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Justice - Publication de l’acte d’accusation du juge d’instruction Riad Talih Faire du Liban « un nouvel Afghanistan », le projet manqué de la bande du McDonald’s

Le premier juge d’instruction militaire, Riad Talih, a publié hier son acte d’accusation dans l’affaire du réseau terroriste salafiste proche de la nébuleuse el-Qaëda, que les services de renseignements de l’armée sont parvenus à démanteler au printemps, après un attentat manqué le 5 avril dernier contre l’enseigne de restauration rapide MacDonald’s, dans le secteur de Nahr el-Mott-Dora.
Le juge d’instruction a traduit devant la justice militaire 30 Libanais et 4 Palestiniens soupçonnés d’avoir « mis sur pied un réseau terroriste ». Cinq des 34 prévenus sont en outre accusés d’avoir dynamité quatre enseignes américaines de restauration rapide.
Selon l’acte d’accusation, un certain nombre de prévenus sont également accusés d’avoir planifié sans succès trois attentats contre l’ambassadeur des États-Unis, son convoi et le siège de l’ambassade.
Le juge d’instruction a en outre ouvert une enquête sur cinq personnes, un Yéménite, trois Palestiniens et un Syrien, retranchés dans le camp de Aïn el-Héloué.

L’empire du mal
L’histoire du réseau démantelé, rapporte notre chroniqueur judiciaire, Bahjat Jaber, ressemble à celle de nombreux autres groupes islamistes radicaux qui se croient investis d’une mission planétaire : porter des coups aux États-Unis et à leurs alliés, pour provoquer l’effondrement d’un empire qu’ils considèrent comme étant celui du mal, et faire triompher leur cause, qu’ils identifient à celle de l’islam.
Cette histoire remonte à l’afflux au Liban d’éléments islamistes chassés d’Afghanistan, après l’effondrement du régime des talibans. Certes, les groupes islamistes étaient déjà implantés au Liban avant cette date, comme le prouvent les incidents de Denniyé (décembre 1999-janvier 2000). Mais la débandade islamiste qui avait suivi la riposte américaine aux attentats de septembre 2001, en provoquant un reflux de ces éléments sur un Liban aux frontières perméables, avait considérablement enrichi le réservoir où les têtes pensantes du terrorisme puisent leurs bombes humaines. La présence des camps palestiniens, îlots jouissant tacitement du droit de l’extraterritorialité, en raison de la conjoncture régionale, n’était pas pour arranger les choses.
Au Liban, conclut notre chroniqueur, ces éléments se sont mélangés aux autochtones, qui comptent malheureusement parmi eux des conscrits de l’armée, et ont cherché à poursuivre leur lutte, par les seuls moyens qu’ils possédaient, les moyens terroristes et les attentats de types divers, dans l’intention de faire du Liban « un nouvel Afghanistan ».

Objectifs machiavéliques
Au compte des objectifs manqués ou des attentats planifiés par la bande figurent plusieurs plans pour assassiner l’ambassadeur des États-Unis au Liban, Vincent Battle, dont la plus machiavélique consistait à faire exploser une partie du tunnel de Chekka sur le convoi qui devait l’emmener à Tripoli. L’attentat avait été planifié après l’échec d’une première tentative d’atteindre le diplomate en visite à Tripoli, au moyen de roquettes.
Le réseau avait également envisagé de piéger un planeur et de l’envoyer s’écraser sur une partie du complexe de l’ambassade américaine, à Aoukar. Toutefois, faute d’un pilote, ils avaient choisi de lancer au moins des roquettes de type Law contre le bâtiment de l’ambassade, à partir de bases camouflées dans les terrains vagues situés en contrebas de la chancellerie.
Leurs plans prévoyaient également un attentat majeur contre le siège de l’ambassade de Grande-Bretagne à Beyrouth.

