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Souverainiste jusqu’au bout

Avec Albert Moukheiber, c’est un certain Liban qui s’est éteint l’an dernier. Patriarche de l’opposition, l’esprit vif et l’œil toujours perçant malgré son âge vénérable, il prêchait depuis la fin de la guerre tout seul dans un désert parlementaire affligeant, martelant inlassablement le même message : « Les forces syriennes doivent se retirer du Liban. Notre pays doit retrouver sa souveraineté, son indépendance et sa libre décision. » Au milieu d’un Parlement largement syrianisé, ce credo ne pouvait qu’amuser, jusqu’aux limites de l’irritation, des responsables enlisés depuis longtemps dans les bourbiers de la « concomitance des volets ». Toujours animé par « la flamme de ses vingt ans » – il se plaisait à le répéter à tout venant –, Albert Moukheiber fut égal à lui-même jusque dans la mort. Téméraire, obstiné, il avait fait de sa vie un combat sans répit au service d’un Liban souverain, unitaire et démocrate. Un irrédentisme qui le conduit, comme son compagnon Raymond Eddé, à rejeter tout ce qu’il jugeait comme pouvant être néfaste à « son » Liban national : accord du Caire, accord de Taëf, traité de fraternité et de coopération avec la Syrie... Sur son lit de mort, à l’hôpital, il se réjouit du départ des forces syriennes de son village natal de Beit-Méry. Symbole de cette nécessité, chez ce ténor du Parlement, à jeter toutes ses forces dans la bataille, jusqu’aux limites de l’impossible. Un an après, que reste-t-il de la légitimité quasi nationale d’Albert Moukheiber ? De sa ligne politique, de sa voix qui tonnait au Parlement pour défendre la démocratie et la souveraineté ? Pas grand-chose, sans doute. Son départ a fait l’effet d’un séisme au Metn, qui, un an après, ne s’en est toujours pas remis. Son âme de démocrate aurait-elle accepté l’idée d’une succession familiale, anticonstitutionnelle, réalisée dans des conditions défiant les principes mêmes du « moukheiberisme » ? N’aurait-il pas préféré que se réalise enfin son rêve de redynamisation de son parti pluraliste, le Rassemblement pour la République, un moyen d’institutionnaliser sa vision du Liban et son discours souverainiste ? Il reste que le franc-parler, l’assurance et la détermination de Moukheiber nous manquent cruellement en ces temps où le devenir du Liban se joue, d’une manière ou d’une autre, sur l’échiquier mondial. Albert Moukheiber aurait pour sa part lancé, sans sourciller, avec un mélange de prestance, de ruse et de simplicité désinvolte : « Tout ce que nous réclamons, c’est l’application de la résolution 520 du Conseil de sécurité. » D’une voix chevrotante et décidée qui ne cesse, aujourd’hui, de nous hanter. Michel HAJJI GEORGIOU
Avec Albert Moukheiber, c’est un certain Liban qui s’est éteint l’an dernier. Patriarche de l’opposition, l’esprit vif et l’œil toujours perçant malgré son âge vénérable, il prêchait depuis la fin de la guerre tout seul dans un désert parlementaire affligeant, martelant inlassablement le même message : « Les forces syriennes doivent se retirer du Liban. Notre...