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SOCIÉTÉ - La fréquentation est en deçà des normales saisonnières Les restaurateurs de Beyrouth s’inquiètent : « bonjour les dégâts » si la guerre d’Irak se prolonge

Les restaurateurs de Beyrouth ont eu chaud. Et pour cause : accusant une baisse progressive la semaine précédant le début de la guerre d’Irak, les restaurants, pubs et boîtes de nuit de la capitale ont été littéralement désertés durant les premières quarante-huit heures de l’attaque menée par les forces américano-britanniques. Le déclenchement de la guerre est-il l’unique cause de cette chute de la fréquentation ou d’autres facteurs, le mauvais temps notamment, ont-il contribué à clouer, des jours durant, plus de 50 % des habitués des restaurants devant leur poste de télévision ? À l’heure où ces lieux retrouvent une certaine animation, les restaurateurs confient leurs impressions mais aussi leur inquiétude pour la saison à venir. C’est comme s’ils s’étaient donné le mot. Dès le début des opérations contre l’Irak, le jeudi 20 mars à l’aube, les gens n’ont plus bougé de devant leur petit écran, sauf pour aller travailler, désertant restaurants, boîtes de nuit, pubs et autres lieux de loisirs. Les restaurateurs ne savent plus à quel saint se vouer, ils parlent d’une baisse de fréquentation de l’ordre de 15, 30, 50 ou même 75 %, toutes spécialités confondues. « C’est une catastrophe, surtout durant la semaine et à midi », observe un restaurateur de la région de Sodeco, convaincu que la guerre est le facteur essentiel de l’importante baisse de fréquentation de son restaurant. Si le soir, notamment en week-end, il a constaté une légère amélioration de l’activité, celle-ci reste bien en deçà des normales saisonnières. Non loin de là, un restaurant-bar, également boîte de nuit durant le week-end, a accusé, lui aussi, une baisse sensible de fréquentation. Estimée à 35 % par le gérant, Makram Rabbat, elle serait uniquement liée à la guerre, selon ses propos. « Nous connaissons les habitudes des consommateurs, remarque-t-il. C’est leur curiosité qui les a poussés à rester collés à leurs postes de télévision dès le début de la guerre. Mais nous savons pertinemment bien qu’ils recommenceront à sortir d’ici à quelques jours et que la guerre d’Irak ne sera plus leur obsession quotidienne. » En effet, contacté de nouveau en début de semaine, le gérant déclare avoir affiché complet durant le week-end. « Compte tenu de la situation économique du pays et de la baisse généralisée des dépenses moyennes de la clientèle depuis plusieurs années, le week-end passé était excellent », constate-t-il, ajoutant avoir même refusé du monde le vendredi. Mais il ne peut s’empêcher d’ajouter avec prudence que ce n’est pas vrraiment le boom et que le marché de la restauration est en perte de vitesse depuis la crise économique. Les propos de Pierre Iskandar, PDG d’une société regroupant plusieurs restaurants, sont plus nuancés. S’il admet qu’une chute de 50 % a été constatée dans l’ensemble de la profession, il pense qu’elle n’est que provisoire et que l’amélioration ne saurait tarder. « Certes, observe-t-il, la guerre a directement affecté le secteur de la restauration au Liban, mais ses effets se sont limités pour l’instant aux premières quarante-huit heures de l’attaque et n’ont provoqué qu’une baisse de 20 % dans l’ensemble de nos restaurants. » Et M. Iskandar de préciser que le mauvais temps a davantage affecté le secteur que la guerre. « D’ailleurs, constate-t-il, dès que le soleil a refait son apparition, les terrasses des restaurants ont retrouvé une certaine animation. Nous sentons déjà la différence ». Dans la restauration pour jeunes, on ne voit pas les choses du même œil. Certes, l’ensemble du secteur a énormément souffert durant les deux premiers jours de la guerre d’Irak, mais les jeunes continuent à sortir et à vivre plus ou moins normalement, adaptant leurs sorties à leurs études. Quant à la baisse de fréquentation, elle serait principalement due au mauvais temps qui a vidé les restaurants du centre-ville, mais aussi au carême, considéré comme période creuse, ainsi qu’aux examens semestriels que de nombreux étudiants présentent. « D’autant plus que le secteur dépend principalement de la jeunesse locale et moins des touristes, en cette saison », comme l’explique