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Sécurité - Le Fateh chargé par les formations palestiniennes de capturer Abdallah Chraïdi La tension au camp de Aïn el-Héloué à son paroxysme (photo)

Les formations palestiniennes, aussi bien islamiques que laïques, ont confié hier au Fateh la mission d’arrêter Abdallah Chraïdi, chef du groupuscule Jamaat an-Nour, qui a tué par balles dimanche dernier son cousin Nazih Chraïdi, membre de la police palestinienne chargée de la sécurité du camp. Un communiqué signé par toutes les factions palestiniennes, à l’exception de Jamaat an-Nour, a souligné que « le Fateh a été chargé d’arrêter Chraïdi... Les mesures adéquates seront également prises à l’encontre de toute personne qui mettrait en danger la sécurité du camp ». À la suite de cette décision, des dizaines de combattants armés et casqués se sont déployés autour des permanences du Fateh et du Commandement de la lutte armée palestinienne (Clap), en position de combat, alors que des hommes en armes circulaient dans le quartier as-Safsaf, sanctuaire des fondamentalistes palestiniens et des partisans de Chraïdi. À la suite de ces développements, le secrétaire général de l’OLP au Liban, Sultan Abou el-Aynaïn, a indiqué, dans un entretien avec L’Orient-Le Jour dans le camp de Rachidiyé, que « le Fateh utilisera tous les moyens pour arrêter Chraïdi et que l’intervention armée n’est pas à écarter ». Soulignant la nécessité « de mener une opération chirurgicale pour extirper le cancer qui s’appelle Abdallah Chraïdi, qui met en danger le camp en le faisant apparaître comme un repaire de terroristes et de repris de justice », Abou el-Aynaïn a vivement critiqué l’attitude de l’État libanais « qui veut limiter le pouvoir de l’OLP dans les camps, notamment à Aïn el-Héloué ». Il y a bien longtemps que la population du camp de Aïn el-Héloué, qui compte soixante-dix mille habitants sur un kilomètre carré, n’a pas vécu une telle tension. Hier, pour la première fois, contrairement à l’accoutumée, les habitants du camp n’ont pas tiré de joie quand la nouvelle de l’attentat de Haïfa leur est parvenue. Les écoles sont fermées depuis lundi matin, à la suite du meurtre perpétré par Abdallah Chraïdi. Hier, chaque sirène d’ambulance faisait sursauter les habitants de Aïn el-Héloué. De plus, depuis le début de la semaine, les routes du camp sont quasiment désertes et beaucoup d’habitants du Liban-Sud, ayant l’habitude d’effectuer leurs achats dans le grand marché du camp, n’osent plus y mettre les pieds. Un nombre non négligeable de personnes qui habitent le quartier as-Safsaf, zone qui compte environ 6 000 habitants, ont déserté leurs maisons pour se réfugier chez des parents résidant dans un autre secteur ou pour loger avec femmes et enfants dans leur fonds de commerce, situé au marché. Durant la journée, les ombres des hommes de Chraïdi, en tout une vingtaine selon plusieurs sources, planent sur le quartier comme des fantômes. À la nuit tombée, ils sont là, bien apparents, dressant des barrages et vérifiant l’identité des passants, imposant ainsi une sorte de couvre-feu. Abdallah Chraïdi a vingt-trois ans. Il a été condamné trois fois par contumace à la peine capitale par les autorités libanaises. Fils de Hicham Chraïdi, fondateur de Esbat al-Ansar, il bénéficiait jusqu’à dimanche dernier du soutien tacite de Abou Mehjen, actuel chef du groupuscule islamiste. Il a commencé à être connu auprès des Palestiniens de Aïn el-Héloué en l’an 2000, quand il avait tué un commandant du Fateh, Amine Kaëd, responsable, lui, de l’assassinat de Hicham Chraïdi. C’est à la faveur de l’affaire Abou Obeida, meurtrier libanais qui avait assassiné trois soldats en juillet dernier et qui avait trouvé refuge chez Chraïdi et son groupuscule Jamaat al-Nour, que le jeune intégriste a commencé à se faire connaître en publiant des communiqués haineux, menaçant de liquider les « mécréants » et de mettre Aïn el-Héloué et le Liban à feu et à sang. À cette époque, et à l’issue de longues négociations, le Hamas et Esbat al-Ansar avaient décidé de remettre le criminel aux autorités libanaises. L’affaire avait provoqué une redistribution des cartes entre les formations islamistes de Aïn el-Héloué. Le représentant du Fateh à Aïn Héloué, Maher Choubeïta, explique à L’Orient-Le Jour la nouvelle donne qui est ainsi apparue : « Les sympathisants de Chraïdi qui avait donné refuge à un musulman libanais ont augmenté. Le Hamas a perdu du terrain et Esbat al-Ansar a laissé faire Chraïdi, pour deux raisons. D’abord, même si Abdallah Chraïdi a fait scission du groupement fondamentaliste en 1997, il demeurait le fils de Hicham, le fondateur. De plus, Esbat al-Ansar ne pouvait pas, jusqu’à dimanche dernier, évincer Abdallah Chraïdi par peur de créer un précédent dans ce domaine et d’avoir éventuellement à subir à son tour des représailles d’un autre groupuscule fondamentaliste de Aïn el-Héloué. » Après la soixantaine d’attentats et plusieurs mois de tension, l’assassinat de dimanche dernier a modifié la situation. Commentant les circonstances de l’incident de dimanche, Maher Choubeïta – à l’instar de Khaled Aref, secrétaire général de l’OLP au Liban-Sud, et de Sultan Abou al-Aynaïn – affirme que l’assassinat de Nazih