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BARREAU - Le bâtonnier de Beyrouth s’est adressé à la Fédération internationale des avocats à New York Raymond Chédid : « Les droits civils et politiques sont constamment bafoués au Liban »

Des lois souvent iniques, qui empêchent les électeurs d’exercer leur droit de vote, une autorité judiciaire loin d’être indépendante, un pays privé d’une partie de son indépendance et des institutions qui fonctionnent plutôt mal que bien. Le constat établi par le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth, M. Raymond Chédid, à New York, devant la Fédération internationale des avocats et en présence du secrétaire général des Nations unies, M. Kofi Annan, est loin d’être positif. Mais, pour cet éminent juriste, le Liban reste « un pays aux ambitions humanitaires illimitées, décidé à faire rayonner dans la région meurtrie du Proche-Orient les principes auxquels il croit ». Mais il lui faudrait, pour y arriver, l’aide des nations du monde. C’est en tout cas le message que le bâtonnier a voulu faire parvenir. Puisse-t-il être entendu. Voilà de larges extraits du discours de Me Raymond Chédid, un modèle de modération et, en même temps, de réalisme : « Évoquer les droits de l’homme au Liban, c’est avant tout se remémorer un éminent libanais, en l’occurrence le Dr Charles Malek qui, représentant son pays aux Nations unies un certain 10 décembre 1948, fut l’un des pionniers qui ont œuvré à l’élaboration de la Charte de l’Onu. C’est se rappeler que le même Charles Malek a eu le privilège d’en rédiger le préambule, qui énonce les principes de base de cette Charte tant attendue par les peuples, après des siècles d’oppression, de lutte et d’espérance. « Le Liban, quant à lui, dans le préambule de sa constitution remaniée en 1990, s’est approprié la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948, l’incorporant par référence et la considérant par conséquent comme une partie intégrante de sa Constitution. La Déclaration s’applique ainsi à tous les libanais, qui jouissent par là de tous les droits et libertés qu’elle consacre ou reconnaît. « Mais le principe est une chose et l’application en est une autre. Le Liban sort dévasté... « Il n’est nul besoin de rappeler, en ce siège des Nations unies où les nations meurtries ont si souvent tenté de panser leurs plaies, que le Liban sort dévasté d’une guerre destructrice qui a duré plus de quinze ans et qui a été marquée par les actes les plus barbares, occasionnant des pertes humaines, économiques et culturelles d’une ampleur effroyable. « Dans le contexte du Liban de l’après-guerre, le barreau de Beyrouth, porte-parole depuis sa création en 1919 de ceux qui n’ont pas de voix, ou de ceux qui en sont privés, a dû et su se dresser comme le véritable défenseur des libertés publiques et des droits fondamentaux. En l’absence de réelles institutions, ou en présence d’institutions affaiblies voire impuissantes, l’Ordre des avocats s’est érigé en pôle d’attraction, et c’est vers lui que converge aujourd’hui la grande majorité des doléances et plaintes relatives à l’exercice des droits de l’homme sur le terrain et dans les faits. « Chaque fois qu’un tel exercice a été entravé au Liban par une action policière ou même judiciaire, c’est l’Ordre des avocats qui a pris la défense des droits de l’homme et de leur exercice, apportant sans défaillir son soutien inconditionnel aux victimes des atteintes et violations. « De fait, pour ne donner que quelques exemples récents, dont l’évocation est néanmoins douloureuse, le barreau de Beyrouth n’a pas failli à sa mission de dénonciation et d’opposition, lors d’une série d’événements spectaculaires durant l’été 2001, marqués par l’intervention musclée d’agents de la sûreté au siège d’une organisation d’opposants, par l’arrestation et le passage à tabac d’un nombre de ses partisans et leur transfert devant des tribunaux d’exception, par l’interdiction définitive à une station de télévision et de radio, jugée par trop hostile au pouvoir en place, de diffuser et d’émettre ses opinions, ainsi que par l’interdiction partielle faite à une autre chaîne de télévision de diffuser un programme sous le prétexte – arbitraire – que son contenu serait nuisible au régime d’un pays proche, il y a de cela à peine quelques semaines encore. « De même, des atteintes permanentes sont portées à l’exercice du droit à organiser et à participer à des manifestations, que ces dernières soient organisées par des partis politiques ou par des mouvements syndicaux, estudiantins, enseignants, ouvriers, agriculteurs ou autres. Toutes, sans exception, ont été dénoncées sans concession par l’Ordre des avocats, à la fois par voie verbale, écrite, radiodiffusée et télévisée, et se sont traduites par des mesures