un des responsables de la chaîne Crêpaway, également actionnaire d’un certain nombre de pubs et restaurants dans différentes régions de Monnot et du centre-ville. Et d’exprimer néanmoins ses craintes d’une guerre prolongée qui risquerait d’affecter le tourisme, portant ainsi un coup dur, non seulement à la restauration, mais à l’ensemble de la chaîne économique du pays. Dans l’attente de jours meilleurs Certes, si la capitale demeure moins touchée que les autres régions du pays, il n’en demeure pas moins que le mauvais temps persistant avait particulièrement affecté les commerçants et restaurateurs du centre-ville. « Le facteur climatique est très important dans ce secteur », remarque le propriétaire d’un bar-restaurant, dont les habitués, âgés entre 22 et 35 ans, rechignent à se promener dans la zone piétonne sous une pluie battante, selon ses dires. Interrogé à son tour par L’Orient-Le Jour, le président du syndicat des restaurateurs, Paul Ariss, estime la baisse de fréquentation des restaurants de Beyrouth à environ 50 %, depuis le début de la guerre d’Irak, la majorité de la population ayant été à l’affût des informations télévisées durant cette période. « Cette baisse a été principalement ressentie durant les quelques premiers jours suivant le début des opérations militaires contre l’Irak », précise-t-il, ajoutant que le week-end passé a été le plus normal possible pour la majorité des restaurateurs de Beyrouth, qu’ils soient situés à Achrafieh, au centre-ville ou à Raouché. Et M. Ariss de spécifier que le marché de la restauration accuse néanmoins une baisse de 20 à 40 % par rapport à une situation normale, compte tenu de la crise économique et de la baisse du pouvoir d’achat des gens. « Une crise que les restaurateurs de Beyrouth ressentent certainement moins que d’autres régions du pays », constate M. Ariss. « D’ailleurs, poursuit-il, les restaurants qui proposent des prix étudiés, dans une moyenne de 15 à 25 dollars par personne, travaillent le mieux, car le consommateur ne veut ni ne peut payer plus. » Quant aux dispositions prises par l’ensemble de la profession en cette période difficile, le président du syndicat répond tout bonnement que les restaurateurs se serrent la ceinture en attendant des jours meilleurs. « Nous pratiquons une politique de survie, en attendant l’été », observe-t-il, tout en osant espérer que la guerre ne durera pas jusqu’à l’été. « Si le tourisme est affecté, cela risque d’être dramatique pour les restaurateurs et l’ensemble du secteur. Car, conclut-il, le client libanais ne suffit pas à lui seul à faire tourner l’activité touristique. » Anne-Marie EL-HAGE Cinéma : recul des entrées, diffusions reportées À l’instar des restaurants, le secteur du cinéma a subi une baisse sensible estimée à 27 % depuis le déclenchement de la guerre contre l’Irak. Une baisse qui est différemment interprétée par les deux régies gérant les salles de cinéma du pays et qui vient s’ajouter à la diminution des entrées, liée à la crise et constatée depuis quelques années. S’exprimant au nom des circuits Empire, Bassam Eid constate une baisse de 29 % de la fréquentation des salles de ce circuit durant la première semaine de la guerre. S’il constate une diminution sensible de la fréquentation des salles de cinéma dans la région du Nord et plus précisément à Tripoli, Gilbert Chammas, PDG des circuits Planète-Abraj, relativise cette baisse dans les autres régions du pays. « Certes, à Beyrouth et au Kesrouan, ce n’est pas la joie, mais nous en sommes en partie responsables. Vu le déclenchement de la guerre, nous avons freiné la sortie de certains films à succès pour éviter de les griller. Mais nous ne tarderons pas à les diffuser, car nous sommes persuadés que les gens s’habitueront au phénomène de la guerre », explique-t-il. Et M. Chammas d’ajouter que dans le secteur du grand écran, les variations sont fréquentes d’une semaine à l’autre et peuvent atteindre 40 %, en fonction du film diffusé.
Les restaurateurs de Beyrouth ont eu chaud. Et pour cause : accusant une baisse progressive la semaine précédant le début de la guerre d’Irak, les restaurants, pubs et boîtes de nuit de la capitale ont été littéralement désertés durant les premières quarante-huit heures de l’attaque menée par les forces américano-britanniques. Le déclenchement de la guerre est-il...