Chraïdi n’est nullement lié à la liquidation, samedi dernier, de Khaled el-Masri (le fondamentaliste égyptien qui résidait dans le camp depuis une dizaine d’années après avoir combattu en Afghanistan contre les troupes soviétiques). Il n’en demeure pas moins que le meurtre de Nazih Chraïdi semble être le fruit d’une vendetta familiale doublée d’un conflit entre fondamentalistes et partisans du Fateh. Pour l’heure, ce qui aggrave la situation est le fait que les frères de la victime refusent d’enterrer leur mort ou de recevoir des condoléances jusqu’à ce que Abdallah Chraïdi paie le prix. Et jusqu’à hier soir, le cadavre de la victime reposait toujours à la morgue d’un hôpital voisin, et Abdallah Chraïdi demeurait libre – mais caché – au quartier as-Safaf. « Après l’invasion de 1982, ce genre d’attitude tribale avait disparu du camp », raconte Choubeita, soulignant que c’est à la suite de l’incident de dimanche et de l’attitude des parents de la victime que les autres groupuscules islamistes ont décidé de négocier avec le Fateh. « Abdallah Chraïdi est devenu gênant, capable de faire basculer le camp dans la violence », indique-t-il. Réunion élargie à la permanence du Fateh Face à cette situation explosive, des représentants de toutes les forces de Aïn el-Héloué se sont réunis hier, pour la première fois, à la permanence du Fateh. Au terme des débats, un communiqué a été publié appelant à l’arrestation de Abdallah Chraïdi. L’organisation Esbat el-Ansar et le Mouvement populaire combattant (de cheikh Jamal Khattab), deux groupements qui font le poids au quartier as-Safsaf, se sont fait représenter par d’autres forces islamistes qui participaient à la rencontre. Interrogé par L’Orient-Le Jour, Khaled Aref, secrétaire général de l’OLP au Liban-Sud, a indiqué que « le Fateh fera en sorte de capturer, mort ou vif, Abdallah Chraïdi. Nous sommes cependant soucieux de préserver la vie des innocents à Aïn el-Héloué ». Ceci est-il possible dans le camp le plus peuplé du Liban ? « Nous ferons en sorte de limiter les dégâts matériels et humains », dit-il encore en soulignant que « toutes les parties présentes à Aïn el-Héloué refusent d’accorder leur soutien à Abdallah Chraïdi, considéré désormais comme un criminel ». De son côté, Sultan Abou el-Aynaïn, interrogé par L’Orient-Le Jour dans son fief de Rachidiyé, près de Tyr, n’était « pas surpris » par les « déclarations de guerre » faites la veille par Abdallah Chraïdi, qui avait menacé « de trancher les têtes de la corruption et de la trahison, celle du traître Sultan Abou el-Aynaïn en premier lieu ». Commentant ces propos, Abou el-Aynaïn souligne que « ce groupement vendu est habitué à tuer des Palestiniens innocents et à publier de tels communiqués ». « Ce n’est pas ainsi qu’ils affecteront ma détermination à sanctionner tous ceux qui veulent porter atteinte aux intérêts du peuple palestinien », affirme-t-il. Où l’organisation Jamaat an-Nour de Abdallah Chraïdi puise-t-elle son soutien et son financement ? Abou el-Aynaïn accuse, certes, « le Mossad israélien qui veut donner une image erronée du camp de Aïn el-Héloué, celle d’un repaire de terroristes ». N’y a-t-il pas d’autres soutiens à part le Mossad ? « Bien sûr, il existe d’autres parties qui le protègent ou qui le financent », déclare le responsable du Fateh. « Ce sont sûrement des forces ou des personnes qui ne sont pas présentes à Aïn el-Héloué », indique-t-il. Et certaines zones du camp ne sont-elles pas effectivement des îlots d’insécurité et des refuges de terroristes, notamment le quartier fondamentaliste as-Safsaf ? « Nous en finirons avec ce phénomène à Aïn el-Héloué une fois pour toutes et la loi de la jungle ne régnera plus dans certaines zones du camp », dit-il. « Malheureusement, il y a plusieurs forces présentes à Aïn el-Héloué et la situation profite à plusieurs parties », note-t-il sans pour autant nommer ces parties, soulignant que « Jamaat an-Nour a affaibli par ses agissements d’autres groupuscules islamistes à l’intérieur du camp et ces derniers en sont conscients ». « Le camp ne restera pas l’otage d’un fou ou d’un agent, et Abdallah Chraïdi devrait être jugé au nom des habitants », dit-il. Toutes les factions présentes à Aïn el-Héloué ont chargé le Fateh de capturer Chraïdi. Pourquoi l’OLP n’a pas pris dès le début le leadership de ce camp ? « Parce que le gouvernement libanais a ses propres calculs, souligne Abou el-Aynaïn. La condamnation à mort dont j’ai été l’objet en 1999 avait pour but de limiter la force du Fateh, ou de l’empêcher d’être une autorité de référence pour les réfugiés palestiniens au Liban. Si le Fateh tenait entièrement Aïn el-Héloué, les problèmes du camp ne se seraient pas aggravés », souligne-t-il en conclusion tout en affirmant ne pas vouloir « se laisser entraîner dans des polémiques avec le gouvernement libanais ». Patricia KHODER
Les formations palestiniennes, aussi bien islamiques que laïques, ont confié hier au Fateh la mission d’arrêter Abdallah Chraïdi, chef du groupuscule Jamaat an-Nour, qui a tué par balles dimanche dernier son cousin Nazih Chraïdi, membre de la police palestinienne chargée de la sécurité du camp. Un communiqué signé par toutes les factions palestiniennes, à l’exception de Jamaat...