Des savants russes
L’acte d’accusation précise que la bande avait décidé de s’attacher les services de deux « savants russes », dont l’un s’était converti à l’islam, notamment pour planifier des attentats à l’arme biologique. Au demeurant, l’acte d’accusation énumère une série d’autres objectifs que la bande terroriste comptait atteindre, et notamment un attentat contre le Casino du Liban, un autre contre le siège des services de renseignements syriens rue Mar Maroun, à Tripoli. Ce dernier attentat devait être attribué au courant aouniste et permettre ainsi à la bande de faire coup double.
Cette même bande, ajoute le document, avait planifié l’enlèvement d’un professeur de l’Université américaine de Beyrouth (AUB) par des étudiants proches des milieux islamistes. Coïncidence, le professeur avait effectivement disparu le soir où devait se produire l’enlèvement, mais pour d’autres raisons. Porté disparu par ses collègues inquiets sur son sort, il était apparu qu’il avait passé la nuit au domicile d’un de ses amis étudiants, en dehors du campus.
Parmi les autres objectifs d’attentats figuraient le temple hindou de Nahr Ibrahim et des permanences du Fateh dans les camps palestiniens.
Associée au groupe palestinien Isbat al-Ansar, la bande avait réussi à placer de petites charges explosives dans un certain nombre d’établissements aux enseignes américaines : le Kentucky Fried Chicken et le Pizza Hut à Tripoli, le Winner’s et le Pizza Hut à Maameltein, le Spinney’s à Tripoli et le McDonald’s à Jounieh et Nahr el-Mott.
Plusieurs débits de boissons alcoolisées à Tripoli avaient également fait les frais de bombes et charges explosives.
L’établissement Aïshti et le stand Estée Lauder, le Spinney’s de Saïda et des assassinats de personnalités politiques figuraient également parmi les objectifs potentiels du groupe.

Un « pur hasard »
C’est à un « hasard » ou encore à une maladresse des terroristes qu’on doit le démantèlement de leur réseau. Le 5 avril, en effet, le groupe avait planifié un attentat contre le McDonald’s de Nahr el-Mott. Une charge de faible ampleur, cachée dans les lavabos du restaurant, avait explosé, faisant des blessés légers. Elle devait être suivie, quelques minutes plus tard, d’une seconde explosion : celle d’une Renault bourrée de 65 kilos de dynamite assortis de trois bouteilles de gaz butane, garée dans le parking de l’établissement, qui devait faucher le plus grand nombre de clients qui se seraient, entre-temps, enfuis du restaurant. Mais par miracle, la voiture piégée avait été mal préparée, et l’explosion du détonateur n’a pas provoqué l’explosion de la charge.
L’identification du propriétaire de la Renault piégée devait permettre l’arrestation de l’« émir » du groupe islamiste, Mohammed Yehia Kaaké, un homme lié au groupe Isbat al-Ansar. Son lieutenant, un ressortissant yéménite dont on ne connaît que le surnom « Ibn Chahid » (le fils du martyr), est toujours retranché à l’intérieur du quartier islamiste du camp de Aïn el-Héloué, sous la protection du groupe palestinien Isbat al-Ansar dont l’« émir » est Abdel Karim Saadi, alias « Abou Mahjane ».
On rappelle qu’Abou Mahjane est condamné à mort par la justice libanaise, en tant que commanditaire de l’assassinat de cheikh Nizar Halabi (1995), l’« émir » de l’Association des projets de bienfaisance islamique, une organisation prosyrienne.

La peine capitale
Dans son acte d’accusation, le premier juge d’instruction a requis la peine capitale contre cinq des accusés arrêtés : les conscrits Loukmane Yehia Kaaké et Walid Mohammed Omeïra, Mohammed Saadeddine Taha, Khaled Mohammed Ali et Rouchdi Zouheir Gébara. La perpétuité a été requise pour Mohammed Yehia Kaaké, Mahmoud Ibrahim Hammoud, Wissam Youssef Moghrabi, Bilal Sleimane Halloum, Mohammed Ahmed Haïdar, Ahmed Abdel Kader el-Etr, Ahmed Sélim Mikati, Bilal Saadallah Khezhel, Abdel Aziz Hilal Abdel Aziz, Fady Ahmed Tiba, Maher Saadallah Khezhel, Abdel-Ilah Mohammed Jassem, Nasser Mostapha Omar, Ahmed Abdel Kader Kaddour et Abdel Nasser Saïd Singer. Une peine de sept ans de prison a été requise, pour appartenance à un groupe terroriste « dans le but de porter atteinte aux personnes et à leurs biens » contre onze autres personnes, et une peine de trois ans de prison contre un certain nombre d’autres individus accusés de « recel d’information ».
Le premier juge d’instruction militaire, Riad Talih, a publié hier son acte d’accusation dans l’affaire du réseau terroriste salafiste proche de la nébuleuse el-Qaëda, que les services de renseignements de l’armée sont parvenus à démanteler au printemps, après un attentat manqué le 5 avril dernier contre l’enseigne de restauration rapide MacDonald’s, dans le...