prises par le barreau, allant jusqu’à l’arrêt du travail, la grève et le boycott de certaines institutions par les avocats. « Véritable pôle de diffusion, l’Ordre des avocats ne rate aucune occasion de manifester son attachement profond au plein exercice des droits de l’homme, organisant ainsi de nombreux colloques, séminaires, conférences et réunions afin de débattre des thèmes relevant des droits de l’homme, tels les droits de la femme, les droits de l’enfance, les droits des détenus, les droits des personnes enlevées ou disparues, la lutte contre la torture, les crimes de guerre ou les crimes de discrimination religieuse ou ethnique. Un long chemin reste à parcourir « Tout ceci ne veut pas dire que l’idéal est atteint, loin de là. Un long chemin reste à parcourir en effet, d’autant plus que l’entrave provoquée par la guerre des autres sur le sol libanais a significativement retardé des réformes qui pourtant s’annonçaient imminentes. « Il est vrai que le Liban, de par sa Constitution, est une démocratie parlementaire. Cependant, depuis la fin de la guerre, toutes les lois que l’on a adoptées relativement aux élections des représentants du peuple libanais se sont avérées iniques, empêchant les électeurs d’exercer leur droit de vote, faussant la représentation lorsque ces mêmes électeurs décidaient tout de même de l’exercer, creusant par là un fossé sans cesse grandissant entre le peuple et les gouvernants, du fait de la non-représentativité de ces députés imposés, qui se distinguent trop souvent par leur obédience étrangère. « L’autorité judiciaire, quant à elle, est loin d’être indépendante, malgré les efforts souvent déployés par certains magistrats probes et intègres, avec le soutien de l’Ordre des avocats, visant à l’ériger en un véritable pouvoir, comme l’exige le principe de séparation adopté par toutes les démocraties depuis Montesquieu et comme le proclame pourtant la Constitution libanaise elle-même. « Les droits civils et politiques, les libertés individuelles et les sûretés, consacrés par la Constitution et protégés par les lois, sont cependant constamment menacés et bafoués. Ainsi, malgré l’élaboration récente, avec le concours du barreau de Beyrouth, d’un nouveau code de procédure pénale, ce texte est toujours loin d’être appliqué. L’état des prisons au Liban est désastreux, les conditions de détention sont précaires et les prisons sont donc bien loin de remplir leur rôle de lieux de correction, d’amendement et de réhabilitation. « De même, la loi sur les associations, dont le texte archaïque est toujours en vigueur depuis l’occupation ottomane, est trop souvent violée par le pouvoir exécutif, violation qui vient s’ajouter à celles qui sont à l’actif de ce même pouvoir et que nous avons précédemment citées. Ainsi, il est aujourd’hui quasiment impossible de constituer librement une association au Liban, le régime de simple déclaration s’étant transformé en un régime d’autorisation préalable, partial et inquisiteur. « Le Liban n’a, hélas, aujourd’hui encore, pas recouvré son entière indépendance et sa pleine souveraineté, puisqu’une partie de son territoire est toujours occupée par Israël et que la présence armée et politique de la Syrie pèse lourd sur la liberté de notre pays d’agir et de décider. Il se voit ainsi privé de moyens et de recours, mais il reste cependant, de toute évidence, que le peuple libanais aspire ardemment à se libérer du joug de ses occupants, quels qu’ils soient. Les droits de l’homme ne peuvent en effet connaître leur plein épanouissement dans un contexte de dépendance et d’alignement tel que celui du Liban actuel. « Pour conclure, malgré les épreuves et les difficultés, le Liban a toujours été et restera un message de foi et d’espérance, de fraternité et d’ouverture, une terre d’accueil et de rencontre, où la différence est un facteur de dialogue et d’enrichissement mutuel, un pays aspirant à la liberté, à la paix et à la concorde. « Puissent les nations du monde entendre ce message et aider ce petit pays aux ambitions humanistes illimitées à se maintenir et à prospérer, afin de pouvoir, à partir de là, propager et faire rayonner, dans la région meurtrie du Proche-Orient et jusqu’au monde entier, les principes auxquels il croit et qu’il défend, et qui ne sont que ceux énoncés par la Déclaration universelle des droits de l’homme des Nations unies, qu’il se targue d’avoir participé à élaborer. »
Des lois souvent iniques, qui empêchent les électeurs d’exercer leur droit de vote, une autorité judiciaire loin d’être indépendante, un pays privé d’une partie de son indépendance et des institutions qui fonctionnent plutôt mal que bien. Le constat établi par le bâtonnier de l’Ordre des avocats de Beyrouth, M. Raymond Chédid, à New York, devant la Fédération...