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BUDGET - Une loi de finances qui ne change rien aux « dogmes établis » Le déficit pour 2003 sera au minimum de 45 %, selon l’économiste Charbel Nahas

Le budget 2003 ne change rien aux « dogmes bien établis » au Liban en matière fiscale, estime l’économiste Charbel Nahas, selon qui la loi de finances ne cherche ni de près ni de loin à contrer les déséquilibres structurels de l’économie, sa mission se limitant à des mesures d’austérité. Même de ce point de vue, l’objectif des 25 % de déficit ne sera pas atteint, car, selon lui, le déficit sera d’au moins 45 % cette année. Les chiffres affichés par le budget ne sont pas réalistes, commente l’économiste. Sur la forme, d’abord, il juge curieux que les objectifs affichés en terme de déficits, fondés sur deux hypothèses essentielles, soient restés inchangés malgré la modification de ces hypothèses. Paris II a rapporté trois milliards de dollars au lieu des cinq milliards prévus et il paraît improbable d’assurer cinq milliards de dollars de recettes de privatisations dans les prochains mois. Ensuite, les premiers effets, en matière de baisse des taux d’intérêt notamment et d’impact sur le service de la dette, ne correspondent pas à ce qui est prévu dans le scénario, souligne Charbel Nahas. Les prêts obtenus à Paris II doivent assurer les besoins de financement du Trésor pour cette année. Le déficit est couvert par cette dette nouvelle de trois milliards de dollars. L’idée du ministère des Finances était donc d’utiliser les autres sources de financement disponibles pour rembourser d’anciens emprunts contractés à des taux élevés par des emprunts moins chers. « Le problème, c’est que l’accord conclu entre les banques et la Banque du Liban n’a presque aucun effet sur le Trésor, car les banques se sont servies de leurs liquidités pour souscrire aux bons à taux zéro, ce qui a laissé inchangé le stock de bons du Trésor qui coûte cher à l’État. » De plus, le gouvernement a abandonné l’idée d’obtenir une économie sur le service de la dette grâce à des opérations sur le stock de bons du Trésor détenus par la Caisse nationale de Sécurité sociale et l’Institut de garantie des dépôts. « La CNSS a refusé », explique M. Nahas, pour qui il reste la possibilité d’une contribution de la Banque centrale, qui est toutefois plafonnée par sa capacité à soutenir des pertes pendant un exercice donné. « Reste l’économie réalisée sur le renouvellement des bons dont l’échéance tombe cette année, mais leur volume est limité en raison des swaps réalisés en 2002. » Résultat, selon l’économiste, l’ensemble de ces économies représenteront au maximum 900 à 1 000 milliards de livres sur le service de la dette en 2003, « soit moins de la moitié de l’économie prévue dans le scénario concocté pour Paris II ». Si l’on ajoute à cette baisse moins grande que prévu du service de la dette les montants des arriérés dus par l’État et qui ne sont pas comptabilisés dans le budget 2003, le déficit est en fait entre 45 et 50 % cette année, ce qui est un peu mieux que le déficit réellement enregistré en 2002, poursuit Charbel Nahas. Ce déficit varie entre 50 et 55 % des dépenses en 2002, soit davantage que les 43 % annoncés par le gouvernement qui omet de comptabiliser les arriérés dus aux entrepreneurs, à la CNSS, aux expropriés… précise l’économiste. Pas de nouveauté fiscale Par ailleurs, la loi de finances pour 2003 ne présente aucune nouveauté au niveau fiscal si ce n’est la taxe de 5 % sur les intérêts qui a été introduite de façon « grossière », selon Charbel Nahas, car elle ne comporte aucune notion de progressivité et n’a aucun effet en matière d’orientation de l’épargne. L’objectif de cette nouvelle taxe concoctée à la dernière minute est clairement de combler un trou dû aux amendements décidés en commission des Finances. De ce point de vue, la première version du budget « avait au moins le mérite de la cohérence, quoi qu’on pense des mesures elles-mêmes ». Pour l’économiste, le ministre des Finances a raison de répondre aux députés que le budget est équitable. Mais selon lui, la question est mal posée. Il est faux de dire que les petits revenus sont davantage soumis à l’impôt que les gros, car « l’impôt sur les sociétés est payé par un petit nombre de grandes entreprises du pays et en particulier les banques, mais la question n’est pas là. Le problème est de savoir pourquoi ces grandes entreprises sont les seules à cumuler les deux critères suivant : être recensées sur les registres fiscaux et faire des bénéfices ». Cette situation traduit un problème macroéconomique plus grave que personne ne cherche à résoudre, à savoir l’incapacité du pays à produire des biens échangeables compétitifs. Concernant la part importante des impôts indirects, Fouad Siniora a raison de dire que le modèle libanais suit en cela la plupart des modèles du monde, mais on oublie que les impôts indirects et surtout la TVA ont un effet sur les prix, dit M. Nahas. Les impôts sont ponctionnés soit à la source, sur les revenus des contribuables, soit au moment de la consommation. La différence entre les deux n’est pas uniquement une question d’équité entre les catégories, mais aussi une question d’impact sur l’économie par l’intermédiaire de l’effet prix. « Si l’on juge qu’il n’existe pas de problème de structure des prix intérieurs par rapport aux prix extérieurs, la question n’a pas lieu d’être, or, selon moi, ce problème de la structure des prix est la tare fondamentale de l’économie libanaise, explique-t-il. Les mesures fiscales sont commandées par la facilité de leur application, dans le cadre de certains dogmes implicites qu’on se garde de remettre en cause. » On continue d’ignorer les implications économiques et sociales de la politique budgétaire, comme l’effet de distorsion sur les prix intérieurs, la structure des entreprises, etc. Et de citer le projet de création l’année prochaine d’un impôt unifié sur le revenu. Si, comme le suggère l’équipe qui travaille en coopération avec l’Insee, le revenu disponible au Liban est supérieur au revenu réalisé au Liban, il est impensable de vouloir fiscaliser uniquement les revenus produits dans le pays. Pourtant, c’est bien cette logique fiscale qui prévaut au Liban, comme l’épisode de la taxe de 5 % sur les intérêts l’a récemment montré. « Fouad Siniora est cohérent avec la logique selon laquelle il taxe uniquement les revenus réalisés au Liban », commente Charbel Nahas. Mais cette logique est contraire à ce qui se fait partout ailleurs où prévaut le principe de la résidence fiscale qui permet de taxer tous les revenus des résidents, quelle que soit leur origine, intérieure ou extérieure. « En l’absence d’un tel système, les Libanais qui font des placements à l’étranger bénéficient d’une double exonération : en tant que non-résidents dans les pays où ils placent leur argent, ils ne sont pas taxés, et chez eux, ils ne le sont pas non plus. » M. Nahas précise qu’il existe divers moyens d’adapter le système fiscal à l’existence du secret bancaire, du moment que la taxation se fait sur une base déclarative. « Les techniques de lutte contre la fraude fiscale existent, encore faut-il modifier le principe du système fiscal libanais, ajoute-t-il. Il y a bien des raisons pour que le monde entier adopte le principe de la résidence fiscal, même s’il comporte des difficultés d’application. » Sibylle RIZK
Le budget 2003 ne change rien aux « dogmes bien établis » au Liban en matière fiscale, estime l’économiste Charbel Nahas, selon qui la loi de finances ne cherche ni de près ni de loin à contrer les déséquilibres structurels de l’économie, sa mission se limitant à des mesures d’austérité. Même de ce point de vue, l’objectif des 25 % de déficit ne sera pas atteint, car, selon...