien Premier ministre en exil contre KC et certains de ses membres ? « Avec tout le respect que je porte au général Aoun, il est évident qu’il ne peut pas fonder sa vision du Liban sur la certitude qu’il est le seul à prôner et défendre l’indépendance du Liban. Il ne peut pas espérer avoir le monopole du patriotisme, du souverainisme ou de la participation à des élections. Il doit enfin réaliser qu’une opposition est beaucoup plus forte unie que divisée, et que son combat ne doit pas être mené contre ceux qui essaient de rebâtir le Liban – Kornet Chehwane –, mais contre ceux qui continuent d’exploiter le pays – les pôles du pouvoir. »

KC « n’a plus le droit à l’erreur »
Est-ce que Kornet Chehwane n’aurait pas dû profiter de la partielle à Baabda-Aley pour concrétiser une vision et une décision fluide, naturelle, commune ? « Il est vrai que les gens sont déçus par KC, et que nous aurions dû tabler sur la législative partielle du 14 septembre pour jouer notre rôle, celui de rassembleur de l’opposition. Je comprends la déception des Libanais, et je dis clairement que nous n’avons plus le droit à l’erreur. Il faut bien comprendre qu’il n’y a pas de divisions au sein de KC, mais qu’il n’y a certes pas eu, non plus, de position unifiée. Et si KC avait voulu unifier sa position, elle l’aurait fait sur le nom de Chakib Cortbawi. Sauf que Henri Hélou, contrairement à Myrna Murr l’an dernier au Metn, est loin d’être un symbole du pouvoir. Et que nous n’avions pas la même urgence, en tant qu’opposition, de faire face, loin de là, à un candidat du régime. » Les choses sont claires.
Et si jamais le aouniste Hikmat Dib devenait, le 15 septembre, le 128e député libanais, cela voudra-t-il dire que le pouvoir aura écrasé, d’une façon ou d’une autre, son ennemi intime, Kornet Chehwane ? « C’est ce que le pouvoir semble penser. C’est en tout cas en ce sens qu’il agit. » Là aussi, la réponse de Nayla Moawad est on ne peut plus claire.

La position commune à venir du FNS
Il y a quelques jours, naissait le Front national pour le salut (FNS), avec, autour de vous, rien que des ténors – Hussein Husseini, Omar Karamé, Sélim Hoss et Boutros Harb –, ainsi que l’ancien député Albert Mansour, qui a remplacé au pied levé un sixième ténor, Pierre Hélou. Pourquoi ce FNS ? Pour vous blinder, avec Karamé et Harb, en prévision des législatives 2005 au Liban-Nord ? Pour assurer à l’ancien Premier ministre et au député du Batroun un tremplin plus fort en fonction de leurs appétits respectifs pour le Sérail et pour Baabda, dans un an ?
« Pas du tout. Ce projet n’est pas tout à fait nouveau, cela fait longtemps que nous y pensons. La plupart d’entre nous étaient alliés de facto au Parlement, et ce front sera amené à être élargi. Il était nécessaire, en cette période critique, de constituer un véritable front islamo-chrétien, de réunir les énergies pour une position commune, de créer une véritable dynamique, sur le plan national. » Sachant surtout que les tentatives régulières du pouvoir de miner et de dynamiter Kornet Chehwane ont affaibli ce rassemblement, et diminué sa capacité à relancer, à lui seul, le dialogue national. Et les lazzi acerbes de Joumblatt à l’encontre du FNS ? « C’est un excellent signe. Et qui sait, peut-être, un jour, verrez-vous Walid bey à nos côtés. » L’invitation semble en tout cas lancée.
Rien de concret, dans le futur plus ou moins proche, pour le FNS ? Quelque chose qui le distinguerait des innombrables regroupements d’acteurs politiques, qui fleurissent de saison en saison au Liban ? « Si. Sachez que bientôt, nous allons aboutir à une position commune sur les problèmes qui touchent les Libanais : les relations libano-syriennes, toutes les réformes indispensables à la résurrection du pays, la situation économique, la lutte contre la corruption, la jeunesse et enfin, surtout, une loi électorale saine, seule capable de garantir tout ce que je viens de citer. » Une position commune entre Nayla Moawad, Boutros Harb et Albert Mansour d’un côté, Hussein Husseini, Omar Karamé et Sélim Hoss de l’autre, sur les relations entre Damas et Beyrouth ? Ce serait, si cela se faisait, une bombinette dans le landernau politique local. L’affaire est définitivement à suivre.

Le « gros problème de crédibilité » de Lahoud
Votre rival nordiste, Sleiman Frangié, a vivement condamné, il y a quelques jours, les campagnes politiques menées presque tous azimuts contre le Premier ministre. Qu’en pensez-vous ? « Je suis pour toutes les campagnes, à condition qu’elles visent et atteignent les vrais responsables. Le président Hariri est responsable de la situation dans laquelle se débat le pays, mais il n’est pas le seul. Il faut que toute la clique au pouvoir porte et assume la responsabilité de la catastrophe à laquelle nous sommes arrivés. Et je trouve très peu convaincante la bataille que mène une partie du pouvoir contre une autre. Au final, ils sont tous aussi responsables les uns que les autres. » Les campagnes politiques doivent viser même Émile Lahoud ? « Bien évidemment. »
Le chef de l’État a décidé de consacrer la dernière partie de son mandat, et de toutes ses forces, aux réformes. « Nous sommes pour les réformes initiées par le président Lahoud. Mais je reste sceptique. Il y a un très gros problème de crédibilité lorsque, dans le même temps, on annonce avec tambours et trompettes des réformes, tout en fermant ostentatoirement le dossier de la banque al-Madina. Un dossier dont le maître-mot est, sans doute aucun, la corruption. Cette crédibilité du chef de l’État avait d’ailleurs déjà été mise en cause dès le départ, au début de son mandat, il y a quatre ans. Et puis, quoi qu’on dise, quoi qu’on fasse, il ne peut y avoir de véritable réforme sans que les libertés, l’État de droit, la démocratie et l’indépendance de la justice ne soient garantis. Prenez la MTV. En la prohibant, le pouvoir nous a privés d’un organe de contrôle majeur. »
Inutile de vous demander, enfin, si vous seriez pour ou contre la reconduction du président Lahoud ? « Je m’oppose farouchement à toutes les reconductions. Que ce soit au sein du Conseil constitutionnel, du Conseil national de l’audiovisuel, des municipalités, ou en ce qui concerne la présidence de la République. Tous les amendements de la Constitution à des fins personnelles, toutes les logiques et les velléités de reconduction ne font qu’étouffer et tiers-mondiser encore plus le Liban. »
Le seul problème, c’est que cette tiers ou cette quart-mondialisation ne semble pas gêner, aux entournures, grand monde. Nayla Moawad, finalement, est démodée. Heureusement.
Ziyad MAKHOUL
Elle n’était, hier, que la femme de..., puis la veuve d’un bien éphémère président de la République, sauvagement et lâchement assassiné. Simple députée de Zghorta ensuite, cantonnée, presque, aux commissions de la Femme et de l’Enfant, parfaite bonne conscience d’une Chambre bourrée de 124 ou 125 machistadors qui la regardaient et l’écoutaient d’une petite et...