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Modérantisme et logique d’État, la ligne iranienne vivement applaudie à Beyrouth


Pour certains officiels, et pour des diplomates, qui appréhendaient sourdement la visite du chef d’un État connu pour des positions de lutte, la visite tout en douceur et componction de Khatami a constitué une heureuse surprise. Dans son mot devant le Parlement, il a évoqué avec clarté une logique d’État fondée sur des principes rationnels, comme sur des valeurs moralement élevées. Il a insisté sur la nécessité impérieuse d’un dialogue des cultures. Et il s’est, surtout, fait le chantre du modérantisme, en répétant qu’il faut éviter toute escalade, autrement dit toute attitude de défi, de provocation, de confrontation heurtée. Sans omettre les mérites de la résistance armée, il a pressé les Libanais de préserver cette unité des rangs, cet attachement à la démocratie, qui leur ont permis de libérer le Sud. Ce réformateur, dont les théories sont combattues par les conservateurs de son pays, n’hésite pas à soutenir que la démocratie en tant que telle n’est pas antonyme de la religion ni l’inverse d’ailleurs. Il ajoute qu’il ne faut pas faire du surplace, mais veiller à faire évoluer les systèmes, à restructurer les régimes par le dialogue. Pour un peu on croirait entendre dans sa bouche le terme de remodelage.
Des parlementaires du cru remarquent l’identité de vues qu’expriment le pape et Khatami quand ils traitent du dialogue de culture. Ainsi que leur jonction sur la définition d’un Liban modèle de coexistence dans la mosaïque régionale. Le président iranien, à l’instar du souverain pontife, prend figure de missionnaire de paix. Il récuse les despotismes, le langage de la force ou de la violence. Tout en défendant les droits des peuples à vivre dans la dignité, au sein d’un État véritablement indépendant, libre et démocratique. Il tend ouvertement la main aux chrétiens, en rendant hommage à leur soutien à la Résistance, ce qui lui a donné une couverture nationale entière. Il a dit et redit qu’il faut se montrer modéré. Pour ne pas donner de prétextes à Israël. Il réaffirme son soutien à tous les Libanais, sans distinction de fraction ou de communauté, ainsi qu’à leur Résistance pour la libération complète de leur territoire. En glissant là une allusion assez claire : il faut que ce mouvement continue à faire montre de lucidité et sache où poser les pieds dans chaque phase...
Cet ensemble de messages positifs a donc été bien accueilli par les professionnels locaux, mais également par les chancelleries accréditées à Beyrouth. Qui se sont plus particulièrement arrêtées, c’est bien normal, sur le volet régional et international de ses propos. Les diplomates occidentaux ou arabes notent que le président iranien se montre conscient de la gravité des temps présents, du poids considérable des pressions exercées, de la modification des données de base et de la nécessité de les aborder avec un prudent sang-froid. Tout en mettant les États-Unis en garde contre des débordements, tout en leur imputant la responsabilité des convulsions régionales, Khatami proclame que l’Iran ne recourra pas à l’escalade et ne l’encouragera pas chez autrui.
En ce qui concerne le Liban, Khatami a confié à ses interlocuteurs que l’on peut être satisfait du climat d’entente qui règne dans ce pays au sujet des grandes questions. Loin de jeter de l’huile sur le feu, comme certains l’avaient craint ou espéré, le président iranien a pressé les Libanais de favoriser le langage de la raison, de la modération, de l’interaction positive et de la concorde nationale. Il les invite tous, Résistance comprise, à se rassembler autour des institutions constitutionnelles. Et il affirme son appui à la ligne suivie par l’État libanais. Toujours d’après ses visiteurs, Khatami se félicite d’avoir pu entendre le patriarche Sfeir rendre hommage à la Résistance en tant que telle et lui indiquer que les contacts sont maintenus avec le Hezbollah.
Des politiciens locaux notent que dans la phase actuelle, des relations tripartites solides semblent devoir s’établir entre Beyrouth, Damas et Téhéran. Ils ajoutent que Khatami a beaucoup mis l’accent sur la coordination, sur la concertation et sur l’aide mutuelle. Il a de même indiqué que son soutien va d’abord à l’État libanais, et que son appui à la Résistance ne signifie pas qu’il approuverait une logique contestant la primauté de l’État. Autrement dit, c’est ce dernier qui doit détenir les cartes majeures et décider quoi en faire. Les mêmes sources concluent en relevant que la visite de Khatami vient consolider une orientation de détente intérieure. Marquée, peu auparavant, par les positions de Bkerké qui a pris ses distances par rapport aux revendications extérieures, américaine et française notamment, relatives au retrait syrien.
Philippe ABI-AKL
Pour certains officiels, et pour des diplomates, qui appréhendaient sourdement la visite du chef d’un État connu pour des positions de lutte, la visite tout en douceur et componction de Khatami a constitué une heureuse surprise. Dans son mot devant le Parlement, il a évoqué avec clarté une logique d’État fondée sur des principes rationnels, comme sur des valeurs moralement...